Public ordinaire (radio, télévision)


 

Le public dit ordinaire se définit de plusieurs façons. C’est un public concret (Lecolle, 2016), donc des personnes présentes pendant la production d’un programme médiatique par opposition au public abstrait composé de l’ensemble des téléspectateurs ou auditeurs qui écoutent de chez eux le programme. Ou encore, un public abstrait dont on peut étudier les habitudes d’écoute et l’interprétation que ses membres font de ce programme (Ségur, 2015a, 2015b). C’est également un public participant au programme, donc des personnes dont « l’intervention est prévue dans le conducteur pendant l’émission » (Darras, 1994 : 83) et pas seulement un public – certes attentif et bruyant –, mais passivement assis sur les gradins. C’est enfin un public « ordinaire » au sens de participant qui parle en son nom et non en tant qu’expert, représentant d’une association, d’un syndicat, d’une organisation publique ou privée ou encore porte-parole d’un parti politique (Deleu, 2006).

Dans le champ des médias, la place accordée au public dit ordinaire a toujours fait l’objet d’une attention soutenue ; en particulier dans celui des débats télévisés. En effet, le rôle alloué à ce public participant est révélateur de l’importance accordée à l’opinion des citoyens lambdas.

En théorie, les débats ont intérêt à ouvrir leurs plateaux aux citoyens ordinaires pour plusieurs raisons. Dans un débat médiatique, comme dans un reportage télévisé, la diversité des intervenants est – pour les journalistes – une indication de « l’objectivité » de leur travail (Lévêque, 1999 : 103-104). Visuellement, cette diversité est facile à exposer par des plans moyens dévoilant les différents styles vestimentaires des intervenants, autant que la variété de leurs expressions langagières (Darras, 1994 : 86). Cette pluralité des intervenants est une façon de répondre aux soupçons de connivence des journalistes politiques (Olivesi, Hubé, 2016), montrant ainsi que les journalistes ouvrent le plateau à tous les points de vue et ne prennent pas partie. Qui plus est, ces citoyens lambdas permettent d’incarner l’opinion publique (Neveu, 1997 : 47) bien plus concrètement que ne peuvent le faire les chiffres des sondages convoqués par les journalistes. Donner la parole au public ordinaire, c’est aussi une façon d’intégrer directement et concrètement les préoccupations journalières des auditeurs et téléspectateurs, en utilisant un ton profane, en partant d’exemples quotidiens, en particulier dans des débats politiques réputés rebuter une partie du public, si ce n’est être hermétiques (Darras, 1994 : 89).

En pratique cependant, le poids réellement accordé au public ordinaire ne va pas de soi. Plusieurs questions se posent : quelles sont la place et la légitimité dévolues dans les faits à cette parole ordinaire ? Peut-elle s’exprimer librement ou bien avec des contraintes si fortes que les possibilités d’expression en sont réduites ? Tous les auditeurs et les spectateurs ont-ils réellement la possibilité de participer aux débats radios et télévisés ? Ou existe-t-il des critères de sélection implicites ? La question de la sélection est très importante parce qu’elle elle permet d’interroger la valeur utopique du public qualifié d’ordinaire. Si ce public participant est sélectionné et « briefé », est-il aussi ordinaire que cela ? Chacune de ces questions fait l’objet de recherches empiriques complémentaires, tant en linguistique (analyse des échanges ; Simon-Vandenbergen, 2007), en sciences de l’information et de la communication (évolutions des débats ; Nel, 1988 ; modalités de participation ; Lochard, 2005), en sociologie (catégories socioprofessionnelles des participants ; Rouquette, 2001), en sémiologie (analyse des dispositifs médiatiques ; Jost, 2007) ou encore en science politique (analyses des thématiques abordées ; McKinney 2005 ; modèle politique des débats, Jones, 2013). Une pluralité de recherches révélatrice de la richesse et de la diversité des paramètres à prendre en compte dans chacune des questions traitées ici.

