Gilets jaunes


 

Dans sa forme comme dans sa durée, le mouvement social de protestation connu sous le nom de « gilets jaunes » (en raison du gilet de sécurité fluorescent – présent obligatoirement dans tout véhicule – revêtu par les manifestants) est inédit en France. Son hétérogénéité en fait même l’une de ses caractéristiques. Comme l’écrit un collectif de chercheurs qui a mené des enquêtes par questionnaires tout au long du mouvement, « loin d’être un mouvement homogène aux revendications univoques, cette mobilisation regroupe des individus aux attributs différents selon les lieux de rassemblement et le moment de l’implication, qu’il s’agisse de leur profil sociologique, de leurs ressources politiques ou de leurs motivations et demandes » (Collectif d’enquête, 2019 : 871). Non organisé par des professionnels de la mobilisation (partis, syndicats, associations), même si des militants y ont participé, ce mouvement a émergé de façon progressive entre l’été et l’automne 2018, par coagulation d’initiatives individuelles (pétition en ligne, messages de protestation sur Youtube, ouverture de groupes de discussion Facebook, appels divers à protester contre les taxes sur le carburant…). Tout 2019, et encore début 2020, chaque samedi, des militants irréductibles ont défilé et défilent toujours dans les rues de quelques grandes villes et, pour certains, se sont mêlés aux manifestations contre la réforme des retraites.

Parodiant Jean-Luc Mélenchon à propos de son propre mouvement politique – La France insoumise –, on peut affirmer que cette protestation s’exprime sous forme d’un mouvement « gazeux », refusant toute coordination nationale instituée, toute alliance ou récupération politiques explicites (ce qui ne signifie pas que des groupes n’ont pas essayé de noyauter le mouvement, notamment la « patriosphère » comme l’a retracé une enquête du Monde – sur les groupes Facebook associés au déclenchement de la mobilisation), toute désignation de porte-parole (comme pour le mouvement Nuit Debout en 2016), toute institutionnalisation post-mobilisation comme ce fut le cas en Espagne avec le parti Podemos à la suite de la mobilisation citoyenne de Los Indignados (même si des listes se sont prévalues du label gilets jaunes pour les élections européennes de mai 2019). Un refus qui fut lourd d’échecs politiques dans les urnes. On touche là du doigt l’une des difficultés de ces nouveaux mouvements collectifs nés en ligne à avoir une existence politique durable, dès lors qu’ils se veulent très égalitaristes et horizontalistes et qu’ils refusent de désigner en leur sein des porte-parole pour incarner leur cause, les représenter sur des plateaux télévisés ou dans des rencontres officielles avec le Gouvernement (voir Gerbaudo, 2017).

Face au déroulement de ce mouvement social (très documenté par les sciences sociales en un temps record) et au foisonnement des approches possibles d’un mouvement aussi riche d’observations à établir que d’interprétations à formuler, il est impossible d’en aborder toutes les facettes dans cette notice. Pour centrer l’analyse, on partira du constat frappant de la coexistence de deux rapports à l’espace public qu’on tend souvent à opposer : le monde numérique et l’espace physique de la rue et des ronds-points. Or, à une nouvelle forme de mobilisation en ligne, s’adjoignent des aspirations à une reconsolidation des liens sociaux de proximité, le tout au nom d’une quête de visibilité sociale qui place la dénonciation des journalistes au premier rang de cette contestation citoyenne qui les accuse de les avoir invisibilisés. Concernant à la fois la façon dont le mouvement cherche à se construire comme un public et à se faire entendre dans l’espace public en conciliant parfaitement monde physique et monde numérique, ces aspects seront abordés tour à tour, après avoir brièvement fourni des éléments de contextualisation sur les raisons de la colère et les caractéristiques sociales des personnes qui se sont ainsi mobilisées.

 

Une exaspération sociale

En schématisant, on peut dire que le mouvement est l’expression d’une double exaspération. Celle de catégories sociales qui se sentent marginalisées et fragilisées dans leurs modes de vie ; celle de citoyens qui se rebellent contre la politique mise en place par le président de la République Emmanuel Macron, car ils la jugent injuste et nuisible à leurs intérêts et, pire encore, socialement méprisante à leur égard.

