Canetti (Elias)


Réalité anthropologico-philosophique et construction esthétique du/des public(s)

 

Elias Canetti (1905-1994), né en Bulgarie à Roussé, ville multiculturelle, dans une famille juive séfarade de commerçants fortunés, élevé en partie en Angleterre, puis en Suisse après le décès de son père en 1913, avant que sa mère ne se fixe à Vienne, est un auteur protéiforme arrivé tardivement à la notoriété internationale grâce à son ouvrage sur les masses, Masse und Macht (Masse et puissance) qui ne parut qu’en 1960, et à l’obtention du prix Nobel de littérature en 1981. Ses jeunes années furent marquées par le premier conflit mondial et ses conséquences désastreuses pour l’empire des Habsbourg. Très tôt décidé à devenir écrivain, Elias Canetti publia sa première œuvre et son unique roman, Die Blendung (Auto-da-fé) en 1935, qui reçut un accueil favorable de la part de Thomas Mann par exemple. Toutefois, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie le contraignit avec sa femme, l’écrivaine Veza Canetti (1897-1963), à fuir le pays d’abord vers la France où résidaient ses frères cadets, avant de se fixer à Londres à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Menant une vie difficile financièrement, malgré des amis membres de la haute société anglo-saxonne, il s’attaqua à « prendre son siècle à la gorge », comme il l’écrivit dans un entretien, et à rédiger un ouvrage difficilement classable, Masse und Macht (Masse et puissance). Il publia à la suite ses pièces de théâtre, rédigés en partie dans les années 1930, puis plusieurs volumes de « réflexions » (Aufzeichnungen), commencées dès la rédaction de Masse et puissance, avant de s’attaquer à son autobiographie en trois parties (Canetti, 1977, 1980, 1985 ; la quatrième partie parut après sa mort en 2003), qui fit beaucoup pour sa célébrité, coïncidant entre autres facteurs avec l’intérêt d’alors pour la Vienne du début de siècle comme berceau de la modernité. À partir du début des années 1970 et la naissance de sa fille, issue de son second mariage, Elias Canetti résida à Zürich.

Elias Canetti (source : Dutch National Archives, The Hague, Fotocollectie Algemeen Nederlands Persbureau, 1945-1989)

 

Dans son discours de réception du prix Nobel (1981), Elias Canetti nomme quatre écrivains qu’il présente comme modèles et indique en premier lieu Karl Kraus (1874-1936). Par de nombreux aspects, il s’inscrit dans la filiation de ce dernier pour ce qui est de sa pratique du théâtre, sa conception du « masque acoustique » et sa fréquentation des lieux publics de la Vienne de l’entre-deux-guerres, notamment les cafés, ainsi que sa position face au public. En revanche, Elias Canetti n’a jamais voulu arborer la position du juge contempteur et infaillible que s’accordait le rédacteur de Die Fackel (Le Flambeau), la revue dont il fut le fondateur et le rédacteur pendant plusieurs décennies. Comme Karl Kraus néanmoins, Elias Canetti a utilisé les lectures publiques pour faire connaître sa pensée et son œuvre, dès avant la publication de son premier ouvrage et jusque dans son grand âge. Son biographe, Sven Hanuscheck (2005 : 482), rappelle que le « charisme » de l’auteur domptait son public comme cela était déjà le cas de Karl Kraus. Cependant, au-delà des simples données biographiques, la conception du « public », au sens allemand de « öffentlich » (voir entrée Espace public) et en opposition à ce qui est d’ordre strictement privé ‒ on se souviendra de la réaction d’Elias Canetti lorsque l’infirmité de sa première femme, Veza Taubner-Calderon, fut rendue publique par mégarde au cours d’une interview donnée par un ami de la famille ‒, relève en partie du second modèle qu’il indique dans le discours de Stockholm, à savoir Franz Kafka (1883-1924).

Selon lui, il est l’incarnation de celui « qui peut se métamorphoser en quelque de chose de tout petit et ainsi se soustraire au pouvoir », comme il l’explique d’ailleurs dans son essai, L’Autre Procès (Der andere Prozess. Kafkas Briefe an Felice,1969), assimilant la relation au public à un exercice de pouvoir. La troisième référence nommée par Elias Canetti concerne un écrivain qui a poursuivi avec opiniâtreté son entreprise pendant des années, sans garantie d’arriver un jour à la terminer ou la publier : Robert Musil (1880-1942) (« une témérité principalement constituée de patience qui suppose une ténacité quasi inhumaine » – voir le discours de Stockholm). Ces trois figures emblématiques dont il se réclame établissent un rapport au(x) public(s) tout à fait particulier qui vaut également pour lui-même : un rapport d’écoute et d’attention, mais également de domination, voire de destruction pour Karl Kraus ; un rapport de distance extrême, de retrait et par conséquent de lutte contre toute forme de pouvoir pour Franz Kafka ; enfin, un rapport quasi inexistant fondé sur l’inachèvement, la persévérance, la modestie face à l’œuvre à accomplir pour Robert Musil.