Les conditions de participation du public présenté comme ordinaire ont considérablement changé dans le temps. Les dispositifs de débats varient beaucoup suivant les pays. Quand certains débats mettent en place une assemblée télévisée mêlant élus et électeurs, d’autres les somment de défendre leurs modèles de vie face au public. Quand certaines émissions les invitent à défendre leurs opinions politiques, d’autres les encouragent à parler de leurs vies intimes.

 

La place du public participant ordinaire dans les débats politiques télévisés

Dans les débats politiques, et plus largement dans les débats dans lesquels les participants présentés comme ordinaires sont invités à intervenir sur une question d’actualité, plusieurs enjeux relèvent d’interrogations politiques. D’abord celui de la représentativité : sur quels critères sont-ils sélectionnés ? Mais aussi celui du temps et de l’importance accordés à leurs interventions : disposent-ils d’un temps de parole égal ou inférieur à celui des représentants politiques ? Leurs connaissances concrètes des sujets traités sont-elles valorisées ? L’enjeu de la sélection est le plus apparent, en particulier lors de campagnes électorales car la grille de lecture partisane s’applique à chaque participant (d’où parle ce participant ? Est-il favorable au gouvernement ?). Or, en régime médiatique, les modalités de sélection sont multiples. Ces modalités de sélection révèlent les qualités attendues de ce public qualifié « d’ordinaire ».

Les premières tiennent à la qualité d’orateur des participants. Pour être sélectionné par les journalistes, mieux vaut savoir parler clairement, ne pas être impressionné par les caméras, être à l’aise à l’oral. Face à un ministre, les journalistes voient d’un œil positif des personnalités qui n’ont pas peur et ne « perdent pas la face » (Villeneuve, 2008 : 104). Pour faciliter cet apprentissage, des programmes comme Question time (BBC, depuis 1979) n’hésitent pas à donner des conseils et consignes précises au public participant, et même à les faire répéter avant l’enregistrement. Adoptant une démarche ethnographique, le politiste Gaël Villeneuve (2008 : 321) observe ainsi que chaque participant invité à venir à l’enregistrement reçoit un premier mail dans lequel il est incité à participer activement lors de l’émission. Les consignes écrites données par la direction aux participants sont claires : préparez « deux questions, à recopier sur les cartes que nous fournissons. Assurez-vous que vos questions sont courtes, et reliées à des questions de l’actualité de cette semaine. Trente mots maximum, idéalement vingt ».

Les deuxièmes modalités de sélection tiennent à la « légitimité » ou la « valeur » des participants sélectionnés ; alors même – ce qui complexifie cet exercice de légitimation de cette parole ordinaire – qu’ils ne sont ni élus, ni représentants d’un parti politique. Pour autant, la sélection est obligatoire. Elle est même drastique si l’on en juge le nombre de questions finalement sélectionnées par la rédaction de Question time pour faire l’objet d’une formulation orale directe de la part de son rédacteur lors de l’émission : six sur près de deux cents. Les autres membres du public gardant la possibilité de pouvoir lever la main pour intervenir s’ils le souhaitent (ibid. : 337). Si – hormis une référence générale au principe de la diversité des sensibilités des participants – les indicateurs de la légitimité ne sont pas explicités, ce processus de sélection correspond bien à l’observation similaire de la linguiste Gabrina Pounds (2006) selon laquelle les participants doivent défendre une opinion jugée (politiquement) défendable par la rédaction. D’autres débats s’appuient sur des panels. Ces dispositifs sont alors choisis pour être d’autant moins critiquables qu’ils sont lourds à mettre en place et reposent sur des critères de représentativité de la population générale. C’est par exemple le cas en France d’À Armes égales (première chaîne de l’ORTF, 1970-1973 ; voir Lefébure, 2017) ou de Les absents ont toujours tort (1991-1992, la Cinq, voir Darras, 1994). D’autres encore sont invités en qualité de victimes ou représentants associatifs. De ce point de vue, les SMS ou les messages Twitter permettent aux producteurs de ces programmes d’augmenter aisément le nombre d’interventions des citoyens standards en insérant les avis ou commentaires en bas des écrans, en prêtant simplement attention à ne pas diffuser de tweets insultants ou auto-promotionnels (Atifi, Marcoccia, 2017). Ils rendent alors moins aiguës – et moins critiquables – les procédures mises en œuvre pour sélectionner ces citoyens standards, même si ces réactions par tweets n’engendrent pas de réel dialogue entre les téléspectateurs et les politiciens et n’influencent pas véritablement le débat (Perry, Villeneuve, 2016) puisque les participants politiques ne peuvent pas lire les tweets diffusés à l’écran pendant le débat (Atifi, Marcoccia, 2017 : 36).