Dans une étude conduite par l’Institut français d’opinion publique (Ifop) pour la Fondation Jean Jaurès (Fourquet, 2019), le diagnostic posé est celui d’un mouvement de défense de catégories populaires qui ont l’impression, objective ou subjective, de décrocher du reste de la population française et de se paupériser. Sous le titre initial L’Adieu à la grande classe moyenne : la crise des « gilets jaunes », symptôme de la « démoyennisation », l’enquête montre que les gens sur les ronds-points affirment de plus en plus leurs difficultés à boucler les fins de mois, doivent compter pour manger, se privent de vacances et de loisirs et ont peur du chômage ou d’entrer dans des formes de précarités chroniques. D’où la forte présence de femmes à la tête d’un foyer monoparental (Galot, 2019) qui vivent souvent en dessous du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic).

Dès lors, cette mobilisation s’interprète comme révélatrice d’une inquiétante fracture sociale, politique et axiologique entre les Français qui sont les gagnants (élite mondialisée) ou les « laissés tranquilles » de la mondialisation (travailleurs des secteurs protégés par le statut ou par l’absence de concurrence directe avec les bas salaires pratiqués ailleurs) et ceux qui en sont les victimes directes (ceux que les économistes Philippe Frocrain et Pierre-Noël Giraud (2016) appellent les « emplois exposés ») ou qui craignent pour leur avenir, qui ont peur de déchoir et ressentent leur situation comme de plus en plus difficile à vivre ; les classes moyennes prises dans « la spirale du déclassement » selon l’heureuse formule du sociologue Louis Chauvel (2016). Ce dernier tire la sonnette d’alarme, prévenant qu’on « assiste à une démocratisation des difficultés » et à « une fragilisation des classes moyennes » (ibid. : 57). Un fossé se creuse entre les fractions supérieures des classes moyennes qui sont sans cesse plus compétitives dans une économie globalisée (bénéficiaire de la mondialisation) et d’autres catégories qui sont en voie de paupérisation, en perte de statut et de reconnaissance sociale, et qui seront objectivement déclassées ou qui se sentent menacées de chuter. Dès 2006, Philippe Guibert et Alain Mergier (2006 : 57) évoquaient le « descendeur social » pour les milieux populaires, pointant que « la désagrégation de la fameuse grande classe moyenne [était] désormais actée ». En 2013, des sociologues évoquaient déjà « le grand malaise » des classses moyennes. Le chantre de la pensée marxiste contemporaine, le philosophe Alain Badiou (2019 : 40), qualifie dès lors ce mouvement de « réactionnaire », citant un extrait du Manifeste du parti communiste (1848) de Karl Marx (1818-1883) : « La classe moyenne, les petits fabricants, les détaillants, les artisans, les paysans combattent la Bourgeoisie, parce qu’elle compromet leur existence en tant que classe moyenne. Ils ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservateurs ; qui plus est, ils sont réactionnaires ; ils demandent que l’histoire fasse machine arrière ». Alain Badiou commente alors : « Les gilets jaunes “combattent la Bourgeoisie”, comme le dit Marx […] pour restaurer un ordre ancien et périmé, et non pour inventer un nouvel ordre social et politique, dont les noms ont été, depuis le XIXe siècle, socialisme, ou, surtout, communisme ».

 

Une exaspération politique

En réalité, politiquement, le mouvement des gilets jaunes est très composite. Il mêle des militants syndicaux ou partisans aguerris, encore en activité ou ayant abandonné le militantisme, et des citoyens désabusés qui ne croient plus en la politique depuis longtemps. Il mêle donc aussi des électeurs et des abstentionnistes chroniques. Plusieurs enquêtes par sondage réalisées durant le pic du mouvement attestent de cette diversité, de même que des enquêtes par questionnaires conduites à chaud sur les ronds-points, comme à Bordeaux dès décembre 2018. Mais, bien sûr, les deux extrémités de l’échiquier politique sont les mieux représentées, car la mobilisation contre le pouvoir en place concerne massivement ceux qui n’ont pas voté pour E. Macron au premier tour de la présidentielle de 2017, comme le montre la question sur les gilets jaunes glissée dans le Baromètre annuel de la confiance du Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po) dans le graphique que nous avons créé à partir de ces données.

