Prise d’armes


 

La prise d’armes constitue l’un des rituels fondamentaux de la culture militaire. Comme son nom l’indique assez clairement, la prise d’armes rassemble des militaires portant leurs armes individuelles, sur ordre d’une autorité compétente. Deux grandes catégories de prises d’armes peuvent exister. Celles se déroulant dans une enceinte strictement militaire, à l’occasion d’une passation de commandement notamment, et celles destinées à commémorer un événement, qui, dans ce cas, se déroule dans un lieu public civil et qui se prolonge, la plupart du temps, par un défilé militaire (voir défilé [Cochet, 2018]). À la différence du défilé, qui, par définition, est représenté par le déplacement de troupes, selon un rituel très strict, la prise d’armes est essentiellement statique. Le public, lorsqu’il est présent, stationne en bordure du dispositif militaire proprement dit.

 

Une mise en place protocolaire forte

Dans tous les cas de figure, la ritualisation protocolaire de la prise d’armes est forte et solennelle. Les cérémonies de passation de commandement, les remises de décorations et la présentation du drapeau aux soldats constituent les cadres essentiels de la prise d’armes.

Les unités participant à la prise d’armes sont disposées en carré en rangs, sous les ordres de leurs commandants de sections, compagnies, bataillons ou régiments, selon la taille de la prise d’armes. La position est alors le « garde à vous ». La garde au drapeau se trouve en position centrale, face aux troupes présentant les armes. Après l’hymne national, commence la revue des troupes. Trois personnalités civiles seulement ont le droit protocolaire de passer une troupe en revue : le président de la République française, le premier ministre et le ministre de la Défense ou des Armées. Cette pratique s’appuie sur le fait que dans l’actuelle constitution de la Ve République, le chef de l’État est nommément désigné comme le chef des Armées. Dans les cas les plus fréquents, la revue des troupes effectuées lors d’une prise d’armes est le fait d’un militaire. Lors d’une passation de commandement, le symbole du drapeau (ou de l’étendard dans la cavalerie) est fortement visualisé. Le colonel-chef de corps commandant partant de l’unité saisit le drapeau de ses deux mains et le remet dans celles du colonel prenant sa suite. Le symbole du drapeau est tout aussi fortement utilisé lors de sa présentation aux troupes. Cette cérémonie tout à fait importante dans la culture militaire consiste à unir de jeunes recrues (appelés du contingent jusqu’en 1997, puis engagés volontaires depuis cette date) sous le symbole de l’emblème national. Il s’agit de développer chez eux, un fort sentiment d’appartenance à une communauté militaire unie par les trois couleurs du drapeau français. La troisième grande occasion d’une prise d’armes est la remise de décorations à des personnels militaires. Le protocole précise, « toute décoration mérite le “Garde à vous” ». La Légion d’honneur, la médaille militaire et l’Ordre national du mérite font obligatoirement l’objet d’une prise d’armes et obéissent à un protocole précis et strict. La Croix de guerre, créée en 1915, peut faire l’objet d’une prise d’armes, sans obligation, cependant. Le cri impératif d’« Ouvrez le ban » marque le début de la prise d’armes, suivi d’une sonnerie de clairon. La remise de médaille doit être effectuée par un militaire de rang au moins égal à celui des récipiendaires et lui-même titulaire de la décoration remise. Les récipiendaires sont présentés sur une ligne et regagnent les rangs l’opération terminée. Durant la remise, les troupes présentent les armes ou, pour le moins, sont mises au « garde à vous ». La remise s’accompagne non d’une accolade pour les militaires, mais d’une poignée de main. Quelle que soit la médaille remise lors de la prise d’armes, le récipiendaire doit se présenter sans porter aucune des autres décorations dont il peut être titulaire. La prise d’armes se termine par le cri impératif de « Fermez le ban ».

 

Les tenues militaires de la prise d’arme

Dans le cadre d’une prise d’armes, le cérémonial passe par le port d’une tenue adéquate (EMAT, 2005), mais qui peut être différente selon la position des troupes au sein de la cérémonie. La garde aux emblèmes est assurée à partir de la tenue de combat (dite « théâtre européen », bariolée) à laquelle peuvent être adjoints des éléments traditionnels blancs (lacets, guêtres, ceinturons, baudriers). La musique qui assure le rituel sonore de la prise d’armes peut être en tenue différente de celles des troupes. Pour ces dernières, la tenue de combat peut être remplacée par le bleu foncé des Chasseurs, mais aussi par des tenues de tradition autorisées, comme la tenue blanche des troupes de montagne, ou comme la tenue traditionnelle de la Légion étrangère, celle des troupes de marine, des Spahis ou des Tirailleurs.

 

Publics : un entre-soi ?

Les différents codes vestimentaires attestent pleinement du fait que la prise d’armes répond d’abord et avant tout à un cérémonial « fermé » de l’entre-soi où le public non militaire est éventuellement convié, mais dans lequel il s’agit de partager essentiellement des valeurs communes à la culture militaire. Selon les modalités et le lieu de la prise d’armes, un public uniquement militaire peut cependant être rejoint par un public « ouvert », notamment élargi aux civils. C’est le cas lors d’une remise de médaille où les Anciens Combattants sont conviés. Lors d’une passation de commandement, les familles des militaires, les habitants de la ville où stationne le régiment concerné, les associations patriotiques et les Anciens Combattants sont invités largement. Dans ce cas, la prise d’armes constitue un moment fort de la vie de la cité et la presse locale, ainsi que la radio locale et la chaîne de télévision régionale, se font l’écho de la manifestation. C’est souvent l’occasion de dresser un portrait en diptyque du chef partant et du chef arrivant.


Bibliographie

Cochet F., 2018, « Défilé », Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Accès : http://publictionnaire.huma-num.fr/notice/defile/.

État-major de l’Armée de Terre, 2005, Instruction No 10300 relative aux tenues et uniformes militaires des armes et services de l’armée de terre, 13 juin.

Auteur·e·s

Cochet François

Centre de recherche universitaire lorrain d’histoire Université de Lorraine Président du conseil d’orientation scientifique du mémorial de Verdun

Citer la notice

Cochet François, « Prise d'armes » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 24 janvier 2018. Dernière modification le 18 septembre 2019. Accès : https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/prise-darmes.

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