 

Une réalité anthropologico-philosophique

Vienne est la ville des cafés (voir entrée lieu public), c’est-à-dire des lieux où l’écrivain peut observer les autres hommes, se livrer à une écoute particulière afin d’écrire. Dans de nombreux entretiens, Elias Canetti confiera qu’il a utilisé les cafés, mais aussi la rue, comme champs d’écoute et d’observation afin de détecter dans chaque individu ce qui pouvait faire son identité, sa particularité, par et dans la langue, plutôt que dans l’apparence et l’habillement. Or, cette propension, il l’a développée à l’école de Karl Kraus comme il le rappelle dans un chapitre du Flambeau dans l’oreille, au titre tout à fait révélateur « Schule des Hörens » (« L’apprentissage de l’oreille »), en tentant d’établir sa différence entre lui et Karl Kraus et sa relation au public.

« Il était beaucoup plus important que l’on apprît en même temps à écouter. Tout ce qui était dit, partout, à tout moment, par qui que ce fût, s’offrait à l’oreille, une dimension du monde qu’on avait pas soupçonnée jusque-là et, comme il s’agissait de l’alliance de la langue avec les hommes, dans toutes ses variantes, c’était peut-être la plus significative, en tout cas la plus riche. Cette forme d’écoute n’était pas possible si l’on ne renonçait pas aux réactions personnelles. Dès que l’on avait mis en route ce que l’on pouvait entendre, on s’arrêtait, on ne faisait qu’écouter et l’on ne devait se laisser entraver par aucun jugement, aucune indignation, aucun enthousiasme. Ce qui importait, c’était que la figure restât pure, non falsifiée et qu’aucun de ces “masques acoustiques”, expression que j’emploierai plus tard, ne se mêlât aux autres. […]
Le besoin de masques de ce genre, pour ainsi dire leur autonomie, leur indépendance face à ceux que j’entendais dans Les Derniers Jours de l’humanité de Karl Kraus que je connaissais alors déjà par cœur, tout cela, je le ressentis pour la première fois, je crois, à Sainte-Agathe pendant l’été 1926, quand je regardais les hirondelles pendant des heures et des heures, leurs mouvements rapides et légers, quand j’écoutais les cris toujours semblables à eux-mêmes qu’elles faisaient entendre pendant leur vol. Bien que toujours répétés, ces cris ne me fatiguaient jamais, aussi peu que les merveilleux mouvements de leur vol. Peut-être, les aurais-je oubliées par la suite s’il n’y avait eu la fête patronale avec le marchand de chemises sous mes fenêtres et son cri, toujours le même : “Aujourd’hui, Que j’aie de l’argent ou pas !”. Enfant, je prenais déjà plaisir à écouter les vendeurs à la criée et je souhaitais les voir rester, ne pas partir si vite. Celui-là resta deux jours au même endroit sous mes fenêtres. Lorsque cependant, je me retirais à cause du bruit dans le petit jardin à la table de bois où j’avais l’habitude d’écrire, je retrouvais les hirondelles qui, nullement troublées par le bruit de la foire, accomplissaient leur même vol, faisant entendre les mêmes cris. Cela semblait être une répétition comme l’autre, tout n’était que répétition. Ces sons dont on ne parvenait pas à se débarrasser se composaient de répétitions et, bien que le masque que se mettait le vendeur fût faux, bien qu’il se fût révélé, parlant avec moi, étudiant en droit, sachant très bien ce qu’il voulait et disait, l’usage logique qu’il faisait de ce masque en relation avec les sons toujours semblables, mais naturels des hirondelles, me fit une telle impression qu’ensuite, dès que je fus de retour à Vienne, cette quête de formes de langage me conduisit dans des marches nocturnes sans fin à travers les rues et les cafés de Leopoldstadt » (Canetti, 1980 : 251-253).

