La catégorie « communication publique » est communément utilisée en Europe pour désigner les pratiques et les dispositifs relevant de l’information, de la médiatisation et de la médiation des institutions publiques, autrement dit des organisations juridiquement fondées à produire l’ordre politique et social à différentes échelles – internationale, nationale ou locale. Elle est significative de l’importance prise par les relations avec le monde social dans le travail institutionnel et politique, tout en demeurant habitée par les propositions selon lesquelles l’information des administrés est une mission inhérente à l’activité de et des services publics, mais aussi selon lesquelles l’information des citoyens doit se garder de toute dimension manipulatoire et propagandiste, dans le respect de la liberté de l’information et du pluralisme médiatique.
Observant les balbutiements des politiques publiques de communication à l’échelle territoriale dans les années 1980, Yves de la Haye (1946-1983 ; 1984 : 94) invite à questionner « comment […] se transforme l’exercice quotidien du pouvoir d’État dans une société où se grippent les mécanismes traditionnels d’assujettissement ». Quelques décennies plus tard, et sur la base de nombreuses recherches sectorielles conduites à l’interface des sciences de l’information et de la communication et de la science politique notamment, c’est la question des enjeux de gouvernabilité des sociétés démocratiques contemporaine, mais aussi la problématique de la légitimation des institutions et de l’action publiques que permet d’éclairer l’analyse de la communication publique. Ainsi, il s’agit de saisir les « transformations du travail institutionnel et politique ainsi que les transformations de l’ordre social que l’action politique est censée produire en même temps qu’elle s’y ajuste » (Ollivier-Yaniv, Utard, 2014 : 11).
La question des publics est consubstantielle à l’analyse de la communication publique – et non par simple nominalisme. Elle renvoie aux origines de la notion dans les sciences humaines et sociales, que rappelle le projet du Publictionnaire. En effet, la communication publique peut être lue comme un processus de reconnaissance mais aussi de fabrication des publics. Ceux-ci permettent aux acteurs institutionnels et politiques de composer avec la masse des citoyens, caractéristique de la modernité politique et du système représentatif. La communication publique, si on la conçoit comme une mise en publics des individus, relève des modalités de régulation des arènes publiques, de réduction des incertitudes et des enjeux de légitimation et de gouvernementalité propres au régime démocratique. Ceci de la manière avec laquelle les sondages fabriquent l’opinion publique ou avec laquelle les partis politiques régulaient le vote dans la « démocratie de partis » d’avant la « démocratie d’opinion » (Manin, 1995), mais avec les spécificités consubstantielles à la matérialité des signes, des énoncés et des dispositifs socio-techniques.
Socio-histoire de la communication des institutions et désignation d’un groupe professionnel
La construction de l’information des citoyens, en tant qu’obligation dans le travail institutionnel, dépend de multiples facteurs qui doivent être saisis conjointement, afin de ne céder ni au média-centrisme, ni à l’institutionnalo-centrisme. À l’échelle de l’administration centrale de l’État, la « démocratie administrative » et le « droit à l’information » émergent dans les années 1970 au moyen d’un dispositif juridique qualifié de « troisième génération des droits de l’Homme » (Holleaux, 1980). La loi du 17 juillet 1978 sur l’amélioration des relations entre l’administration et ses administrés, mais encore l’affirmation par le Secrétaire général du gouvernement de réduire « la coupure aiguë entre les citoyens et leur administration, comme d’ailleurs les services publics » (Long, Rapport au Premier ministre, décembre 1975) fondent le déploiement de ce qu’on appelle alors « l’information de service » ou « l’information publique ». La définition d’un État gestionnaire, fondé sur le déploiement du New Public Management, se manifeste par la rationalisation de l’information des usagers de l’administration, en vue de renforcer la qualité du service rendu et l’efficacité de l’administration en termes d’acceptabilité des règlements et des décisions. La maîtrise de l’information et de ses techniques, dont le rapport co-signé par Simon Nora (1921-2006) et Alain Minc (haut fonctionnaire et chef d’entreprise proches du président de la République de l’époque) sur « L’informatisation de la société » (publié en 1978 à La Documentation française) constitue le manifeste à la française (Musso, 1998), conforte le projet de modernisation de l’action publique par sa transformation technologique et les relations avec les usagers en constituent l’un des terrains de jeu privilégiés.
