Marketing


 

Le marketing désigne une activité professionnelle et sociale qui recouvre l’ensemble des pratiques visant le contrôle des marchés pour définir et commercialiser des offres, produits ou services. Apprécié comme outil de l’optimisation des marchés et des pratiques marchandes ou dénoncé comme bras armé du libéralisme et du capitalisme, il peut, au-delà de ces regards, être abordé comme un objet d’analyse à part entière. Discipline phare des sciences de gestion, le marketing fait aujourd’hui l’objet de recherches en sciences humaines et sociales, notamment en sociologie, en science politique, mais aussi en sciences de l’information et de la communication (sic).

 

Contrôler les marchés et leurs publics

Les travaux de sociologues ont mis au jour la conceptualisation et la diffusion des méthodes qui ont accompagné la volonté de contrôle de publics de consommateurs. Ces méthodes ont été mises en place puis institutionnalisées comme discipline de l’échange et du marché, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, sous l’influence croisée de professionnels de l’agriculture et de l’industrie et d’intervenants académiques désireux d’accompagner le développement des entreprises (Cochoy, 1998). Il est vrai que, au fil du temps, la rationalisation des pratiques s’est généralisée : « Les besoins et satisfactions des consommateurs sont des forces productives, aujourd’hui contraintes et rationalisées comme les autres » (Baudrillard, 1970 : 116).

À l’instar des sciences de gestion, le marketing se caractérise par la recherche d’efficacité et l’optimisation (Boussard, 2008) à qui il est prêté, par les professionnels et de nombreux discours sociaux, une efficacité pragmatique et une efficience symbolique fortes. Les lectures des manuels de marketing témoignent de la quête conceptuelle menée en son nom pour aboutir à des modèles intégrés complexes susceptibles de traduire, par la modélisation, les divers processus marchands et les tentatives d’ajustement aux consommateurs.

Les grands principes du marketing conduisent à élaborer des offres adaptées à une stratégie et des marchés, identifier des publics et à les catégoriser en fonction de l’intérêt qu’ils représentent potentiellement pour commercialiser des offres, produits ou services. Le marketing catégorise, regroupe les publics en segments homogènes sur un ou plusieurs critères pour les saisir en masse dans des dispositifs et mécaniques standardisés. De la sorte, il vise à transformer les publics en prospects, clients, fidèles ou prescripteurs. Si de tels processus s’observent depuis plusieurs siècles, leurs modalités évoluent de façon continue au fil des innovations technologiques et des représentations sociales (Maillet, 2010), engagées dans la conception de la production et de la consommation et l’imaginaire des échanges.

Dans leur tradition de mise à distance critique et dans une logique compréhensive des circulations et processus communicationnels, les sic permettent d’aborder le marketing comme un ensemble de pratiques et de croyances émanant d’un imaginaire professionnel, riche de conceptions des marchés et de représentations de la communication (Berthelot-Guiet, 2004). Instrument de la vie des marchés, le marketing y est envisagé comme un instrument d’influence, analysable pour l’ensemble de ses dispositifs (Laborde, 2005), subsumant de la sorte les seules productions publicitaires.

En outre, dans une logique compréhensive, le marketing est le plus souvent abordé comme l’ensemble des croyances, représentations et dispositifs mis en œuvre pour appréhender les marchés et leurs publics. Les sic permettent d’observer et de comprendre les logiques de qualification et de requalification qui innervent le marketing. En effet, les publics visés sont saisis en fonction de leur proximité démographique, économique ou attitudinale, réelle ou fictionnelle, et catégorisés comme tels. Mais le marketing procède aussi par qualification des dispositifs mis en place et des attentes supposées que les professionnels pourraient en attendre. Ainsi de nombreux dispositifs sont-ils métaphoriquement qualifiés selon des termes polémologiques renvoyant à l’art de la guerre (la « guérilla marketing » par exemple), ou affectifs, faisant écho au registre des relations sociales – « carte de fidélité », « plateforme-conversationnelle » (Patrin-Leclère, 2011).

 

Une évolution constante des représentations associées au marketing

La volonté de spécifier les démarches et outils a conduit à des transformations de dénomination régulières des pratiques dans une terminologie nouvelle, souvent anglo-saxonne, positivement connotée dans les milieux professionnels soucieux d’adapter les médiations marchandes aux innovations technologiques et évolutions sociales et sociétales. Au fil des années, il a régulièrement été spécifié comme étant « relationnel », « multicanal », « intégré »… Des appellations qui se succèdent et qui transfigurent le plus souvent des pratiques anciennes en mobilisant des innovations technologiques récentes.

Face à la figure du consommateur, appréhendé paradoxalement comme fondamentalement insaisissable mais disciplinable dès lors qu’il est appréhendé comme cible – qu’il soit prospect, client ou prescripteur -, le marketing vise une adaptation permanente pour s’approcher de ses cibles et les saisir grâce aux études, à la conception d’offres désirables, à des processus et prix de vente cohérents et une communication inspirante. La symétrie de la relation dans ce système d’échange économique et symbolique est au cœur des enjeux du marketing mais sa prétention à contrôler les échanges serait sans cesse déjouée par les consommateurs pour échapper à leur prédestination, grâce à des échappées par le choix d’un concurrent direct ou indirect ou par la défection (Hirschman, 1970). De surcroit, la reconnaissance par les consommateurs des pratiques et dispositifs du marketing engendrerait le renouvellement des stratégies pour les conquérir, dans un perpétuel rééquilibrage des échanges.