Soutien fort aux gilets jaunes (en %) par rapport au comportement électoral au premier tour de l’élection présidentielle française de 2017

Cette opposition politico-idéologique se double d’un rejet de la figure personnelle du président de la République. Face à un discours légitimiste du pouvoir du type « nous avons été élus et bien élus » (singulièrement aux élections législatives de juin 2017 vu la large majorité acquise par le parti présidentiel), les gilets jaunes opposent une illégitimité première et secondaire. Première, car beaucoup de manifestants ne se sont jamais reconnus dans la personne du candidat E. Macron, et secondaire parce que ses déclarations et son action une fois élu apparaissent comme hostiles aux intérêts des classes populaires. Craintes qui s’exprimaient dès la campagne électorale. Ainsi la coloration libérale de ce candidat inquiétait-elle, selon Ipsos dès avril 2017, deux Français sur cinq qui jugeaient son programme « inquiétant ». Ce nombre montait à 63 % chez les électeurs de J.-L. Mélenchon et à 86 % chez ceux de Marine Le Pen. Or, à coups de petites phrases offensantes à destination des Français et de choix fiscaux contestés, l’action du président E. Macron est perçue comme une politique d’humiliation à l’égard de ceux qui disent connaître « la galère », au profit des « premiers de cordée » (expression utilisée par E. Macron pour la première fois le 15 octobre 2017 lors d’un entretien sur TF1). Redonnons ici un petit florilège :

  • « Je traverse la rue, je vous trouve du travail » (propos tenu en visite, à un jeune chômeur en septembre 2018) ;
  • « Des Gaulois réfractaires au changement » (propos tenu avec un ton humoristique en visite officielle au Danemark, 29/08/2018) ;
  • « On met un pognon de dingue dans les minimas sociaux » (propos tenu dans son bureau lors d’une réunion de travail et diffusé sur Twitter par sa conseillère en communication, 12/06/2018) ;
  • « Les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien » (propos tenu lors de l’inauguration d’un incubateur de start-up à Paris, 29/06/2017).

Les graffitis sur les murs, les slogans écrits sur les gilets et les pancartes témoignent dès lors d’un fort désir de revanche sociale, de retour à l’envoyeur de ces formules jugées insultantes, avec un verbatim copié sur les énoncés présidentiels : « OK Manu on traverse la rue » (graffiti, avenue Kleber à Paris, 01/12/2018) ; « La ‪#Macrouille ne veut pas se rabaisser à discuter avec les Derniers de cordée » (tweet, 02/12/2018). Au vue d’autres commentaires, la situation paraît totalement bloquée, certains offensés considèrant que ces formules sont l’expression d’une morgue de classe et qu’aucune excuse n’est susceptible de laver l’affront : « Son arrogance, son dédain et le déni de réalité de la misère des  #GiletsJaunes va lui couter très cher. Son temps est fini! » ; « Votre suffisance et mépris à l’égard des ‪#GiletsJaunes et ‪corps ‪intermédiaires ne vous permets plus de les ‪convoquer comme des ‪#laquais » (tweets, 02/12/2018). Beaucoup de gilets jaunes vivent leur combat comme une quête de reconnaissance de leur égale dignité, ce qu’illustre ce slogan dessiné sur le gilet d’un manifestant parisien : « Notre parole compte autant que la vôtre », la vôtre étant ici aussi bien celle du président de la République que celle des élites, des puissants, des plus riches. L’une des quelques revendications communes à se dégager de ce mouvement est d’ailleurs la demande d’instaurer un référendum d’initiative citoyenne (RIC) permettant à un nombre assez restreint de citoyens par rapport au corps électoral de proposer une question à référendum sans veto possible de l’exécutif. Traduction programmatique concrète du fait que les gilets jaunes se vivent comme « le peuple » et qu’ils doivent donc reprendre le contrôle démocratique en imposant le référendum comme mode de décision régulier, comme forme de démocratie directe. Face à cette exigence d’entendre la parole du peuple, le président répondra par la mise en œuvre d’un « grand débat national » et l’encouragement des élus locaux à ouvrir des cahiers de doléance (suivant l’initiative déjà prise dans des mairies, en référence historique à la Révolution française). Il s’agissait pour le pouvoir d’afficher son sens de l’écoute, sa disposition à dialoguer, afin d’essayer de faire taire les procès faits en surdité, en déconnexion avec les réalités du peuple.