Les troisièmes modalités tiennent à la culture politique du pays dans lequel sont produits ces débats médiatiques. À cet égard, la comparaison entre les débats politiques français et anglais réalisée par G. Villeneuve est éclairante. Quand, dans le débat français Mots croisés, « Les “questions que se pose le public” sont conjointement articulées par le journaliste présentateur et par ses invités non politiques » (Villeneuve, 2008 : 204), la version britannique – Question Time – est construite sur un format de démocratie directe. L’émission est enregistrée dans des villes différentes chaque semaine, deux cent spectateurs sont assis en tribune et peuvent participer, une douzaine d’entre eux prennent la parole à chaque émission, les élus sont sommés de « faire face » aux questions de ces citoyens (Villeneuve, 2008 : 289). Loin d’être réduits à un rôle de faire-valoir, le rôle dévolu à ces participants ordinaires est donc – ici – central.

De même que les modalités de sélection varient suivant les débats politiques et les pays, le poids accordé à ces invités standard change tout autant ; sans qu’il soit possible – en ce domaine – de tracer une tendance nette. Observant le temps – limité – et la thématique – contrainte – imposés aux participants des émissions qu’ils étudient, plusieurs analystes voient dans ces débats l’illustration d’une difficulté à mettre réellement en place une version télévisée d’une démocratie accordant un temps de parole similaire à tous et une légitimité élevée aux invités standards (voir par exemple Darras, 1994). Ainsi Christophe Deleu (2006 : 59-60), chercheur en sciences de l’information et de la communication, considère-t-il que le format d’intervention des auditeurs radiophoniques sous forme de questions sélectionnées « instrumentalise aujourd’hui la parole des gens, en fonction de stratégies visant à accroître l’audience, à l’inverse des radios libres des années 1970 » ; les journalistes privilégiant à l’antenne les questions qu’ils auraient eux-mêmes pu poser.

Sans contester le caractère inégalitaire du format de ces débats politiques, d’autres analystes observent pourtant des interactions qui sortent de ce cadre. La linguiste Anne-Marie Simon-Vendenbergen (2007) observe au contraire des interactions entre citoyens, experts et responsables fondées sur des rapports de résistance à ces situations d’inégalités de paroles. Certes, ces situations dépendent en partie de la personnalité des citoyens invités. Elles sont alors variables suivant les émissions. Il n’empêche que de telles situations sont favorisées par un emplacement sur le plateau de tous les participants identique ou encore par des règles d’interaction établies par l’animateur fondées sur l’égalité d’accès à la parole et l’égalité des droits d’interruption et de contradiction. Elles le sont également par un autre phénomène : l’augmentation du nombre « d’amateurs professionnels », ces passionnés qui ne sont pas des professionnels payés pour travailler sur un sujet (l’astronomie, l’environnement, la pollution des sols, etc.), mais qui investissent beaucoup de leur temps dans cette activité, aidés qu’ils sont par les nombreuses ressources de plus en plus disponibles en ligne (wikis, forums, etc.) pour se forger une réelle compétence sur leur sujet de prédilection (Flichy, 2001). Quand un « pro-am » est invité à participer dans les débats médiatiques, il sait mettre à profit de toutes ses ressources intellectuelles, ses compétences construites au fil de son investissement dans son activité amateur, pour devenir un véritable « citoyen participant » à la fois profane et expert ; capable de s’investir dans des sujets politiques en faisant valoir sa compétence en la matière (Atifi, Marcoccia, 2019).

