Cible


 

Définir les publics comme des cibles sous-entend une conception fonctionnaliste des médias qui diffusent alors des messages ayant pour vocation de les influencer dans un contexte de communication persuasive. Cette approche trouve ses sources dans les pratiques des organisations commerciales ayant une démarche marketing, mais est appliquée dans de multiples domaines comme, par exemple, la politique, la culture ou la santé publique. Le marketing est une stratégie d’adaptation des organisations à des marchés concurrentiels, pour influencer en leur faveur le comportement de leurs publics, par une offre dont la valeur perçue est durablement supérieure à celle des concurrents (Lendrevie et al., 2009). Dans ce contexte, le public devient une cible marketing et est défini comme le(s) segment(s) que l’organisation a identifié(s) et choisi(s), c’est-à-dire les acheteurs potentiels (son marché) vers lesquels elle va orienter son offre et concentrer ses moyens d’action. Pour toucher ses publics, l’organisation met en place un plan de marchéage (mix-marketing) qui intègre quatre catégories de variables influençant son marché cible : la politique de produit, la politique de prix, la politique de distribution et la politique de communication. Dans  cette dernière politique qui nous intéresse particulièrement, la stratégie de communication mise en place vise à atteindre des publics qui deviennent des cibles de communication.

Nous définirons les cibles marketing, puis les cibles de communication, avant de présenter les nouvelles tendances de ciblage.

 

Cibles marketing

La cible marketing est constituée de tout ou partie des acheteurs (potentiels ou actuels) du bien ou service vendu par l’organisation. Une organisation ne pouvant satisfaire l’ensemble d’un marché, elle procède généralement à une segmentation. Elle divise alors le marché et constitue des segments, c’est-à-dire des groupes de clients ou prospects susceptibles de réagir de la même façon à son offre, puis choisit celui ou ceux qui représentent le meilleur potentiel pour elle. Chaque segment devient alors une cible. L’organisation distingue généralement un cœur de cible, constitué de sa cible prioritaire, et des cibles secondaires.

Pour segmenter le marché, l’organisation regroupe les consommateurs en groupes homogènes selon différents types de critères. Les cibles « quantitatives » (Lendrevie, De Baynast, 2008) sont définies selon des critères de segmentation objectivables (Kotler et al., 2006), de nature :

  • géographique : région, type d’habitat (habitat rural/urbain, centre-ville/banlieue), tranche d’agglomération (moins de 2000 habitants, jusqu’à un million et plus ;
  • sociodémographique : âge, sexe, structure et taille du foyer, cycle de vie familial (célibataire, couple…), niveau de revenus (selon les catégories de l’Institut national de la statistique et des études économiques, par exemple : individus modestes, individus aisés…), Professions et Catégories Socioprofessionnelles (agriculteurs, petits patrons…), niveau d’éducation (aucun diplôme, Certificat d’aptitude professionnelle-Brevet d’études professionnelles…) ;
  • comportementale : situation d’achat, avantages recherchés, fidélité à la marque… ;

Les cibles « qualitatives »  sont définies par des critères expliquant leurs attitudes et attentes à l’égard du produit : facteurs sociaux et culturels (culture, groupe social,…), facteurs psychologiques (motivations, besoins,  personnalité, image de soi,…). S’ajoutent à cela des critères psychographiques qui permettent d’identifier des segments ayant des points communs en termes de comportement d’achat, de centres d’intérêt, d’opinions, de types d’activités, de valeurs, de personnalité… et qui tiennent compte des tendances et prospectives sociales, économiques ou culturelles. On parle alors de « styles de vie » (Valette-Florence, 1989).

 

Cibles de communication

La cible de communication est constituée de toutes les personnes (physiques, dans le cas d’une communication en Business to Consumer, ou morales, dans le cas de communication en Business to Business) visées par une action de communication. La cible de communication est potentiellement plus large que la cible marketing. En plus des acheteurs et utilisateurs des biens et services auxquels l’organisation s’adresse, la cible de communication comprend les influenceurs.

