Militant


 

Du communiste vendant l’Humanité sur un marché au défenseur d’une cause contribuant à la mise à l’agenda médiatique et politique d’un problème, le militant est une figure publique à laquelle est associé un certain nombre d’images d’Épinal, dont les sciences sociales ne parviennent elles-mêmes pas toujours à se départir. Ni professionnels de la politique, ni citoyens « ordinaires » éventuellement peu intéressés par ces questions, les militants occupent une position spécifique dont la sociologie cherche à rendre compte, au croisement avec l’étude des espaces où ils s’engagent : organisations partisanes, syndicales, monde associatif ou encore mouvements sociaux.

Quelques ordres de grandeur pour commencer. En 2013, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (2016), 1 % des personnes résidant en France, âgées de 16 ans ou plus, se déclaraient membres d’un parti politique. 42 % étaient membres d’une association : une pratique largement partagée, donc, mais qui inclut les clubs de sport et de loisirs, les associations culturelles et religieuses… Si l’on s’en tient aux associations de défense de droits ou d’intérêts (humanitaires, sociales, environnementales, professionnelles, politiques…), ils n’étaient plus que 17 %. Pour la même année, la Direction de l’Animation de la recherche, des études et des statistiques (2018) donne 11 % de salariés adhérents d’une organisation syndicale. Ces écarts de participation servent d’appui à nombre de commentateurs pour dresser le constat d’une désaffection à l’égard des partis et des syndicats, au profit des associations, qui peut pourtant être nuancé sous différents aspects. Certes, l’engagement associatif est plus répandu que l’engagement syndical ou politique, en grande partie parce que les associations organisent une part non négligeable de la vie quotidienne et des sociabilités. Malgré un faible taux de syndicalisation en France, l’implantation des organisations syndicales reste bien plus importante que celle des partis politiques, réalité parfois distordue par l’accès privilégié des seconds au champ médiatique pour prétendre représenter des intérêts et des causes. Surtout, ces données chiffrées portent sur les adhérents, ce qui ne préjuge pas de leur implication dans les espaces en question, à l’inverse des militants, qu’on définira moins par leur statut formel au sein d’une organisation que par un ensemble de pratiques. Celles-ci attestent une participation active et occupent une part importante de leur temps, de leur énergie et de la façon dont ils se perçoivent eux-mêmes, y compris quand ils n’en retirent aucun salaire.

Ainsi la sociologie du militantisme s’attache-t-elle à identifier qui sont les militants, ce qui les a conduits et les conduit encore à militer – les ressorts sociaux de leur engagement – mais aussi ce qu’ils deviennent en militant – quels en sont les effets sur leurs trajectoires.

 

Défense de ses intérêts ou désintéressement ?

Deux écueils se présentent pour une sociologie du militantisme. Le premier serait de croire qu’il ne requiert pas d’explication, parce qu’il semble qu’on ait toujours intérêt à se lancer dans la défense collective de ses intérêts. Le second serait d’y voir, en raison du dévouement pour la cause et du caractère souvent bénévole de l’engagement, des pratiques désintéressées.

La sociologie des mouvements sociaux s’est renouvelée à partir d’un problème posé par Mancur Olson (1932-1998 ; 1965) dans Logique de l’action collective. À partir d’un raisonnement inspiré de l’économie, en termes de calcul coûts-avantages, il montre que les individus n’ont pas intérêt à s’organiser collectivement même pour gagner des biens. En effet, toute mobilisation suppose un coût : temps, argent comme lorsque des grévistes perdent des journées de salaire, risques liés aux sanctions éventuelles de la part de l’État ou de l’employeur… Celles et ceux qui s’impliquent supporteront ce coût, contrairement à celui qui ne le fait pas, mais qui bénéficiera lui aussi des acquis de la lutte. C’est donc la stratégie de ce dernier, que M. Olson appelle free rider (passager clandestin), qui est la plus rentable. Mais si chacun fait ce calcul, personne ne se mobilise jamais : c’est le paradoxe de l’action collective mis en évidence par cet auteur.