L’admirateur, émule et critique de Karl Kraus, raconte dans cet extrait les prémices de son « concept » de masque acoustique : pour l’écrivain, il s’agit de parvenir à se mettre en retrait, à faire abstraction de sa personnalité afin d’enregistrer les idiosyncrasies permettant d’identifier un individu par sa langue et ses tics linguistiques. Elias Canetti parle de masque car, comme le montre l’exemple du vendeur ambulant, il peut tout à fait s’agir de quelque chose d’inauthentique – le vendeur ambulant est en fait un étudiant en droit qui utilise cette pratique à des fins stratégiques et utilitaires –, d’emprunté, mais qui dessine une cohérence du personnage mis en avant, de manière consciente ou inconsciente – comme c’est le cas pour la logeuse d’Elias Canetti à Vienne dont il parle à un autre endroit. Il s’agit d’une pratique presque phonographique, fondée sur l’emploi de la citation, de la littéralité, mais qui ne s’attache qu’aux caractéristiques que la répétition met en avant. Cette méthode sera partiellement à l’origine de sa conception théâtrale dans laquelle les personnages sont avant tout caractérisés par leur langue, tandis que la psychologie passe au second plan. Sa première pièce et également première œuvre littéraire, Hochzeit (Noces) rédigée en 1931 et publiée en 1932, en est la meilleure illustration comme l’explique sa lettre à l’écrivain Hermann Kesten (1900-1996) du 30 novembre 1932 :

« Mais ce qui m’importe, c’est la monotonie de la technique langagière. Je crois que tout être humain – mis à part quelques personnes “déformées” qui n’entrent pas ici en ligne de compte – possède sa propre langue et en use à tout instant impossible » (Canetti, 2018 : 13, traduction d l’auteur).

Dans le roman Die Blendung (Auto-da-Fé 1935), le personnage de Thérèse Krumbholz est une autre illustration de ce même principe qui, tout en indiquant une relation de l’être humain à un autre, la nie par ailleurs. Une ambiguïté fondamentale donc dans la relation à la sphère publique et aux autres, qui se retrouve dans l’ouvrage Masse und Macht (Masse et puissance, 1960). Commencé lors de son exil en Angleterre et suscité par le monde contemporain, Masse und Macht est une œuvre inclassable, oscillant entre traité philosophique, œuvre littéraire et essai d’anthropologie, d’ethnologie, d’analyse des mythes, recourant à une méthode tout à fait subjective et empirique, que certains, comme Theodor W. Adorno (1903-1969), lui reprocheront. Selon Elias Canetti, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, le phénomène de civilisation le plus important, mais également le plus dangereux, est celui des masses, en ce que leur existence semble venir détruire ce sur quoi l’Europe s’est construite depuis les Lumières : l’individu. À la différence de ses prédécesseurs, et en particulier Gustave Le Bon (1841-1931) dans Psychologie des foules (1895) et Sigmund Freud (1856-1939) dans Psychologie des masses et analyse du moi (1921), Elias Canetti décide de s’intéresser aux masses « réelles » – rappelons que Gustave Le Bon et Sigmund Freud étudient des masses « artificielles », l’Église et l’armée. Il étudie différents types de masse (ouverte/fermée, de fuite/de fête, etc.) qu’il classe selon une typologie bien à lui et qu’il trouve dans toutes sortes de symboles qui en gardent la mémoire (le feu, la mer, la pluie, etc.) et dans un phénomène archaïque qui est celui de la meute animale. À partir de ces catégories, il analyse aussi bien les phénomènes de masse qui semblent évidents – dans les systèmes totalitaires notamment – que d’autres qui le sont moins, comme le bipartisme britannique qui représenterait une forme domestiquée de l’affrontement de deux masses guerrières. Mais le phénomène de la masse ne peut pas être compris sans ce qui en est fondamentalement à l’origine, à savoir la mort, d’où la puissance tirera sa force. Le détenteur de la puissance est celui qui survit à la mort des autres, et cet « instant de survivre est instant de puissance » (Canetti, 1966 : 241). Elias Canetti (ibid. : 461-491) explique les différentes formes possibles d’exercice de cette passion de survivre, comme celle que représente par exemple la paranoïa dans le cas du président de chambre de la cour d’appel de Dresde, Daniel Paul Schreber (1842-1911), analysé par Sigmund Freud. Toutes les formes de survie sont donc liées à cette peur de la mort de soi et à une mauvaise conscience, sauf dans le cas de la survie littéraire, dont le meilleur exemple en est, selon Elias Canetti  (ibid. : 295), Stendhal (1783-1842), et auquel est consacré le chapitre central de l’ouvrage :

« Mais qui ouvre Stendhal, c’est lui-même qu’il retrouve avec tout ce qui l’entourait, et il le trouve ici-même dans cette vie. C’est ainsi que les morts s’offrent en nourriture très noble aux vivants. Leur immortalité profite aux vivants : tous se trouvent bien de ce renversement du sacrifice funèbre. La survie a perdu son aiguillon, et le règne de l’inimitié s’achève. »

Tout en s’intéressant au phénomène qu’il considère comme caractéristique du xxe siècle, Elias Canetti fait donc aussi un éloge de la littérature et de sa valeur à la fois rédemptrice et heuristique.

