Notoriété


 

En première définition, la notoriété est le « caractère de ce qui est connu ou constaté par un grand nombre de personnes » (CNRTL : http://www.cnrtl.fr/definition/notoriete). La notoriété apparait, pour un public, comme une connaissance partagée de ce qui caractérise une entité (individu, organisation) et/ou de ses productions (œuvres artistiques, produits ou services), lui permettant ainsi de la nommer ou de la désigner dans un contexte spécifique. La notoriété d’une entité permet de la situer par rapport à un public : connait-il, ou non, l’entité ou ses réalisations ? Mais aussi de définir les représentations que ce public lui associe, et ce qui a permis de porter à sa connaissance l’entité en question.

 

La notoriété, une notion opératoire et quantitative…

Comme le souligne Jean-Samuel Beuscart (2008 : 143), la notoriété est « issue du marketing, [elle est] avant tout une notion opératoire, mesurée le plus souvent par un taux de population ayant connaissance d’un nom ou d’une marque ». Dans un contexte marchand, la notoriété est alors le « fait pour un produit, une marque ou un service d’être connu quel que soit le jugement porté sur lui » (IREP, 1966 cité dans CNRTL : http://www.cnrtl.fr/definition/notoriete). Les chercheurs en sciences de gestion, comme David A. Aaker (1994), définissent plusieurs niveaux de notoriété d’une « marque » (entendue ici comme les éléments caractérisant les produits ou services d’une organisation pour un public). Tout d’abord la notoriété de « degré zéro » qui peut être vue comme la non-connaissance d’une marque. Puis la notoriété « assistée », supposant que le public a une faible conscience de l’entité en question ou de son nom, et qu’il convient alors de les lui suggérer pour qu’il les reconnaisse. Enfin, la notoriété « spontanée », signe d’une marque forte, c’est-à-dire lorsqu’un public associe spontanément un type de produit/service au nom d’une organisation. Pour David A. Aaker toujours, la notoriété participe à la valorisation de l’image d’une marque (i.e. dans l’esprit des publics) et plus largement de l’entité notoire. Elle est un repère pour les autres traits constitutifs de la marque, au sens où la notoriété permet d’identifier les aspects les plus caractéristiques d’une marque pour un public donné, et ainsi définir ceux qu’il est nécessaire de développer. Elle permet aussi d’évaluer le degré de mémorisation des associations entre le nom d’une entité et les spécificités de ses productions : la notoriété est le résultat d’un mécanisme de reconnaissance.

De plus, la notoriété peut être un critère de sélection car elle « offre au public des avantages en termes d’information et de choix, puisqu’elle constitue un facteur susceptible de minimiser les erreurs d’appréciation tout en pouvant être substituée à un processus d’apprentissage, générateur de coûts (monétaires, temporels, informationnels) » (Le Guern, 2003 : 22). La notoriété est un élément préalable à la formulation de tout jugement, à la construction d’une opinion, et s’avère un levier essentiel de la mise en visibilité d’une entité ou de ses productions, permettant ainsi de véhiculer ou générer par la suite des représentations (des « images » par un prisme cognitif et marketing). Pour les entités ayant de la notoriété, celle-ci peut être perçue comme une forme de capital immatériel qu’il est possible de faire fructifier ou de construire par des dispositifs médiatiques spécifiques : création d’événements, publicités, promotion dans les médias ou encore par le biais des dispositifs sociotechniques du web.

Sa mesure est essentiellement quantitative, et peut être éventuellement effectuée par l’apport de techniques spécifiques comme l’analyse de l’audience pour définir la notoriété d’une émission de télévision, ou la bibliométrie pour la notoriété d’une revue scientifique ou d’un chercheur. La mesure de la notoriété ne peut néanmoins faire l’économie de l’étude des processus ayant permis la mise en visibilité de l’entité notoire, et surtout des caractéristiques, représentations ou associations attribuées par les publics. Qui plus est lorsque la notoriété est questionnée hors du prisme de la marque.

 

…mais aussi qualitative

« La notoriété, concept multidimensionnel, renvoie au fait d’être connu d’une manière certaine par un grand nombre de personnes (aspect plutôt quantitatif) et, qui plus est, de manière avantageuse (dimension qualitative) » (Boure, Suraud, 1995 : 54). La notoriété véhicule des représentations pour les publics (avantageuses ou non en fonction de ceux-ci). Tout d’abord par l’emploi d’un nom qui « crée une émotion, suscite un imaginaire et des attentes » (Almeida, 2007 : 171). La notoriété permet ainsi à un public de désigner une entité autant que ce qui la caractérise pour le plus grand nombre : ses pratiques, ses discours, ses stigmates (au sens de Erving Goffman), ou encore ses productions. Elle peut être autant médiatique (aspect quantitatif) qu’artistique (aspect qualitatif), et s’acquérir par différents bais : « La notoriété artistique peut être estimée grâce aux critiques, aux récompenses obtenues et la notoriété médiatique peut être mesurée par le nombre d’articles consacrés à l’artiste, le nombre de passages à la télévision, à la radio ainsi que par la part de marché » (Fort, 2000 : 4).

La notoriété ne suppose pas pour autant une quelconque exceptionnalité et « peut se porter sur des individus dénués de mérite personnel – des héritiers, des porteurs de caractéristiques physiques hors du commun, des victimes de catastrophes, etc. » (Chenu, 2008). De même, elle n’induit pas une connaissance directe, voire une expérience, de ce qui caractérise l’entité notoire. Les représentations peuvent être seulement transmises, comme le mettent en exergue Robert Boure et Marie-Gabrielle Suraud (1995 : 55) avec l’exemple d’une revue : « On peut très bien reconnaître et accepter la notoriété d’une revue sans jamais l’acheter, la lire, la consulter, lui proposer un article, utiliser son contenu ».