 

Nouvelle forme de mobilisation numérique

Les premières mobilisations ont pris naissance sur le web, à travers une pétition en ligne sur le site Change.org contre la hausse devenue insupportable des prix de l’essence du fait de l’accroissement des taxes. C’est une démarche initiée par une vendeuse en ligne de produits cosmétiques, Priscillia Ludosky, en mai 2018 et qui connaît un plein succès en septembre à la suite de la publicité que donne à sa pétition une radio locale, puis un article du Parisien. Au total, plus de 1,2 millions de personnes l’ont signée. Ce succès s’inscrit dans la lignée de mobilisations précédentes autour de la question automobile (mobilisation dite des bonnets rouges contre l’écotaxe en 2013, rejet de la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes de campagne à l’hiver 2018). Ensuite, le mouvement a pris de l’ampleur grâce à la création de multiples groupes Facebook où s’exprimait une colère partagée et où les formes de mobilisation ont été discutées. Groupes qui, pour beaucoup, étaient localisés et ont puissamment aidé à la mobilisation de terrain, comme l’a montré une étude de cinq économistes (Boyer et al., 2020 : 119) qui affirment, à partir de leur recension des groupes Facebook en décembre 2018 (tableau ci-dessous), que « les indicateurs de mobilisation online et offline sont positivement corrélés » sur le terrain local. À partir de leurs données, on peut produire deux graphiques qui permettent de visualiser l’ampleur de la mobilisation sur Facebook.

Et si la nombre de groupes locaux est presque trois fois plus élevé que celui des groupes nationaux, en revanche, les groupes nationaux enregistrent 2,4 fois plus de membres que les groupes locaux.

Certains groupes ont fini par acquérir une grande notoriété. Créé par Priscilla Ludosky et Éric Drouet, « La France en colère !!! » est devenu l’un des plus fréquentés avec deux autres du nom de « gilet jaune ». Chacun comptant plus de 100 000 inscrits. Plusieurs centaines de groupes se sont créés à cette occasion, du plus local, au groupe départemental ou national. Les Facebook et autres comptes de réseaux socionumériques de gilets jaunes sont devenus, comme pour d’autres mouvements (Occupy Wall Street, Los Indignados, en 2011, Nuit debout en 2016…), un outil de coordination entre des personnes qui ne se connaissaient pas au préalable, qui n’étaient pas toutes associées à des « entrepreneurs de cause » (McCarthy, Zald, 1977) collectifs (partis, syndicats, associations). Pour ces mouvements, la chercheuse Anastasia Kavada (2015) a souligné la capacité des réseaux socionumériques 1) à rassembler rapidement des publics autour de questions vives, 2) à organiser des mobilisations flash (soient brèves et soudaines) sur une base thématique et 3) à mettre en œuvre un type d’action collective qui engendre surtout des engagements éphémères des participants.

En effet, les formes de militantisme observables en ligne avec les gilets jaunes suivent bien une logique partiellement différente des actions collectives traditionnelles décrites par la sociologie des mouvements sociaux héritée d’Alain Touraine. Le politologue américain Lance W. Bennett et sa collègue Alexandra Segerberg (2012, nous traduisons) opposent les « connective actions » (actions connectées) aux « collective actions » (actions collectives) pour souligner le renouvellement en cours. Les auteurs insistent sur le poids désormais important, dans nos sociétés individualistes de masse, des « orientations politiques individualisées qui se traduisent par un engagement politique comme une expression personnelle d’espoirs, de modes de vie, ou de griefs » (ibid. : 743), ce qui est typiquement le cas avec les gilets jaunes. De ce fait, de tels mouvements connaissent des formes de mobilisation plus ponctuelles et éphémères, peinant à se structurer ensuite sous des formes institutionnelles durables, ce qui est bien le cas des gilets jaunes, dont toutes les velléités de déboucher sur une liste autonome pour les élections européennes ont échoué, notamment du fait d’une vision basiste et horizontaliste qui fait refuser toute émergence d’un leadership.