Son opus magnum débute par un paradoxe, qui est au centre de sa pensée, et reflète parfaitement les apories de celle-ci ainsi que les problèmes qu’elle pose à ses lecteurs : en quelque sorte, il s’agit d’un refus, du rejet anthropologique du contact et donc d’un lien avec un « public » quelle que soit sa forme ; tel est d’ailleurs le titre du premier chapitre « La phobie du contact et son renversement » (« Die Berührungsfurcht und seine Umkehrung ») :

« Il n’est rien que l’homme redoute davantage que le contact d’inconnu. […] Cette aversion de tout contact ne nous quitte pas même quand nous nous mêlons aux gens. C’est cette phobie qui nous dicte notre manière d’évoluer dans la rue, parmi les passants, dans les restaurants, les trains et les autobus […] quelque chose qui ne quitte plus l’homme dès qu’il a fixé une bonne fois les limites de sa personne » (Canetti, 1966 : 11-12).

Mais cette phobie peut être dépassée :

« C’est dans la masse seulement que l’homme peut être libéré de cette phobie du contact. C’est la seule situation dans laquelle cette phobie s’inverse en son contraire » (ibid.).

Selon Elias Canetti, cette bipolarité ou tension entre une distance absolue et un attrait fusionnel irrésistible forme le noyau central de la relation de l’homme à lui-même et aux autres ou au monde, dont l’origine fondamentale est la mort. Il s’agit d’une donnée archaïque dont il s’efforcera de montrer la permanence depuis la nuit des temps jusqu’à aujourd’hui. En effet, les masses attirent l’attention des intellectuels depuis la fin du xixe siècle, mais plus précisément, depuis la fin de la Première Guerre mondiale – on songera ici en particulier à celui qu’Elias Canetti (1966 : 477) ne nomme jamais, Sigmund Freud, mais qui est présent entre les lignes. On sait qu’Elias Canetti a fait lui-même l’expérience de la masse à différentes reprises, en 1922 à Francfort au moment de l’assassinat de Walther Rathenau, puis le 15 juillet 1927 à Vienne lors de l’incendie du palais de Justice, enfin à partir de 1933, il fut un observateur attentif des événements en Allemagne et de l’instrumentalisation des masses par le parti nazi. Pour l’écrivain, cette expérience réhabilite le corps, la corporéité, l’importance du contact physique dans la construction de la pensée : le corps et la pensée ne font qu’un, comme en témoignent ses analyses du phénomène de la métamorphose (Canetti, 1966 : 357-362, 383-386 en particulier).

 

Une construction esthétique

Le rapport de l’homme au public et aux autres se note, entre autres phénomènes, par l’utilisation de certaines pratiques comme porter des habits qui font office de seconde peau afin de protéger l’être humain du contact des autres. Le corps et la corporéité occupent une place importante dans la conception d’Elias Canetti. Mais, au-delà de tout cela, pour échapper à ce rapport paradoxal au monde, l’homme, qui est fondamentalement un être vivant, est capable, de se métamorphoser : « La métamorphose était un don universel des créatures et avait lieu sans arrêt. […] On pouvait se transformer soi-même en n’importe quoi » (Canetti, 1966 : 396). Pour Elias Canetti, cette fluidité préhistorique est un atout que les hommes modernes doivent retrouver afin de contrecarrer les méfaits engendrés par les masses. La manière de penser telle qu’elle est mise en œuvre dans ce grand « essai » est symptomatique des conséquences que la métamorphose a pour l’écriture elle-même, qui est le seul lieu où le pouvoir et l’exercice de la puissance peuvent être contournés et permettre à ceux qui constituent la sphère publique, le public d’exister dans le texte : ainsi l’auteur met-il en place à partir de 1942 une écriture de type discontinu qui permet de penser loin des idées déjà existantes et des systèmes de pensées tous réducteurs, en ce qu’ils recourent à des concepts, appauvrissants dans leur généralité, et auxquels il préfère les métaphores et les analogies qui ont, selon lui, la faculté de ne pas réduire la complexité du monde et de ses phénomènes. Il privilégie l’analogie, la paraphrase ou la citation in extenso de références afin de laisser le texte, les autres parler d’eux-mêmes. L’écriture discontinue permet une dépossession du sujet de son énoncé mettant en jeu des disruptions – Elias Canetti lui-même parle de « sauts » (Sprünge) – stylistiques, logiques et sémantiques aux antipodes de toute matrice traditionnelle d’écriture visant harmonie, cohérence logique et logocentrisme téléologique, dans une anticipation de conception derridienne de déconstruction. De la sorte, Elias Canetti (1974,  2003 : 33, 141, 249) inscrit le public au sens large au sein même de son écriture, et sa pratique des Aufzeichnungen (« Réflexions ») depuis 1942 – mis à part l’histoire de sa vie peut-être qui ressemble à une immense galerie de portraits pour faire vivre les êtres qu’il a rencontrés par son écriture – est la forme idéale pour cette place qu’il accorde aux autres par un « retrait » du je (Canetti, 1974,  2003 : 33, 141, 249).