En revanche, de manière bien plus nette, la place accordée au public participant ordinaire dans les débats politiques, a nettement contribué à élargir la palette des thématiques traités dans ces débats de préoccupations quotidiennes autrement occultées des plateaux. Il suffit, comme l’a empiriquement fait le politiste et sociologue Érik Neveu (1997), de comparer deux types de débats politiques – l’un confrontant élus et journalistiques politiques (Face à la Une, TF1, 1995-2007) ; l’autre organisant des dialogues entre élus, journalistiques politiques mais aussi des personnalités de la société civile tels que des chefs d’entreprise, des étudiants, des artistes, des syndicalistes (La France en direct, France 2, 1995-1997) – pour constater une grande différence dans les thématiques abordées. Le nombre de questions qu’É. Neveu appelle les questions relatives à la « course de petits chevaux » (les questions de tactique et de vie politique) baissent significativement. En revanche, de nouveaux thèmes émergent (culture, Europe, enseignement) ; d’autres sont traités plus en profondeur (chômage et ses effets, protection sociale, etc.) (ibid. : 37-39). Des résultats qui corroborent ceux de recherches menées outre-Atlantique (McKinney, 2005). Ainsi la participation du public ordinaire a-t-elle indéniablement pour effet d’intégrer dans l’agenda médiatico-politique des problématiques qui intéressent les auditeurs et téléspectateurs et qui sont pourtant habituellement marginalisées, au risque de renforcer le désintérêt d’une partie des électeurs sinon pour les affaires publiques, au moins pour le traitement médiatique qui en est fait. De telle sorte que, même s’ils maîtrisent mieux les règles du jeu médiatique, les élus politiques se retrouvent en situation de répondre aux préoccupations de citoyens standards (Olivesi, 2009) en attente de réponses à leurs préoccupations quotidiennes.

 

Talk-shows et invitation à témoigner

Dans les débats d’actualité ou de société organisés sous forme de talk-shows, les problématiques sont tout autres. Elles sont pour autant primordiales, tant les talk-shows et les palabres télévisées ont pris une importance croissante. Les participants ordinaires y sont invités comme témoins. Ils sont représentants d’un groupe ou d’un phénomène au sens où ils possèdent les caractéristiques principales de l’ensemble dont ils relèvent. L’importance de cette modalité de sélection est à la hauteur des sujets traités dans ces programmes. Or, la variété des sujets traités s’est fortement élargie. Désormais, ces émissions évoquent même des sujets intimes qui, loin d’être des questions secondaires, font écho à des préoccupations de nombreux spectateurs et auditeurs ; tels les sujets relevant de l’intimité sexuelle, du droit à l’épanouissement charnel, des dysfonctionnements sexuels (Cardon, 2003).

Cette légitimité est d’autant plus utilisée qu’elle semble facile à invoquer, à manipuler même, et qu’elle clarifie clairement la position de chacun. Que l’ambition des journalistes soit officiellement de proposer des solutions, de montrer comment des gens s’en sortent, de montrer le scandale de certaines situations, ou simplement de comprendre pour modifier les choses, le témoignage est convocable pour des registres différents (Tolson, 2015). Sur un plan général, il existe deux principales logiques de sélection, très différentes l’une de l’autre. La première, majoritaire dans les débats de société français entre 1958 et 2000, repose sur l’idée selon laquelle il ne faut pas donner la parole à tous ceux qui le souhaitent parce que parler publiquement suppose des compétences implicites (Rouquette, 2001). Dès lors que le choix de sélectionner les participants les plus intéressants est acquis, que l’appel aux témoins est lancé, les groupes sociaux les plus actifs socialement voient se multiplier leur chance d’être prioritairement contactés pour un entretien préalable. La présence d’une catégorie socioprofessionnelle sur les plateaux est alors massive : les professions libérales, cadres et professions intellectuelles supérieures. La constitution de ce groupe télévisuellement privilégié mérite une dénomination d’ingénieurs du social. Ce groupe recouvre largement le vocable de Knowledge workers forgé depuis 40 ans par les théoriciens anglo-saxons de la nouvelle société du savoir (notamment le théoricien du management Peter F. Drucker [1909-2005], 1969). Comment expliciter ce cens médiatique caché ? Deux explications ressortent. Cela provient indirectement du choix des journalistes de s’appuyer largement – et sans forcément le dire – sur les associations. Or, donner une prime à ceux qui ont montré leur volonté de s’investir dans la vie publique revient à favoriser passivement la reproduction des inégalités sociales. Car s’il y a un secteur particulièrement prisé par les catégories moyennes et notamment par les cadres supérieurs ou intellectuels c’est bien celui de la vie associative (Rouquette, 2001). À cette première explication s’en ajoute une seconde, plus significative encore : l’invitation des « citoyens témoins » en qualité de professionnels (tel un policier, un magistrat, un commerçant, un éducateur au milieu des habitants d’une cité pour discuter du “problème des banlieues”) (Rouquette, 2000). Ce premier modèle de talk-show se fait alors l’écho de valeurs telles que le libéralisme culturel majoritairement partagées par ces ingénieurs du social (Rouquette, 2001).