Durant ce mouvement, les usages qui furent faits des plateformes numériques donnent donc crédit à l’idéal militant d’agora numérique, lieu où des citoyens se retrouvent pour échanger leurs points de vue, leurs commentaires sur l’action du gouvernement et sur la conduite à tenir pour définir des revendications collectives et trouver les bons moyens pour les défendre, tout en assurant la publicisation de leur cause (Sebbah et al., 2018). Ainsi a-t-on vu des slogans s’élaborer, être choisis après délibération puis très bien diffusés dans les groupes de gilets jaunes, des chansons populaires se créer et être massivement relayées. Par exemple, le clip du chauffeur-livreur et rappeur amateur Kopp Johnson intitulé Gilet jaune a été vu 22 millions de fois sur Youtube depuis le 23 novembre 2018, et celui de la jeune chanteuse inconnue Marguerite, Les Gentils et les méchants, repris d’un vieux tube de Michel Fugain et de son Big Bazar, a été vu 800 000 fois sur Youtube et plus d’un million de fois directement sur Facebook). Des vidéos appelant à la mobilisation, dissertant sur l’actualité du moment, ont aussi été partagées et commentées en masse. Une inconnue, Jacline Mouraud, pousse un « coup de gueule » contre le prix de l’essence avec son smartphone et le publie en octobre 2018 sur Facebook et Youtube : il sera vu plus de six millions de fois en un mois.

Signe de consécration ultime, des personnalités populaires dans cet espace public numérique ont acquis une visibilité telle (centaine de milliers de followers) que les médias (et les pouvoirs publics aussi parfois) ont fait de ce succès un gage de représentativité justifiant de les inviter sur les plateaux et de leur donner ainsi un plein accès à l’espace public médiatique, alors même que le mouvement est rétif à l’auto-désignation de porte-parole. Mieux même, au-delà de cette invitation des présumés « leaders du mouvement » à débattre avec les éditorialistes et le personnel politique habitués des studios, des personnes ordinaires portant le gilet jaune ont été conviées sur les plateaux. Ces émissions spéciales regroupant plusieurs gilets jaunes ont pu les aider à se constituer en public ou en un collectif pouvant témoigner publiquement, devant des centaines de milliers de téléspectateurs ou auditeurs, de leurs frustrations et désespoirs et exprimer de la sorte leurs attentes et revendications. Une émission phare de cette séquence fut l’émission Balance ton poste organisée le 25 janvier 2019 par l’animateur populaire et controversé Cyril Hanouna de la chaîne C8. Dans une volonté affichée de se montrer à l’écoute du peuple, la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, faisait face à une sélection d’une vingtaine de gilets jaunes représentant diverses situations socio-économiques pour aboutir à une liste de revendications classées par ordre de priorité grâce au vote des téléspectateurs exprimés sur les réseaux socionumériques. Dispositif qui n’aboutit finalement à rien de concret politiquement.

 

Réappropriation collective de l’espace des ronds-points

Mais cette mobilisation n’est pas qu’une mobilisation en ligne ou sur les plateaux télévisés. Elle est aussi une appropriation forte et durable de la rue, comme acte de protestation avec une importante charge symbolique. L’un des lieux clés de la mobilisation à ses débuts fut les « ronds-points », forme architecturale dont la France est si friande (Mouillon, Torgue, 2006). Cet aménagement de l’espace public a une puissante valeur symbolique. Il est souvent placé à l’entrée des villes et villages de France, marquant ainsi une zone frontière entre ceux qui restent insérés dans le cœur des villes et ceux qui en sont chassés par la pression foncière et le coût des loyers et se vivent comme les victimes d’une périurbanisation forcée. Le rond-point est donc une ouverture routière sur la ville, point de passage obligé de celles et ceux qui, habitant dans les périphéries plus ou moins lointaines, sans transports en commun accessibles, n’ont pas d’autres choix que de venir travailler « à la ville » en voiture. Ils sont aussi le symbole de la « société de la mobilité » (puisqu’ils visent à fluidifier le trafic automobile) imposés par des choix urbanistiques d’élus en mal de projets architecturaux qui marquent leur passage aux affaires, mais sont donc aussi vus comme des preuves de gabegie :