L’organisation peut, d’une part, tenter de toucher directement ses cibles. Il s’agira alors de transmettre le bon message sur le bon canal, au bon moment et à la bonne cible et de faire en sorte que l’expérience du public avec la marque soit positive. Pour cela, dans une logique de communication intégrée à 360°, l’organisation met en place un mix de communication combinant des moyens de communication média traditionnels off line (via le media-planning qui consiste à choisir la combinaison optimale de médias et supports selon leur affinité  ̶ la proportion de l’audience du support appartenant à la cible), des moyens de communication hors médias et des leviers on line (Display, Search Engine Marketing/SEM, Social Media Marketing/SMM) en fonction de leur capacité à réaliser les objectifs de communication et à toucher les cibles choisies (qui n’ont pas forcément conscience d’être influencées ; par exemple, des publicités interstitielles qui sont à peine regardées et aussitôt oubliées par l’internaute, ont des effets non-conscients, favorables aux marques publicisées, à long terme ; Courbet et al ., 2014). Pour les médias off line, l’objectif est notamment d’optimiser le Gross Rating Point (nombre total de contacts utiles ou couverture, le taux de couverture étant le pourcentage de la cible exposé au moins une fois au message pendant la campagne, multiplié par la répétition moyenne) ou le Coût pour Mille utile (coût d’une campagne pour mille contacts publicitaires « utiles », c’est-à-dire appartenant à la cible). Pour les leviers on line, selon une étude de TNS-Sofres de 2013, trois familles d’indicateurs sont souvent privilégiées par les professionnels : l’empreinte (les indicateurs mesurant la surface et la densité de la marque), le Return On Invest (les indicateurs de performance des actions de marketing et de communication sur les transactions : Coût pour Mille, Coût par Clic, taux de Conversion…) et l’interaction, qui regroupe la conversation (mesure du flux et de la nature des propos échangés entre la marque/l’organisation et ses publics) et l’engagement (indicateurs mesurant l’intensité de l’expérience collaborative).

D’autre part, l’organisation peut agir indirectement sur son cœur de cible via différents influenceurs (prescripteurs, préconisateurs, leaders d’opinion) qui deviennent dès lors également une cible de communication pour les entreprises. La communication se fait alors à deux niveaux et touche d’abord les leaders d’opinion qui relayeront vers les différents publics de l’organisation. Les leaders d’opinion ont vu leur influence fortement augmenter avec le web social et leur identification devient un enjeu fondamental pour les marques. Ils appartiennent au groupe social des cibles (entourage proche et familial) ou ont une place particulière dans la  hiérarchie sociale et les médias (célébrités médiatiques, bloggeurs, youtubeurs, experts). Disposant d’une notoriété ou d’une expertise reconnue, ils augmentent l’audience de la marque (parfois en échange de contreparties notamment financières) et servent de relais d’opinion auprès des cibles de la marque.

 

Vers des cibles 3.0

Au marketing 2.0 orienté vers le client (marqué par le web social et l’intelligence collective et participative) s’ajoute depuis 2010 le marketing 3.0, marqué par les nouveaux enjeux de l’interconnexion, de la mobilité et de la diffusion de l’information en temps réel. Ce marketing serait centré sur l’humain et sur des valeurs sociétales et environnementales (Kotler et al., 2010). Pour toucher et mériter l’attention de leurs publics-cibles, les médias numériques remplacent la logique de transmission de message des médias traditionnels par une logique de création d’utilité. La marque doit être intéressante, utile, divertissante et s’ouvrir à ses cibles en les laissant participer à sa vie (par exemple, en choisissant le packaging d’un nouveau produit via Facebook) et s’exprimer. Les cibles et le ciblage évoluent donc dans plusieurs directions :

