Accès du public aux débats parlementaires


 

Prévue par l’article 33 de la Constitution – il commence ainsi : « Les séances des deux Assemblées sont publiques. Le compte rendu intégral des débats est publié au Journal officiel » – l’assistance aux séances des assemblées ne soulève en principe pas de difficulté. Il faut faire le choix d’un sujet, d’une date et d’une heure, si possible à l’avance, à l’Assemblée nationale, en demandant  ou en faisant demander un billet de séance ou une carte d’invitation au député de sa circonscription. Les modalités sont un peu différentes au Sénat, où il faut obtenir, à titre individuel ou dans le cadre d’un groupe, une invitation d’un sénateur et se présenter à l’accueil du 15 rue de Vaugirard.

L’accès aux tribunes permet, de manière discrète, d’être le spectateur de débats. À l’Assemblée nationale, 273 places sont disponibles. L’article 8 de l’Instruction générale du Bureau (chargé du contrôle de la retransmission des débats depuis la loi du 27 juin 1964) indique que le « public admis dans les tribunes “se tient assis, découvert et en silence ; il peut consulter les documents parlementaires et prendre des notes”. Par ailleurs, il ne doit montrer aucune marque d’approbation ou d’improbation » (L’Assemblée nationale dans les institutions françaises, 2014 : 286, 289).

Ce type d’accès ne concerne le plus souvent qu’un public limité et attaché à des usages traditionnels, ou encore curieux de découvrir l’atmosphère de ces débats. La presse ne comporte plus guère de rubrique spécifique, alors qu’il en allait autrement sous les républiques précédentes et encore pendant une partie de l’actuelle (par exemple, voir Abélès, 2001 : 289-290), avant que ne s’affirme la prépondérance de l’audiovisuel et qu’il soit bien moins question des travaux parlementaires dans les journaux. Pourtant, certains titres délèguent des  journalistes spécialisés.  Globalement, « plus de 350 journalistes français sont accrédités, en permanence, au Palais Bourbon, ainsi qu’une quarantaine de leurs collègues étrangers, représentant plus de vingt pays » (L’Assemblée nationale dans les institutions françaises, 2014 : 288). Ils sont souvent présents dans la salle des Quatre Colonnes, pour recueillir les déclarations ou les confidences, en marge des débats, des parlementaires, plus souvent interrogés à l’Assemblée nationale (El Gammal, 2015) qu’au Sénat.

Dans la plupart des cas, si l’audience des chaînes parlementaires (La Chaîne parlementaire, depuis la loi du 30 décembre 1999, et Public Sénat) est limitée, l’accès se fait par l’image, alors même que l’écrit conserve son importance. La publication de l’Assemblée nationale déjà citée (2014 : 86) contient d’ailleurs les précisions suivantes : « La mise à disposition des images de la séance publique aux chaînes de télévision depuis 1994, l’ouverture du site internet de l’Assemblée nationale et la création d’une chaîne parlementaire contribuent à étendre “la capacité des tribunes” à l’ensemble des citoyens ». Le site internet permet aussi  de consulter les comptes rendus des débats, les questions écrites et les tables analytiques et nominative (ibid. : 511).

 

Décalage ?

Il existe un décalage non négligeable entre le champ de ces possibilités et leur utilisation effective. La curiosité, y compris de la part du public effectivement présent, est sans doute plus répandue à propos des questions au gouvernement lors des séances d’actualité diffusées sur France 3, depuis 1982, les mardis et mercredis après-midi. Selon la journaliste Hélène Bekmezian (2017 : 232-234), qui a suivi pendant plusieurs années les travaux de l’Assemblée nationale pour le quotidien Le Monde, le son ne transmet pas alors

« les bruits de fond dans toute leur intensité […], tandis que certains députés rivalisent pour être vus à la télévision. Quand la transmission prend fin, l’hémicycle se vide assez vite. Il reste que  des extraits de débats sont diffusés dans le cadre de journaux télévisés, lorsqu’il s’agit par exemple de projets controversés ou de  la présentation d’une motion de censure. De surcroît, des sites comme Nos.Députés.fr (lancé en septembre 2009) ou Nos.Sénateurs.fr (à partir de septembre 2011) permettent d’enrichir l’information ».

Quelle que soit la diversité des sources d’information, les contraintes d’emploi du temps, le caractère technique ou répétitif de certains débats, ainsi que la perception parfois peu favorable du rôle des parlementaires et de l’utilité de leurs travaux peut correspondre à un certain nombre de décalages, voire de biais culturels et médiatiques. Peut-être convient-il de prendre en considération la notion d’accès aux débats avec une certaine circonspection, d’autant que, sauf dans les cas d’observation directe – et encore –, les séquences aperçues ne fournissent pas nécessairement une illustration en quelque sorte pédagogique des processus parlementaires.

Il est vrai aussi que l’accès aux débats ne correspond qu’à une partie de l’activité des parlementaires, qui relève aussi du travail en commission (moins accessible) et donne lieu à des rapports parfois substantiels. L’accès aux parlementaires eux-mêmes peut offrir un caractère plus direct lors des campagnes électorales, principalement lorsqu’elles se rapportent à l’Assemblée nationale, les campagnes sénatoriales relevant d’un autre mode de scrutin et d’un autre format (Conord, 2016). Il peut s’agir aussi de démarches, de courriers, de visites aux permanences. Cette diversité dans l’accès aux parlementaires renvoie à la pluralité de leurs rôles sociaux et politiques (Costa O., Kerrouche E., 2007 : 99-135). Peut-être la fin du cumul des mandats occasionnera-t-elle une clarification et permettra-t-elle de poser en termes un peu différents la question des contacts entre électeurs et élus, même si les partisans du cumul ont assuré qu’un travail exclusivement parlementaire, sans autre ancrage territorial, pourrait accroître le fossé entre les électeurs et les législateurs.


Bibliographie

Abélès M., 2001, Un Ethnologue à l’Assemblée, Paris, O. Jacob,

Assemblée nationale dans les institutions françaises (L’), 2014, Paris, Assemblée nationale.

Bekmezian H., 2017, J’irai dormir à l’Elysée, Paris, Grasset.

Conord F., 2016, Les Élections sénatoriales en France 1875-2015, Rennes, Presses universitaires de Rennes.

Costa O., Kerrouche E., 2007, Qui sont les députés français ? Enquête sur des élites inconnues, Paris, Presses de Sciences Po.

El Gammal, J., 2015,  « Le Palais-Bourbon de la fin du XIXe siècle à nos jours : une chambre d’échos », pp. 261-268, in : El Gammal J., Jalabert L., dirs, « Bruits et rumeurs », Annales de l’Est, numéro spécial.

Auteur·e·s

El Gammal Jean

Centre de recherche universitaire lorrain d’histoire Université de Lorraine

Citer la notice

El Gammal Jean, « Accès du public aux débats parlementaires » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 26 avril 2017. Dernière modification le 19 janvier 2023. Accès : https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/acces-du-public-aux-debats-parlementaires.

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