« Un rond-point coûte entre cinq cent mille et un million d’euros : à ce prix, aménageurs et entreprises du BTP consentent à le parsemer de quelques petits buissons, d’une vilaine œuvre d’art en ferraille, ou de quelque symbole évoquant un passé révolu (tonneau, bateau, vigne, poisson ou autre). Trente milliards d’investissements publics ont été consacrés en trente ans aux ronds-points. On mesure avec quel discernement sont dépensés les deniers publics de l’aménagement de l’espace » (Vermeren, 2019 : 5).

Les ronds-points sont aussi très utilisés dans les zones industrielles et les zones commerciales aux périphéries des villes. Occuper ces espaces, c’est donc aussi bloquer l’accès à chacun aux centres commerciaux et grands magasins, temples d’une consommation dont une partie des gilets jaunes se sentent injustement exclus, faute d’un pouvoir d’achat suffisant. Les éditorialistes critiques ont aussi ironisé, affirmant que l’occupation des ronds-points, des semaines durant, symbolisait un mouvement qui avait du mal à déboucher sur des revendications concrètes et qui donc… tournait en rond.

 

Appropriation manifestante de la rue et violences

L’autre forme de mise en visibilité du mouvement pour se donner à voir comme un public en marche est bien sûr les grandes manifestations de rue du samedi, très tôt baptisées « actes » et numérotés. Comment mieux exprimer le fait que le mouvement se met en scène, voire s’expose ? Dans les grandes villes comme dans les villes moyennes, des manifestants se sont donnés rendez-vous par milliers, des semaines durant, pour montrer que leur détermination restait intacte tant que leurs revendications ne seraient pas satisfaites, jusque et y compris la démission du président de la République. Mais le défaut de coordination et le refus de désigner des leaders a rendu plus chaotique qu’habituellement ces défilés, car ils furent souvent non négociés au préalable avec les autorités préfectorales comme il est pourtant nécessaire. Encouragées par un pouvoir politique ayant pris peur face aux risques d’émeutes incontrôlées, les forces de police ont donc très souvent adopté une attitude offensive face aux manifestants, à coup de gaz lacrymogène, de grenades dites de désencerclement ou de fusils tirant des balles en caoutchouc très dures, les fameux LBD (lanceurs de balles de défense) qui ont fait beaucoup de dégâts. Dégâts révélés au grand jour grâce au travail de veille sur Twitter et Facebook effectué par le journaliste David Dufresne, qui interpellait le ministère de l’Intérieur avec la formule « allo ‪@Place_Beauvau » pour chaque blessé grave. Ce qui obligea les médias traditionnels à prendre, tardivement, conscience de l’ampleur des violences policières. Ces dernières, selon les autorités, ne faisaient que répondre à la violence des manifestants et de groupuscules ultra-violents qui infiltraient ces manifestations. Qu’elle soit justifiée par un esprit révolutionnaire ou par une nécessité impérieuse de rétablir l’ordre public, la violence est devenue l’un des marqueurs de la mobilisation des gilets jaunes et a pu orienter la lecture que les uns ou les autres en ont faite : un mouvement populaire injustement brimé par un pouvoir devenu « dictatorial » versus un mouvement émeutier que le pouvoir doit réprimer autant que de besoin afin de protéger les commerçants et les « honnêtes gens ».

 