Dans le même temps, la médiatisation des acteurs politiques nationaux, liée à la personnalisation des institutions de la Ve République et à l’importance prise par les médias audiovisuels, renforce le « travail politique par et pour les médias » (Desrumaux, Nollet, 2014). La montée en puissance de la « communication politique » conforte encore la nécessité, pour les hauts-fonctionnaires, d’en distinguer les pratiques des administrations et des institutions au moyen d’une information que l’on considère comme objective (car dépolitisée) et comme accessible (car simplifiée) – ceci bien avant la création du Comité d’orientation pour la simplification du langage administratif (Krieg-Planque, 2020). À l’échelle locale, les lois de décentralisation du début des années 1980, mais aussi le développement de médias locaux, font de l’information puis de la communication des instruments de la construction des territoires (Pailliart, 2018) avant de chercher à affirmer puis à « marketer » leur singularité (Le Bart, 2014).
Ce phénomène, qui se cristallise à des périodes distinctes pour l’État et les collectivités, est également sous-tendu, de manière plus générale et dès les années 1950, par le développement des métiers de la persuasion dans la société de consommation : la publicité commerciale (Martin, 1992), mais aussi les « relations publiques » dans les entreprises (Walter, 1995) et dans quelques institutions gouvernementales (Ollivier-Yaniv, 2000).
Le détour synthétique sur les origines de la communication publique à la française permet de souligner le caractère multifactoriel de son institutionnalisation, sous des désignations changeantes au fil du temps et consolidant l’interdit de la « propagande » d’État (Georgakakis, 1998, Ollivier-Yaniv, 2000) : à « l’information de service » et à « l’information publique » ont succédé la « communication sociale », la « communication territoriale » puis la « communication publique » (Ollivier-Yaniv, 2000). Ces noms de domaines, à défaut d’être de véritables « noms de métiers » au sens de la sociologie interactionniste des professions, sont significatifs de la spécialisation de la fonction communication dans les institutions françaises et européennes. L’expression « communication publique » désigne aujourd’hui un groupe professionnel à la composition hétérogène ou hybride (Bessières, 2018), en termes de statuts, mais encore d’institutions d’appartenance, et aux contours flous et poreux (Blanchard, Roginsky, 2020), en position de forte dépendance par rapport aux acteurs politiques.
Sa naturalisation n’en est pas moins significative d’entreprises d’autonomisation et de revendication d’une licence. Celles-ci sont le fait d’associations professionnelles (Cap Com, Communication publique) productrices de savoirs pratiques et de normes déontologiques constitutives de phénomènes de clôture à l’égard d’autres groupes (les publicitaires, les journalistes mais aussi les acteurs politiques). Ces associations sont également fortement investies dans la formation professionnelle et initiale, comme socialisation par anticipation à un monde professionnel, ainsi que dans la production d’une littérature semi-savante. En témoigne par exemple l’ouvrage éponyme du fondateur de l’association Communication publique, Pierre Zémor (La Communication publique, paru dans la collection « Que sais-je ? » des Presses universitaires de France en 1995 et réédité à plusieurs reprises). Ayant constitué pendant plusieurs années la seule publication portant explicitement sur ce sujet, ce texte, à mi-chemin entre le manuel et l’ouvrage théorique, est une pièce importante du corpus significatif de la rhétorique professionnelle de la « communication publique ».
L’émergence de la communication publique comme objet académique, intervenue un peu plus tard que celle de la communication politique (et dont témoigne la présente notice), invite donc les chercheurs et les étudiants à la plus grande réflexivité lorsqu’ils font usage de ce « folk concept ». En prenant au sérieux les discours des organisations et des acteurs professionnels, en tant que corpus à analyser (par exemple, pour montrer ce que la réification de la frontière entre « communication politique » et « communication publique » doit à la construction d’un groupe professionnel, alors même qu’elles relèvent toutes deux de finalités politiques), mais aussi en objectivant ce que la naturalisation de la « communication publique » doit aux interactions avec les professionnels de l’enseignement supérieur et de la recherche (Ollivier-Yaniv, 2014).