La notoriété, abordée comme le résultat d’un mécanisme de reconnaissance articulant la mémorisation d’un nom et les représentations qui lui sont associées, participe à la légitimation de l’entité notoire, en particulier lorsqu’elle s’inscrit dans des champs artistiques et culturels. Dans le domaine littéraire, « l’autorité est précisément attachée à l’auctorialité par le lien susceptible d’unir un auteur à un discours ou à un document » (Broudoux et al., 2005 : 1). La notoriété est cette attache qui unit un auteur (son nom) à ses productions pour des publics, faisant évoluer son autorité, c’est-à-dire sa légitimité à traiter ou non d’un sujet, à produire de nouvelles œuvres à l’aune de ses productions précédentes. Cependant, si la notoriété (artistique ou médiatique) peut être perçue comme un signal de la qualité d’une œuvre ou d’un artiste, elle « n’est toutefois pas un critère d’appréciation indiscutable, notamment parce que la substitution de la notoriété à la qualité est un processus réducteur » (Le Guern, 2003 : 22).

 

Notoriété et notions proches : gloire, célébrité et réputation

Au-delà des éléments présentés supra, il parait nécessaire pour mieux définir la notoriété par le prisme « des publics » de questionner son articulation et ses différences avec d’autres termes proches, voire parfois employés comme synonymes. Pour Gabriel Tarde (1902), la notoriété est un élément dénué de valeurs (aspect opératoire et quantitatif) mais elle participe cependant au développement de la gloire dès lors que des valeurs positives comme l’admiration lui sont associées.

Cette idée de valeurs positives se retrouve en partie dans une notion proche de la notoriété, la célébrité. Ce qui est célèbre est au-delà du notoire. La célébrité repose à la fois sur des représentations fortement ancrées dans la mémoire des publics, et ce par des expositions médiatiques régulières de l’entité célèbre, et sur son association à des caractéristiques et des valeurs faisant sens pour le plus grand nombre. La notoriété peut se limiter à un nombre restreint d’individus (être (re)connu par ses voisins comme bricoleur dans son quartier par exemple), là où la célébrité suppose un critère de dissymétrie fort : « Une célébrité est reconnue par plus de personnes qu’elle n’en connaît elle-même » (Chenu, 2008 : 5).

Enfin, il parait nécessaire de différencier les notions de réputation et de notoriété. La réputation se distingue de la notoriété par sa dimension stratégique (Menger, 2013) : si la notoriété véhicule certaines représentations, à la différence de la réputation (à laquelle elle participe) elle n’offre pas de réelles capacités à appuyer des choix ou réduire l’incertitude pour les publics. La notoriété apparait comme un préalable à la formulation d’une réputation : il faut (re)connaitre une entité pour formuler par la suite des opinions dont l’accumulation formera une réputation. Développer la notoriété d’une entité, faire connaitre son nom et certaines caractéristiques, offre une exposition nécessaire au public pour produire par la suite une réputation. Pour Bernard Girard (2012 : 5) « Une entreprise peut avoir une forte notoriété et aucune réputation ». On peut (re)connaitre sans pour autant évaluer, juger ou critiquer.


Bibliographie

Aaker D. A., 1994, Le Management du capital de marque, Paris, Dalloz.

Almeida N. d’, 2007, La Société du jugement. Essai sur les nouveaux pouvoirs de l’opinion, Paris, A. Colin.

Beuscart J.-S., 2008, « “Sociabilité en ligne, notoriété virtuelle et carrière artistique”. Les usages de MySpace par les musiciens autoproduits », Réseaux, 152, pp. 139-168.

Boure R., Suraud M.-G., 1995, « Revues scientifiques, lectorat et notoriété. Approche méthodologique », Recherches en communication, 4, pp. 37-59.

Broudoux E. et al., 2005, « Auctorialité : production, réception et publication de documents numériques ». Accès : http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00120699. Consulté le 30/01/15.

Chenu A., 2008, « Des sentiers de la gloire aux boulevards de la célébrité. Sociologie des couvertures de Paris Match, 1949-2005 », Revue française de sociologie, 49, pp. 3-52.

Fort M.-L., 2000, « Une analyse économique de l’exploitation et de la production de la notoriété médiatique (le cas du cinéma hollywoodien) ». Accès : http://lara.inist.fr/bitstream/handle/2332/2269/LATEC-DT_00-14.pdf?sequence=1. Consulté le 30/01/15.

Girard B., 2012, « Le souci de sa réputation peut-il modifier les comportements d’une entreprise ? ». Accès : http://www.dissonancesx90x.net//Reputation.pdf. Consulté le 30/01/15.

Le Guern P., 2003, « Présentation », Réseaux, 117, pp. 9-44.

Menger P.-M., 2013, « Valeurs incertaines, marchés aux puces, ventes en ligne : comment s’assurer de la qualité ? », Communications, 93, pp. 147-172.

Rouget B., Sagot-Duvauroux D., 1996, Économie des arts plastiques. Une analyse de la médiation culturelle, Paris, Éd. L’Harmattan.

Tarde G., 1902, Psychologie économique, Paris, Alcan, 2 tomes. Accès : http://classiques.uqac.ca/classiques/tarde_gabriel/psycho_economique_t1/psycho_eco_t1.html. Consulté le 30/01/15.

Auteur·e·s

Alloing Camille

Laboratoire sur l’influence et la communication (LabFluens) Laboratoire sur la communication et le numérique (LabCMO) Université du Québec à Montréal

Citer la notice

Alloing Camille, « Notoriété » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 20 septembre 2015. Dernière modification le 26 novembre 2019. Accès : https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/notoriete.

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