Reconsolidation des liens sociaux de proximité

Mais, plus intéressante, au-delà de la symbolique spatiale, l’occupation durable des ronds-points fut l’occasion de renouer des liens de sociabilité assez forts entre les participants. Beaucoup ont installé des baraquements, des braseros, des camionnettes ou caravanes, y ont fêté Noël ou le jour de l’An. Des couples s’y sont rencontrés et s’y sont mariés nous ont dit les médias avec des trémolos dans la voix (« Deux gilets jaunes se sont mariés sur un blocage », Huffington Post, 10/12/2018 ; « Jura : deux gilets jaunes se sont “mariés” sur un rond-point », Le Bien public, 10/01/2019 ; « Thouars : mariage symbolique de Gilets jaunes après leur rencontre à un rond-point », La Nouvelle République, 02/03/2019 parmi bien d’autres). Des gens qui ne se connaissaient pas, qui vivaient dans un sentiment d’isolement relatif ont dit à quel point ils avaient eu le sentiment fort de vivre une expérience collective, de réaliser Facebook « en vrai », en somme, en devenant vraiment amis. De beaucoup de témoignages exprimés ressortent des termes comme solidarité, fraternité, une famille, un collectif, qui disent le ressenti d’avoir réussi à « faire public », à agréger des individus pour fonder une action collective. Comme le déclare le sociologue Dominique Cardon à Libération : sur les ronds-points « l’expérience politique est dans la discussion et dans le sentiment très affectif et sensible de faire du commun » (11/01/2019). Dans son ethnographie du rond-point d’un village lorrain où il a passé son enfance, le sociologue Raphaël Challier (2019) décrit un processus de « reconsolidation des liens ». « Par rapport à l’ordinaire des relations sociales à Grandmenil, marquées par la fragmentation et des jugements sévères, le mouvement des gilets jaunes produit une reconsolidation des liens sur une base civique. Les discussions entre générations et statuts divers produisent une ébullition politique et recréent un sentiment d’appartenance partagée. Beaucoup de conversations ont un contenu social, prennent la forme d’échanges sur les conditions de vie et de travail et s’organisent de manière informelle, contrairement au fonctionnement plus procédural d’un mouvement comme Nuit Debout. La plupart des mobilisés le disent : ce qui les pousse à revenir, c’est d’abord la « solidarité », « entre des gens de milieux et d’âges différents », mais qui ont en commun d’être « des petits ». Et ces manifestants ont occupé les ronds-points en les transformant en lieux de vie solidaires, avec des scènes qui se répétèrent : feux de palettes, braseros, tentes ou cabanons de fortune pour y manger, s’y réchauffer, voire y dormir. Et les soutiens qui apportent des vivres ou du matériel pour tenir l’occupation du terrain.

Tout se passe donc comme si les individus participant au monde numérique dit virtuel (où l’anonymat et le pseudonyme sont fréquents, où des individus plus ou moins isolés ou des « amis » qui ne se connaissent pas vraiment font fi des distances géographiques pour échanger) avaient éprouvé le besoin puissant de retrouver une emprise territoriale, de se réapproprier l’espace physique pour manifester aux yeux du monde leur existence et leur appartenance collective à un même univers de contraintes, de difficultés, de carences, de frustrations sociales, politiques et économiques.

Pour autant, cette façon de se projeter comme unis et solidaires autour de lieux d’occupation durables ne doit pas cacher aussi l’hétérogénéité qui persiste. C’est ce qu’ont observé dans la périphérie urbaine de Lyon, des doctorants en science politique (Devaux et al., 2019 : en ligne). Ils notent que :

« les personnes rencontrées sur leur terrain ethnographique « sont majoritairement issues des catégories populaires : ouvriers, employés (routiers, secrétaires, assistantes sociales, aide maternelle), chômeurs ou retraités de ces mêmes professions sans oublier, aussi, quelques petits entrepreneurs. Néanmoins, l’appartenance à des fractions plus ou moins hautes de ces catégories dominées, ainsi qu’un ensemble de rapports sociaux ethniques, générationnels et de genre, menacent constamment l’existence d’un sentiment d’appartenance collective ».

Et de décrire la perception des mobilisés que certains ronds-points sont plus adaptés que d’autres à leurs aspirations, à leurs conceptions du mouvement. Cela a pu en conduire certains à en quitter un au profit d’un autre jugé plus accueillant, tenu par des personnes avec qui ils se sentaient plus en phase. Ce qui montre que, derrière une terminologie homogénéisante (les gilets jaunes), se cachent bien plusieurs façons de se sentir « gilet jaune », plusieurs réseaux possibles d’affinité et de proximité.