 

En somme, pour Elias Canetti, le public est un élément fondamental de sa pensée en ce qu’il participe à son élaboration sur un mode particulier fait de « l’accueil » de l’Autre, à partir de ses expériences personnelles, de la fréquentation assidue des lieux publics comme le café, et dans le même temps d’une distance par rapport à lui, mais aussi dans la forme utilisée : il se donne pour objectif de « laisser parler » les autres – les techniques de la citation longue ou de la paraphrase assumée en faisant partie. Le public est un aspect fondamental de la connaissance du monde, menaçant par bien des côtés, en particulier sous la forme de la masse, et c’est pourquoi Elias Canetti a recours à une forme particulière, la « réflexion » (Aufzeichnung) à partir des années 1940, et ce jusqu’à la fin de sa vie, qui donne toute sa place au(x) public(s) dans la constitution du sens de ses textes par la place accordée aux autres.


Bibliographie

Canetti E., 1935, Auto-da-Fé, trad. de l’allemand par P. Arhex, Paris, Gallimard, 1968.

Canetti E., 1960, Masse et puissance, trad. de l’allemand par R. Rovini, Paris, Gallimard, 1966.

Canetti E., 1969, L’Autre Procès, trad. de l’allemand par L. Jumel, Paris, Gallimard,1972.

Canetti E., 1974, Le Témoin auriculaire. Cinquante caractères, trad. de l’allemand par J.-C. Hémery, Paris, A. Michel, 1985.

Canetti E., 1977, Histoire d’une jeunesse. La Langue sauvée (1905-1921), trad. de l’allemand par B. Kreiss, Paris, Libr. générale française, 1978.

Canetti E., 1980, Histoire d’une vie. Le Flambeau dans l’oreille ( 1921-1931), trad. de l’allemand par M.-F. Demet, Paris, A. Michel, 1980.

Canetti E., 1981, Discours de remise du prix Nobel. Accès : https://www.nobelprize.org/prizes/literature/1981/canetti/speech/. Consulté le 21/10/2018.

Canetti E., 1985, Histoire d’une vie. Jeux de regards (1931-1937), trad. de l’allemand par W. Weideli, Paris, Libr. générale française, 1987.

Canetti E., 1990, « Karl Kraus, école de la résistance », pp. 13-33, in : Kraus K., La Littérature démolie, trad. de l’allemand par Y. Kobry, Paris, Payot/Rivages, 1993.

Canetti E., 2003, Les Années anglaises, trad. de l’allemand par B. Kreiss, Paris, A. Michel, 2005.

Canetti E., 2018, Ich erwarte von Ihnen viel. Briefe 1932–1994, herausgegeben von S. Hanuschek S. et K. Wachinger, Munich, C. Hanser.

Freud S., 1921, Psychologie des masses et analyse du moi, trad. de l’allemand par J. Altounian, A. Bourguignon, P. Cotet et al., Paris, Presses universitaires de France, 2010.

Hanuschek S., 2005, Elias Canetti. Biographie, Munich, C. Hanser.

Le Bon G., 1895, Psychologie des foules (1895), Paris, F. Alcan.

Leroy du Cardonnoy É., 1997, Les « Réflexions » d’Elias Canetti : une esthétique de la discontinuité, Berne, P. Lang.

Auteur·e·s

Leroy du Cardonnoy Eric

Équipe de recherche sur les littératures, les imaginaires et les sociétés Université de Caen Normandie

Citer la notice

Leroy du Cardonnoy Eric, « Canetti (Elias) » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 03 juin 2019. Dernière modification le 20 octobre 2022. Accès : https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/canetti-elias.

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