À sa suite, de nombreux sociologues ont cherché à élucider la façon dont les organisateurs des mobilisations parviennent à diminuer le coût et à augmenter les avantages de la participation. Pour sa part, M. Olson, qui s’appuie principalement sur le fonctionnement de syndicats américains comme ceux des dockers, met en évidence les « incitations sélectives » mises en place pour recruter : biens dont ne profitent que ceux qui participent, ou inversement sanctions ne s’appliquant qu’aux passagers clandestins. Parmi les premiers, on compte les services juridiques, les réductions sur des voyages ou des assurances offerts par un syndicat et les responsabilités qu’il accorde à certains. Les syndicats américains en question contrôlent aussi l’embauche en la réservant à leurs seuls adhérents. Parmi les sanctions figurent par exemple les piquets de grève, qui contraignent les non-grévistes à passer devant leurs collègues en lutte pour prendre leur poste.

L’approche de M. Olson présente l’intérêt de traiter l’engagement comme un comportement rationnel, au même titre que d’autres activités sociales. Mais elle néglige le fait que le calcul économique est une façon de penser et d’agir historiquement et socialement située, qui ne vaut ni pour tous les contextes, ni pour toutes les formes de militantisme. C’est pourquoi Daniel Gaxie (1977 ; 2005) amende la théorie en lui donnant de la chair sociologique. Au lieu de parler d’ « incitations » à l’engagement, il propose la notion de « rétributions du militantisme ». Il désigne par là « des satisfactions, des avantages, des plaisirs, des joies, des bonheurs, des profits, des bénéfices, des gratifications, des incitations, ou des récompenses du militantisme » (Gaxie, 2005 : 160). Ainsi plusieurs déplacements sont-ils opérés. Il s’agit d’abord de rompre avec le matérialisme de M. Olson : si les profits matériels sont pris en compte, il en est de même des « composantes sensibles […] la plupart du temps non monétaires » (ibid.) de l’engagement. Un exemple : les sociabilités induites par le militantisme, l’émotion partagée lors d’un collage d’affiches, le verre après la réunion. Il y a là des rencontres qui peuvent doter d’un capital social susceptible d’aider à trouver un emploi, ou des clients, mais qui peuvent aussi permettre de nouer des relations amicales, voire amoureuses.

Ensuite, alors que les incitations de M. Olson étaient prises dans des calculs conscients des acteurs, la notion de rétributions souligne qu’elles ne sont « pas nécessairement recherchées comme telles » (ibid.) mais découvertes a posteriori, dans le cours de l’engagement. Autrement dit, elles ne sont pas visées de façon intentionnelle, cynique ou délibérée : ce n’est pas pour cela qu’on s’engage. Elles sont même déniées et refoulées dans les discours militants officiels, qui mettent bien davantage en avant les motivations idéologiques de l’engagement, le désintéressement et les sacrifices consentis. Mais précisément : on ne comprendrait pas ce qui permet de supporter les coûts – réels – du militantisme, si l’on ne tenait pas compte de ces rétributions, qui en définitive expliquent moins l’engagement en tant que tel que son maintien dans le temps – ou au contraire, le désengagement, en cas de baisse du flux de rétributions.

La notion de rétributions du militantisme est surtout utile si elle débouche sur une description concrète et située de ces dernières. D. Gaxie en liste plusieurs types. Il y a bien des rétributions matérielles, mais qui sont en même temps symboliques : les militants qui prennent des postes de permanent gagnent un emploi, certes, mais aussi du prestige, de la notoriété ou des titres à intervenir dans différents espaces publics. L’attachement à la cause défendue n’est pas non plus laissé de côté, mais en soulignant l’intérêt au désintéressement qui le fonde : le sentiment d’utilité sociale, le sens donné à sa vie, la satisfaction d’agir, voire de faire l’histoire, les gratifications morales, ou tout simplement la dimension ludique de certaines activités (manifestations, occupations…) ou le goût de l’aventure (dans le cas de l’humanitaire par exemple). Aussi, les sociabilités, les rencontres et la vie en commun sont ce qui permet de comprendre l’implication dans des modes d’action en apparence très coûteux tels que les occupations (avec pour exemples récents les zones à défendre, les places des révoltes arabes, des mouvements Indignés, Occupy ou Nuit debout et les ronds-points investis en plein hiver par les gilets jaunes).