 

Dénonciation de l’invisibilité sociale

Les personnes se retrouvant derrière la figure du « gilet jaune » fondent une partie de leur identité sur une sensation de marginalité relative, sur le ressentiment d’êtres oubliées par le champ politique et par les médias, subissant ostracisme social, voire mépris de classe. Et si le gilet jaune est un outil de mobilisation bien pratique (tout automobiliste est censé en posséder un dans son véhicule), il est aussi un symbole riche : le jaune fluorescent a vocation à rendre visible ceux qui le portent, même la nuit, même dans l’oubli ! Or, un sentiment partagé d’invisibilité fédère ce mouvement.

Dès lors, l’internet est réapproprié comme un espace public alternatif pour ceux qui se vivent comme des invisibles de la République alors que, pour une majorité, ils restent intégrés dans le tissu économique et social (ce qui n’était pas le cas d’une bonne partie des jeunes des cités qui manifestaient durant les émeutes de 2005). Les gilets jaunes représentent ces Français qui, sondage après sondage, crient que le personnel politique ne se soucie pas de ce que pensent les gens comme eux. Grâce à la circulation facile, immédiate et virale, que les plateformes numériques garantissent, ils ont la sensation de pouvoir être entendus, de retrouver une « dignité » comme plusieurs l’ont dit et d’obtenir enfin une forme de visibilité. Visibilité qui est devenue un véritable « capital social » (Heinich, 2012 : 43), au sens que Pierre Bourdieu donnait à ce terme. De même, pour s’informer, les gilets jaunes ont cherché des médias « alternatifs », des médias filmant les manifestations en épousant le point de vue des manifestants plutôt que celui des autorités, faisant aux médias traditionnels un procès en confiscation, ou pire, en déformation de leur parole. Ils ont valorisé des supports (RT Media, Brut, live Facebook de militants…) qui renvoyaient, selon eux, une image positive de leur action plutôt que de les stigmatiser comme des émeutiers.

Il faut dire que, dans la « lutte pour la visibilité », ne pas être admis dans l’univers des apparences médiatisées peut engendrer, chez ceux qui s’en sentent victimes, « un sentiment d’inexistence sociale, de mépris et de négation d’eux-mêmes » (Voirol, 2005 : 117). L’accès à une parole publique diffusable, qui circule en viralité, peut donc être vécu comme une revanche contre ce qui est perçu comme une domination sociale : celle imposée par les médias et par ceux qui y ont facilement accès. C’est le défaut de « reconnaissance » pour lequel Axel Honneth (2008 : 226) rappelle qu’il est courant que les dominants expriment leur supériorité sociale « en ne percevant pas ceux qu’ils dominent ». La violence ressentie face au défaut de reconnaissance, la frustration éprouvée face à l’incapacité à être entendu et, pire encore, à agir, trouve à se combler en ligne et sur les ronds-points, en renversant le rapport de force imposé.

Des déçus de l’offre politique, des déclassés, des marginalisés idéologiques, des invisibles médiatiques ont donc investi cette mobilisation inédite pour s’affirmer, pour combattre « le système » y compris, chez les plus radicalisés, par la violence de rue, en partageant cela avec un nombre d’individus suffisamment large pour se sentir moins seuls, pour appartenir à des communautés. L’étude des discours sur des groupes Facebook de gilets jaunes (Mercier, 2019) a permis de montrer que l’habituelle critique contre les médias s’est transmuée en une haine des journalistes chez un nombre non négligeable de gilets jaunes, parce que ces derniers rendaient de facto les médias responsables de leur sort et qu’ils laissaient s’exprimer ainsi bien plus qu’une insatisfaction, un véritable ressentiment. Si aucun entrepreneur politique ne les a intégrés dans son répertoire programmatique, ce serait aussi parce que les médias n’ont pas assez parlé d’eux en amont, n’ont pas su ou voulu publiciser leur cause. L’invisibilisation médiatique entraînant l’invisibilité politique, en somme.

Reconquête de leur dignité sociale, affirmation d’une communauté de destin, publicisation de leur cause, projection d’un collectif solidaire, tels sont les ressorts de ce mouvement inédit des gilets jaunes. Par son ampleur, sa durée et sa composition sociale, il fait déjà date dans l’histoire de France et laissera des traces politiques durables, ne serait-ce que parce qu’il a servi de laboratoire de (re)politisation pour des citoyens qui s’étaient durablement éloignés de la politique, si tant est qu’ils s’y étaient vraiment intéressés un jour, pour certains.


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