Le second modèle, bien plus courant au Royaume-Uni et aux États-Unis qu’en France, repose sur une toute autre logique. Les témoins restent certes invités pour illustrer une situation ou un type d’expérience (Shattuc, 1997), pour s’engager dans une confession cathodique (Mehl, 1995), mais ils le sont aussi pour parler de questions ordinaires. Ils s’ouvrent aux préoccupations sociales, personnelles et environnementales quotidiennes (Tolson, 2015), s’interrogeant concrètement sur des questions qui touchent directement le public, qu’elles appartiennent ou non aux canons de l’actualité sérieuse (le régime, la drague, l’amour, la solitude, les problèmes des adolescents, la maladie du petit dernier, l’homosexualité). Ils le font en posant la question en termes ouvertement moraux (Jeremy Kyle Show, 2005-2019, Channel 5 ; voir Tolson, 2015). Cette caractéristique de ces talk-shows est corrélée à une deuxième, relative au profil sociologique des participants invités. Que ce soit dans sa version française (C’est mon choix, voir Rouquette, 2002) ou anglaise (Jerry Springer Show, voir Tolson, 2015), le public participant est plus souvent issu des milieux populaires (ouvriers et employés). Or, aucun sujet n’est trivial quand il permet de mettre à la question, ou mieux de conforter, les jugements fondamentaux de goût de chaque téléspectateur. Et notamment celle du goût populaire, public structurellement majoritaire de la télévision généraliste (Souchon, 1992).

Cette comparaison montre l’importance qu’il y a à prendre en compte les débats de journée, ceux qui – aujourd’hui comme hier – sont les plus ouverts à la diversité sociale des expériences de vie de la population. Si les débats politiques ont pour eux l’avantage de bénéficier des horaires de première partie de soirée, du prestige des invités politiques réputés et de comptes rendus dans la presse écrite importante, ils sont loin de couvrir l’ensemble des possibles télévisés. Loin d’être « ordinaires », leurs invités standards sont sélectionnés sur des critères d’équilibre politique mais aussi d’aisance à l’oral. Ils ne représentent pas, qui plus est, la place la plus couramment accordée au public participant des débats audiovisuels.

Pour mesurer le poids réel, le rôle et les enjeux liés à la participation des invités standards à ces débats, cette analyse comparée montre clairement qu’il est indispensable de s’intéresser prioritairement aux programmes des créneaux les moins prestigieux mais les plus caractéristiques de la place accordée au public ordinaire. En particulier les programmes de journée dont les critères de sélection implicites sont bien plus ouverts à la diversité des expériences sociales que les palabres télévisées plus prestigieuses de fin de journée. Cette orientation d’analyse s’inscrit bien dans les préconisations du sociologue Éric Macé (1994 : 55-56) recommandant de centrer les analyses sur les programmes de la télévision marchande. Car c’est dans ces programmes populaires que se travaillent le plus « les incertitudes, les souffrances, les identités et la créativité ». Les résultats de cette étude comparée, intégrant ici les débats de journée et de soirée, mais aussi les logiques de programmation et les évolutions des émissions de plusieurs pays (français, anglais et américains), plaident en tout cas en ce sens.


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