L’apprentissage des méthodes utilisées par les professionnels du marketing par les consommateurs, familiarisés par l’expérience et la lecture médiatique des phénomènes marchands entraine la mise en place de nouveaux discours et dispositifs. Par cette circulation et cet ajustement entre producteurs-marques et consommateurs, se renouvelle en permanence le jeu des ajustements et innovations. Aujourd’hui, le marketing désigne un ensemble de pratiques sophistiquées qui touchent aux discours, objets et dispositifs, de façon subtile et sensible (Boutaud, 2007).

Au cœur de ce système, les marques apparaissent comme les entités porteuses de la promesse économique et symbolique, les plus à même de servir de variable d’ajustement (Bonhomme, 2013). Elles sont déployées par les professionnels du marketing et de la communication dans l’espace public, de plus en plus mobilisées pour élaborer des offres et penser des publics comme cibles économiques (Bauhaud, 2004 ; Berthoud, De Iulio, 2015) et des cibles économiques comme publics (Bonhomme, 2013). Si les pratiques du marketing ont toujours été fortement liées à des enjeux économiques, sociaux et culturels, la prétention sociale de nombreuses marques semble aujourd’hui s’affirmer avec l’appropriation de différents modes de médiations appartenant au champ de la culture et l’affichage d’une légitimité à occuper l’espace social (Marti, 2015). La médiation marchande couvre ainsi des enjeux transactionnels mais aussi symboliques, la prétention à une gestion globalisée de la relation prenant le pas, dans les discours professionnels, sur les limites imposées par les consommateurs.

Parfois dénoncé pour des raisons politiques, environnementales, psychologiques ou comme ensemble de pratiques qui visent au contrôle social (Floris, Ledun, 2005), à l’instar du capitalisme (Boltanski, Chiapello, 1999), le marketing s’est transformé en absorbant en partie sa critique. Depuis les années 2000, se diffusent des représentations fortes de nouvelles formes de consommation que le marketing favoriserait. Il est ainsi question d’un marketing, politiquement correct, dédié à l’économie collaborative, à la consommation durable, où la réputation et la préoccupation philanthropiques prendraient le pas sur l’ordinaire de la vie marchande. Par conséquent, l’extension et la généralisation des concepts et pratiques du marketing ont entrainé une forte circulation de sa terminologie et de ses idées. Par l’élargissement de son applicabilité, sa sophistication méthodologique et ses possibilités technologiques accrues, le marketing recouvre ainsi des pratiques et métiers nombreux qui touchent à des fonctions d’étude et d’analyse ainsi qu’à des fonctions stratégiques et opérationnelles.

À l’instar des sciences de gestion, le marketing n’a donc jamais cessé de s’étendre. Au fil des décennies, il a été appliqué aux associations, aux instances politiques et/ou humanitaires… Il s’étend aussi aux domaines connexes qui le jouxtaient, qui vont de la psychologie aux approches sensorielles. Ainsi favorise-t-il l’idée polémique selon laquelle il est un instrument efficace à même de gérer les relations de masse, susceptible par ailleurs d’être généralisé à tous les domaines de la vie sociale.


Bibliographie

Bahuaud M., 2004, « Produits dérivés des émissions jeunesse : M6 Interactions », Mediamorphoses, 10, pp. 63-66.

Baudrillard J., 1970, La Société de consommation, Paris, Gallimard, 2001.

Berthelot-Guiet K., 2004, « Instumentalisations de la sémiotique », Études de communication, 27. Accès : http://edc.revues.org/148.

Berthoud M., De Iulio S., 2015, « Apprendre à manger : l’éducation alimentaire à l’école entre politiques publiques, médiations marchandes et mobilisations citoyennes », Questions de communication, 27, pp. 105-128.

Boltanski L., Chiapello E., 1999, Le Nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard.

Bonhomme M., coord., 2013, « Les nouveaux discours publicitaires », Semen, 36.

Boussard V., 2008, Sociologie de la gestion. Les faiseurs de performance, Paris, Belin.

Boutaud J.-J., 2007, « Du sens, des sens. Sémiotique, marketing et communication en terrain sensible », Semen, 23. Accès : http://semen.revues.org/5011.

Cochoy F., 1998, Une histoire du marketing. Discipliner l’économie de marché, Paris, Éd. La Découverte.

Floris B., Ledun M., 2005, « Le marketing, technologie politique et forme symbolique du contrôle social », Études de communication, 28, pp. 125-140.

Hirschman A. O., 1970, Défection et prise de parole, trad. par de l’anglais par C. Besseyrias, Paris, Fayard, 1995.

Laborde A., coord., 2005, « Fidélisation et personnalisation. Les nouvelles formes de relations consommateurs/entreprises », Communication & Organisation, 27.

Maillet T., 2010, Le Marketing et son histoire, Paris, Éd. Agora.

Marti C., 2015, « De la gestion sémiotique à la prétention sociale des marques. Une analyse communicationnelle des pratiques du marketing », Mémoire de synthèse présenté pour l’HDR, Celsa Paris-Sorbonne.

Patrin-Leclère V., coord., 2011, « La communication revisitée par la conversation », Communication & langages, 169.

Auteur·e·s

Marti Caroline

Groupe de recherches interdisciplinaires sur les processus d’information et de communication Université Paris-Sorbonne

Citer la notice

Marti Caroline, « Marketing » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 20 septembre 2015. Dernière modification le 20 mars 2024. Accès : https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/marketing.

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