 

Les déterminants sociaux du militantisme

On tire davantage profit d’une analyse en termes de rétributions du militantisme si l’on tient compte, de surcroît, de leur caractère diversement rentable et appréciable selon les trajectoires sociales des militants. Avoir des repas au restaurant défrayés, faire un travail de bureau en tant que permanent d’une organisation, ce n’est pas la même chose pour des classes moyennes diplômées, pour lesquelles cela était déjà accessible, et pour des ouvriers. Inversement, sauf exception, les mieux dotés socialement ont davantage de chances de se retrouver, en militant, dans les positions les plus valorisées et valorisables, notamment de porte-parole. Tout n’est cependant pas figé, et l’identification de rétributions du militantisme permet à D. Gaxie d’élucider un paradoxe. Celui-ci fait en effet partie des sociologues qui ont identifié une corrélation entre l’intérêt pour la politique et la participation, d’une part, et d’autre part l’âge, le sexe, le niveau de revenus et surtout le capital culturel (Gaxie, 1978). Plus on avance en âge, si l’on est un homme, plus on est riche et plus on détient de capital culturel, généralement objectivé dans les diplômes, plus on a de chances de participer activement en politique. Ce constat vaut pour le militantisme, mais ne permet pas d’expliquer l’inédite mobilisation des classes populaires au cours du XXe siècle par le Parti communiste français (PCF). Dans des cas de ce type, on observe un phénomène inverse d’autodidactie. C’est alors la participation politique qui accroît le volume de capital culturel et permet de compenser des handicaps scolaires, en acquérant des instruments de compréhension du monde, des compétences de rédaction à l’écrit et de prise de parole en public, en combattant un sentiment d’indignité sociale ou d’incompétence politique, en fréquentant d’autres classes qui font découvrir la culture légitime. Dans le cas du PCF, c’est le résultat d’une politique volontariste de formation des militants (Pudal, 1989).

Si le PCF a réussi à s’implanter parmi les classes populaires, c’est en effet le fruit d’une double logique (Mischi, 2003). D’un côté, il a pris appui sur des sociabilités populaires qui lui préexistaient (à l’usine, dans la famille, le village ou le quartier) et sur ses formes organisées (syndicats, associations organisant les loisirs), en les prolongeant ou en les réactivant lorsqu’elles étaient fragilisées. De l’autre, l’institution s’est livrée à un travail partisan d’encadrement de ces sociabilités et d’homogénéisation des pratiques : politisation des réunions de cellule par les cadres locaux, lecture de la presse partisane et mise à disposition d’ouvrages, écoles du parti, maillage d’associations liées, culturelles, caritatives (Secours populaire) ou de défense de droits. Pour autant, le militantisme n’y prend pas la forme d’un engagement total, aveugle ni d’une remise de soi à l’organisation, puisque les sociabilités populaires qu’investit cette dernière la façonnent en retour, conduisant à des résistances, à des appropriations singulières du communisme et à des styles locaux de mobilisation.

Pour ces raisons, la plupart des travaux en sociologie du militantisme s’attachent aujourd’hui à articuler plusieurs niveaux d’analyse. On y croise des explications structuralistes et interactionnistes. Les premières mettent l’accent sur le poids des trajectoires passées et des variables lourdes (origine sociale, socialisations de genre, capital culturel…), qui ont pu engendrer des habitudes en termes de manières d’être, de penser et d’agir (des dispositions) propices à l’engagement – et à telle ou telle forme d’engagement. Ainsi Lilian Mathieu identifie-t-il une « disposition à l’action collective » (Mathieu, 2012 : 193 sq.), goût et habitude d’agir en groupe, contractée dans des familles militantes ou dans des loisirs juvéniles, même éloignés de l’univers politique (sport, scoutisme…). Les secondes montrent que ce sont aussi les situations dans lesquelles se retrouvent les acteurs, et leurs interactions avec d’autres, qui permettent de comprendre pourquoi, parmi des personnes au profil similaire, ce sont certains qui deviennent militants, plutôt que d’autres. On envisage alors la socialisation comme un processus continu, où « la médiation d’autruis significatifs (i.e.des membres de la famille, des amis, des collègues, ou même des mentors tels que des enseignants ou des prêtres) » (Fillieule, 2013 : 970) se révèle déterminante pour embrasser des pratiques militantes, au départ, somme toute, étranges et peu confortables. Au point que des contextes sociaux particuliers, comme les sociabilités au travail, peuvent conduire des salariés au départ tout à fait étrangers, voire rétifs au militantisme, à s’impliquer (Mathieu, 2012 : 228 et suivantes). Dans tous les cas, on comprend que l’entrée en militantisme a peu à voir au départ avec les croyances, le partage de valeurs et l’adhésion idéologique à une cause, qui ne sont pas suffisantes pour engendrer un engagement souvent coûteux. Ce sont d’autres ressorts, et en particulier des rencontres socialement situées avec d’autres militants, qui incitent à s’impliquer ; c’est ensuite en faisant, au sein des organisations ou au cours de l’action collective, que les militants apprennent et intériorisent les raisons officielles et les motifs dicibles justifiant la défense de la cause.