  • Évolution du profil des leaders : les marques cherchent désormais à cibler leurs fans (via le SMM) et à recruter parmi eux de véritables « ambassadeurs de marque » qui deviendront vecteurs de recommandation et de viralité positive. Les marques s’appuient sur ces ambassadeurs pour propager leur message. Via la qualité des contenus qu’ils diffusent et l’audience qu’ils génèrent sur le web social, les ambassadeurs fédèrent autour de la marque et suscitent l’engagement des internautes qui interagissent et participent aux contenus publiés sur la marque.
  • Ciblage comportemental et contextuel : l’évolution des leviers on line, l’analyse du big data et le data mining fondé sur des algorithmes, permettent de brasser des données complexes et de proposer des recommandations personnalisées aux internautes. Désormais, le ciblage est comportemental et contextuel : il permet d’afficher le bon message à la bonne personne au bon moment, en adaptant le message à son contexte d’apparition. Le contexte peut être caractérisé par les actions de l’internaute ou par le contenu de la page support. Les organisations peuvent désormais analyser les comportements de l’internaute-cible et constituer un profil en fonction de son comportement en ligne (grâce aux cookies, fichiers envoyés vers l’ordinateur du visiteur d’un site web, qui permettent d’observer le comportement de l’internaute : pages consultées, requêtes saisies, comportement vis-à-vis du display…) et off line (informations issues de points de vente, de cartes de fidélité). Dans cette logique, le retargeting consiste à émettre le message publicitaire d’une marque (display ou e-mailing) pour solliciter les internautes ayant précédemment surfé sur le site internet de la marque, dans une stratégie de reconquête (pour relancer, par exemple, un prospect ayant démarré mais pas terminé le processus d’achat).
  • Ciblage géographique et objets connectés : l’interopérabilité entre réseaux, la mobilité et la géolocalisation permettent le développement du géomarketing et du marketing mobile. L’affichage des messages publicitaires et les résultats du SEM dépendent désormais également des comportements et de la localisation des utilisateurs de smartphones. Un autre enjeu est le développement des objets connectés qui, via un accès au réseau, fournissent des informations contextualisées liées au produit et à l’usage qu’en fait le consommateur et aident à la décision dans certains domaines (santé, sécurité, énergie). Ces objets connectés restent par ailleurs de précieux supports de communication pour les marques et annonceurs qui soutiennent leur développement.
  • Gestion de la relation client, marketing relationnel : les technologies du web permettent aux organisations d’instaurer un marketing relationnel, c’est-à-dire d’établir une relation individualisée et continue avec leurs cibles-clients pour les fidéliser à long terme. Pour cela, les organisations mettent notamment en œuvre, pour l’ensemble de leurs plates-formes numériques, des dispositifs de gestion des relations avec leurs clients (E-Consumer Relationship Management) afin de leur proposer des offres personnalisées en fonction de l’historique de la relation client (personnalisation des sites, actions de fidélisation, support clientèle via le Web, e-mailing…).

Bibliographie

Courbet D., Fourquet-Courbet M.P., Intartaglia J., Kazan R., 2014, « Words and Images in Advertising have Different Long-term Effects in Implicit Memory : the Effects of Internet Pop-Ups », Journal of Computer-Mediated Communication, 19, 2, pp. 274-293.Étude Club des annonceurs/TNS Sofres, 2013,  Accès : http://www.tns-sofres.com/etudes-et-points-de-vue/comment-piloter-sa-marque-aujourdhui. Consulté le 28 septembre 2015

Kotler P., Keller K.L., Dubois B., Manceau D., 2006, Marketing Management, 12e éd., Paris, Pearson Education.

Kotler P., Kartajaya H., Setiawan I., 2010, Marketing 3.0: From products to customers to the human spirit, Hoboken, New Jersey-USA, John Wiley & Sons.

Lendrevie J, De Baynast A., 2008, Publicitor. Communication 360° off et online, 6e éd., Paris, Dalloz.

Lendrevie J., Levy J., Lindon D., 2009, Mercator ; théorie et pratique du marketing, 9e éd., Paris, Dunod.

Valette-Florence P., 1989, Les Styles de vie : fondements, méthodes et applications, Paris, Éd. Economica.

 

Auteur·e·s

Fourquet-Courbet Marie-Pierre

Institut de recherche en sciences de l'information et de la communication Aix-Marseille Université

Citer la notice

Fourquet-Courbet Marie-Pierre, « Cible » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 20 septembre 2015. Dernière modification le 14 février 2023. Accès : https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/cible.

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