Buzz


 

Le buzz désigne étymologiquement en anglais le bourdonnement qui précède généralement l’arrivée et la vue de l’abeille. C’est un phénomène ou une technique de communication qui consiste à faire parler d’un produit ou d’un service – par le public – avant même son lancement en entretenant un bouche à oreille savamment orchestré et des actions ciblées auprès des leaders d’opinions (journalistes, blogueurs, etc.). Il s’agit d’une forme de publicité dans laquelle le consommateur contribuer à lancer un produit par le biais de courriels, de blogs, de forums ou encore de réseaux sociaux. Le public du buzz est un consommateur connecté, zappant d’une information à l’autre. Dans l’élaboration et la dissémination du buzz, les dispositifs sociotechniques numériques jouent un rôle de tout premier plan par leur capacité à augmenter la vitesse de libération de l’information et à la faire circuler le plus rapidement possible autour du monde pour un public qui en est définitivement avide.

 

Du buzz et des médias

Les entreprises bi-médias (à la fois classiques comme la presse écrite et disposant sur le Web d’un outil d’information) contribuent fortement à générer des informations susceptibles de circuler à grande vitesse sur de multiples canaux médiatiques. Ces dernières années ont vu apparaître des sites d’information se réclamant ouvertement du buzz parmi lesquels MinuteBuzz.com, Purebreak.com et surtout Buzzfeed.com qui en est la plus parfaite incarnation. Dans ces différents sites, l’objectif principal est à des années-lumière de celui des journaux en ligne : il ne s’agit pas de produire de l’information dûment recoupée et vérifiée, mais de donner naissance à des éléments discursifs et iconiques ayant une forte propension à engendrer du trafic autour de ces sites, à en renforcer la visibilité et à en augmenter considérablement l’audience :

« Tout buzz a un ou plusieurs points d’origine : les sources primaires. L’information est ensuite relayée par des sources secondaires qui vont accélérer ou non la propagation en fonction de leur degré d’influence. Tout au long du cycle de vie du buzz, le contenu sémantique est amené à évoluer. Il [faut] remonter jusqu’aux sources primaires et […] secondaires ayant joué un rôle majeur dans sa propagation » (Lauf, 2014 : 1).

Dans tous les cas, l’accent est mis sur ce qui va produire l’impact le plus fort sur le public.

 

Une machine à clics générant audience et profit

Cette audience est directement monétisée pour ces sites gratuits dont l’unique source de financement est la publicité et l’économie de l’attention. Même les médias plus traditionnels n’hésitent pas à s’inspirer de certaines techniques et notamment des fameuses machines à clics qui rendent possibles

« l’analyse des données de connexion [et] les chiffres de fréquentation des serveurs ; l’inclusion de codes spéciaux […], permettant de repérer plus précisément le comportement des visiteurs […]. La sophistication croissante des outils se traduit aussi par un accroissement de la granularité du ciblage, des deux côtés de la chaîne de l’information » (Thiran, 2012 : 88-89).

Le mot buzz a ensuite connu un glissement sémantique et est souvent désormais utilisé comme synonyme d’un phénomène viral ou d’une rumeur. Il n’est plus réservé à la période précédant le lancement d’un produit ou d’un nouveau service. Le terme de buzz équivaut alors au retentissement médiatique autour de ce qui est perçu comme étant à la pointe de la mode (événement, spectacle, personnalité politique, artiste, etc.) et des tendances sociales : cet outil contribue à l’aimantation temporaire de l’attention du public, attention qui finit par s’essouffler et se diluer, comme en témoigne la théorie du sleeper effect (Hovland, 1953).

 

Une manière d’« appar-être »

Indissociable de l’image publique des pseudo-vedettes de la télévision ou de la chanson, le buzz relève des modalités particulières de l’appar-être défini comme ce qui

« réside en l’incarnation d’une personnalité prestigieuse, extra-ordinaire […] Cette apparition est de nature quasi magique, puisque située pour ses témoins entre le rêve et la réalité, l’existence et l’essence, l’entité et l’identité. Cet appar-être est en quelque sorte l’offrande d’une “présence réelle”, bien plus dense que toutes les images. […] L’appar-être génère une fascination, qui transcende les fonctions habituelles du regard, pour mener celui-ci dans un registre spécifique et même unique » (Lardellier, 2003 : 203).

Nombre de vedettes provisoires de la télé-réalité ou de la chanson se sont contentées d’apparaître quelques temps sur les écrans avant d’en disparaître définitivement sans jamais n’être autre chose que des images désincarnées.

 

Les réseaux socionumériques : des chambres d’ego

Les médias, y compris les médias sociaux, constituent à la fois des chambres d’écho et des chambres d’ego surfant sur une gloriole passée et des images idylliques dont même le public a parfois tout oublié.