Ces constats conduisent à prêter attention à la socialisation militante en train de se faire (Bargel, 2009), aux savoir-faire, compétences et schèmes de perception qu’elle permet d’acquérir, c’est-à-dire au façonnage organisationnel (Sawicki, Siméant, 2009 : 115 et suivantes) par lequel se fabriquent les militants. Au-delà et à partir de là, des sociologues se sont intéressés aux conséquences biographiques de l’engagement, sur le long terme, qu’il s’agisse du mouvement pour les droits civiques des Afro-Américains (McAdam, 1988) ou de mai-juin 1968 et de ses suites en France (Fillieule et al., 2018). On observe alors les coûts supportés dans les trajectoires sociales, professionnelles ou conjugales, ou inversement les reconversions de ressources acquises par l’engagement militant dans d’autres causes, voire dans d’autres espaces sociaux.

 

Les militants, une réalité d’un autre âge ?

La place prise par l’étude du militantisme communiste dans la sociologie des partis politiques française pourrait laisser penser que l’engagement militant appartient au passé. C’est en tout cas ce que suggèrent certaines analyses, à l’image de celle de Jacques Ion qui, de concert avec d’autres chercheurs affirmant le « déclin » ou la « crise » de l’engagement politique et syndical, diagnostique la substitution, depuis la fin des années 1970, de l’ « engagement distancié » à l’ « engagement militant » (Ion, 1997). Alors que le militantisme correspondrait à l’adhésion totale à des organisations de masse fortement hiérarchisées, les « nouvelles » formes d’engagement seraient plus individualistes : les activistes refuseraient les mécanismes de représentation politique, et privilégieraient un engagement ponctuel en vue d’objectifs limités dans des structures informelles, horizontales et elles-mêmes non pérennes.

Ces tableaux prolongent un ensemble de travaux menés sur les mobilisations des années 1960 et 1970, qui s’employaient à identifier en quoi elles pouvaient être qualifiées de « nouveaux mouvements sociaux », au regard des groupes sociaux impliqués, des formes d’action et d’organisation et des revendications. Comme le souligne cependant Annie Collovald (2002 : 180), le défaut de cet angle d’analyse est qu’il mêle « constats enregistrés et jugements normatifs ». La rhétorique de l’ « ancien » et du « nouveau » sert en fait à disqualifier certaines formes de militantisme, notamment populaires, discréditées comme obsolètes, inadaptées aux sociétés contemporaines, en deux mots, has been. Ainsi dissimule-t-elle un mépris de classe, une « condamnation (certes euphémisée car souterraine et détournée) des formes d’intervention populaires sur la scène publique » (ibid. : 184) elles-mêmes largement fantasmées puisque perçues sur le registre du dévouement total à une organisation homogène et disciplinée – ce que n’était pas même, on l’a vu, l’engagement communiste pourtant supposément emblématique de cette configuration.

Des enquêtes empiriques permettent au contraire de mettre en difficulté ces typologies. Ainsi, celle dirigée par A. Collovald porte-elle sur des agents EDF impliqués dans des actions humanitaires qui ont tout, à première vue, de l’ « engagement distancié », alors qu’elles procèdent notamment de reconversions militantes de syndicalistes de l’entreprise – ces militants supposément disparus. De même, on observe que les assemblées générales étudiantes, en apparence des lieux où s’expriment le refus de la délégation et l’autonomie vis-à-vis des organisations, sont orchestrées de part en part par les militants de syndicats ou d’organisations politiques de jeunesse, qui leur consacrent l’essentiel de leur temps, de leurs sociabilités et de leurs préoccupations (Le Mazier, 2015). La sociologie politique du syndicalisme, quant à elle, en prenant appui tant sur les apports de la sociologie du travail que sur ceux de la sociologie des mouvements sociaux, s’emploie à dépasser la problématique d’un supposé « déclin » pour rendre compte des formes contemporaines, diverses et concurrentes, de l’engagement syndical (Béroud, Giraud, Yon, 2018). Enfin, on s’aperçoit que le « militantisme de clavier », qui semble cumuler les attributs du nouveau et de l’engagement « distancié » (dans tous les sens du terme), est en continuité avec des formes plus « traditionnelles », puisque celles et ceux qui participent politiquement en ligne sont généralement celles et ceux qui participent déjà hors-ligne.

Le souci, compréhensible, de repérer de grandes évolutions des formes d’engagement fait donc courir le risque de réduire la réalité multiple du militantisme à ses modalités les plus visibles ou les plus légitimes à un moment donné de l’état des champs médiatique et politique, et à la présentation que donnent d’elles-mêmes les organisations pour s’y plier. Une sociologie critique de ces phénomènes de valorisation ou de disqualification de pratiques militantes se rend ainsi inversement attentive à la diversité des positions. Militer, c’est aussi bien, en effet, organiser une fête locale pour faire connaître une association, construire une cabane sur un rond-point occupé par des gilets jaunes, qu’être un professionnel du « plaidoyer », salarié par une organisation non-gouvernementale pour défendre une cause au nom de l’ « intérêt général » auprès d’institutions publiques et privées – même si ce ne sont pas les mêmes trajectoires sociales qui conduisent à exercer ces différentes activités.

On peut ainsi s’intéresser aux inégalités de participation en interne des collectifs militants, où coexistent « novices » et « virtuoses » de l’action collective (Mathieu, 2012 : 249 et suivantes), ces derniers s’appuyant sur leur expérience en la matière pour manier des codes qui procurent aux premiers un sentiment d’étrangeté. Ce sont également des rapports sociaux de domination de classe, de genre et des processus de racialisation qui peuvent organiser la division du travail militant (Dunezat, 2009). Ceux-ci peuvent s’entrecroiser avec des positions institutionnelles distinctes, dans des contextes où certains se professionnalisent en faisant du militantisme leur métier, devenant les permanents d’organisations politiques, syndicales ou associatives, voire sont directement recrutés comme tels. Dans une perspective de sociologie du travail, la sociologie du monde associatif s’attache ainsi à tenir compte des statuts des militants impliqués, et à problématiser comme un travail gratuit celui effectué par les bénévoles, largement encouragé par des pouvoirs publics qui y voient le moyen, sous couvert de promotion de l’ « engagement citoyen », de déléguer à moindres frais des missions de service public (Simonet, 2010). C’est enfin, en effet, aux contextes sociaux et institutionnels qui les orientent, les favorisent ou les entravent qu’on peut rapporter les pratiques militantes, par exemple dans le cadre de dispositifs publics comme le service civique (Ihaddadene, 2015). Avec ce paradoxe : c’est au moment où la figure du « militant » est discréditée que se développent, en particulier en direction de la jeunesse, des injonctions à l’ « engagement », qu’on peut lire comme autant de techniques de dépolitisation de ce dernier et d’euphémisation des divergences d’intérêts entre groupes sociaux susceptibles de nourrir des mobilisations.


Bibliographie

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Béroud S., Giraud B., Yon K., 2018, Sociologie politique du syndicalisme. Introduction à l’analyse sociologie des syndicats, Paris, A Colin.

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Simonet M., 2010, Le Travail bénévole. Engagement citoyen ou travail gratuit ?, Paris, Éd. La Dispute.

Auteur·e·s

Le Mazier Julie

Centre européen de sociologie et de science politique Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Citer la notice

Le Mazier Julie, « Militant » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 24 juin 2020. Dernière modification le 24 janvier 2024. Accès : https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/militant.

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