Le buzz est une émanation de l’écosystème médiatique qui l’a vu naître et qui contribue à sa propagation rapide. Le buzz prend tout son sens dans notre société de l’accélération constante, de la course contre le temps dans laquelle l’information se dissémine de façon virale et quasi synchrone :

« Par exemple, pour les médias du Net, il s’agit avant tout de faire de l’audience […] (adjonction de photos, vidéos et de liens, titres accrocheurs, angles adaptés). En outre, ils reprennent systématiquement ce qui fait de l’audience dans d’autres médias. La transhumance d’informations devient alors un mode normal de fonctionnement et une routine journalistique. Le buzz suscite paresseusement le buzz, ce qui démultiplie le buzz. Parmi les sujets et les angles qui « marchent » et qui ont donc tendance à être privilégiés par les médias du Net, l’insolite, l’inquiétant occupent une place particulière » (Boure, Lefebvre, 2014).

Tout ou presque fait le buzz sans distinction. La moindre déclaration choc d’un politicien, la moindre situation embarrassante vécue par un acteur ou par une chanteuse sont ainsi jetés en pâture à un public de plus en avide d’informations divertissantes, de contenus faciles d’accès. Aujourd’hui les réseaux socionumériques et Twitter en particulier réceptionnent et renvoient aussitôt quasi instantanément l’information, de la plus anodine à la plus stratégique. Ces réseaux sociaux jouent un rôle de plus en plus important dans l’émission et la circulation des informations de toute nature. Les réseaux tels que Twitter sont non seulement des adjuvants du buzz mais ils en constituent au sens propre les accélérateurs de particules. De nombreux exemples (plus ou moins récents) dans la vie politique française en témoignent tout particulièrement (qu’il s’agisse du tweet vipérin de Valérie Trierweiler à Olivier Falorni ou de celui, plus polémique de Nadine Morano sur la race blanche). Les acteurs publics (politiciens, artistes, etc..) en ont bien compris les rouages et le pouvoir d’attraction : ils n’hésitent pas à s’y invectiver ou à tenir des propos polémiques car ils savent mieux que quiconque que le buzz est un feu de paille sur les braises duquel il faut sans cesse souffler pour entretenir autant que faire se peut l’intérêt du public.

Dans une société dominée par la prolifération des images, le buzz constitue bien souvent une illustration de la célébrité fugace de celles et ceux qui sont l’objet de l’attention des médias de masse, cette attention diminuant aussitôt que l’intérêt du public s’affaiblit ou se reporte sur d’autres personnalités éphémères. C’est l’exemple même du fameux « 15 minutes of fame » (« quart d’heure de célébrité ») inventé par Andy Warhol : une médiatisation aussi importante que fugace, et qui ne parvient pourtant pas à oblitérer la vacuité de celles et ceux qu’elle a parés un temps de ses attraits. Consécration sans sacre véritable, le buzz a pour principale conséquence de faire beaucoup parler de vous en bien ou en mal en l’espace de quelques secondes avant que le grand public ne vous oublie presque instantanément. L’effervescence médiatique (dont le buzz est l’une des manifestations) est une préfiguration de l’amnésie totale ou relative à laquelle les heureux vainqueurs d’un jour vont être brutalement confrontés. La machine médiatique s’éprend souvent passionnément de starlettes et de succédanés d’artistes qu’elle a contribué à générer ex nihilo avant que d’autres élu(e)s apparu(e)s de façon spontanée n’occupent à leur tour le devant de la scène et ne poussent leurs prédécesseurs vers cette deuxième mort qu’est l’oubli par la profession et surtout le public.

En définitive, le buzz est l’épiphénomène caractéristique d’une société de plus en plus superficielle où l’être a été supplanté par le paraître et par la mise en scène de soi.

 


Bibliographie

Lardellier P., 2003, Théorie du lien rituel. Anthropologie et communication, Paris, Éd. L’Harmattan.

Libaert T., 2015, La Communication de crise, Paris, Dunod.

Muzard M., 2015, Very bad buzz : méthode pour préserver sa réputation sur internet, Paris, Eyrolles.

Réguer D., 2010, Optimiser sa communication digitale : buzz positif, e-reputation, publicité virale, communication de crise, Paris, Dunod.

Thiran Y., 2012, « Usages des outils audimétriques », pp. 87-96, in : Degande A., Grevisse B. dirs, Journalisme en ligne. Pratiques et recherches, Bruxelles, De Boeck.

Auteur·e·s

Lardellier Pascal

Communications, médiations, organisations, savoirs Université de Bourgogne

Eyries Alexandre

Communications, médiations, organisations, savoirs Université de Bourgogne

Citer la notice

Lardellier Pascal et Eyries Alexandre, « Buzz » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 20 septembre 2015. Dernière modification le 19 janvier 2023. Accès : https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/buzz.

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