Discipline de parole institutionnelle et gouvernementalité
Problématisée en termes d’arènes publiques, la communication publique recouvre des pratiques et des procédés opérant le contrôle et le « lissage » (Oger, Ollivier-Yaniv, 2006) des multiples voix émanant d’une institution, mais encore la construction d’une « discipline de parole » (Kaciaf, 2016). Quelles que soient les notions proposées pour appréhender les procédés et les pratiques visant à limiter le désordre discursif (pour ne pas dire à construire « l’ordre du discours »), à anticiper et à optimiser la circulation des énoncés, à repérer les discours adverses ainsi qu’à peser sur les discours médiatiques, se trouve ainsi désigné un processus visant à compter dans les débats portant sur des questions d’intérêt collectif, mais aussi sur les mécanismes de construction des problèmes publics. À la fin des années 2010, lorsqu’émergent des critiques puis des controverses relatives aux obligations vaccinales, d’abord dans des arènes discrètes (réunions publiques locales, réseaux sociaux), puis nettement plus publiques (avec l’accès des entrepreneurs de la cause anti-vaccinale aux médias d’information générale structurellement plus accessibles aux définisseurs primaires que sont les acteurs institutionnels), les procédés communicationnels mobilisés par la ministre et le ministère de la Santé et l’agence Santé publique France (pour faire simple) sont significatifs de l’importance de la communication dans un contexte de remise en cause d’une politique de santé publique. Les prises de parole volontaristes de la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzin (2017-2020) – cette dernière est alors forte de sa récente nomination et de son expertise médicale – et les communiqués de presse préparés par le cabinet s’adressent aux journalistes et aux parlementaires, tandis que la présentation « simplifiée » des informations plus opérationnelles et techniques (calendrier vaccinal, rapport coûts-bénéfices des vaccins, correction des fausses informations sur les risques liés à certains vaccins) et la commande d’un spot télévisé à une agence de conseil en communication (avec le slogan « La meilleure protection, c’est la vaccination ») sont supervisés par Santé publique France et par la Dicom (Délégation à la communication des ministères sociaux). La « communication politique » et la « communication publique » constituent bien un continuum articulant des dispositifs et des formats diversifiés, dont l’enjeu est la raréfaction des discours publics en vue de la légitimation de la politique de vaccination en contexte de controverse durable et dans des arènes diversifiées. Sur ce sujet comme sur d’autres, « la raréfaction n’est pas la profération de l’interdit, mais la saturation de l’interdiscours » (Hubé, Utard, 2014 : 99).
La matérialité propre aux procédés et aux dispositifs communicationnels, manifestée par leurs propriétés et leur plasticité formelles et mise en œuvre par des spécialistes, permet également de donner une centralité à la communication dans l’analyse de l’action de l’État et des institutions lorsqu’on la conçoit en termes de gouvernementalité, au sens de l’orientation des conduites individuelles et de sa légitimation (Foucault, 1975). Cette position consiste à penser ensemble ce que l’action publique fait à la communication et ce que la communication fait à l’action publique. Elle présente un caractère interdisciplinaire, en intégrant l’approche de l’action publique en termes d’instruments et de technologies de gouvernement (Lascoumes, Simard, 2011) relevant de la sociologie politique et l’approche de la communication en termes de matérialité des discours et des signes relevant de l’analyse du discours (Charaudeau, Maingueneau, 2002 ; Ollivier-Yaniv, Rinn, 2009), de la sémiotique et des dispositifs socio-techniques en sciences de l’information et de la communication (Bottini, Julliard, 2017). Cette approche communicationnelle de l’action publique n’élude pas l’existence d’autres instruments (juridiques, financiers et à caractère coercitif ou incitatif) : elle montre pourquoi et comment l’instrument communicationnel s’articule avec d’autres. Dans les politiques publiques de sécurité routière, la communication verbalise en mettant en scène les risques induits par certains comportements individuels (rouler au-delà des limitations de vitesse, prendre le volant en état d’ivresse), tandis que les forces de l’ordre verbalisent en sanctionnant les comportements. Dans les politiques publiques relevant de l’espace privé et des comportements privés et intimes (en santé publique [Berlivet, 1997] et plus généralement en prévention), elle met en évidence que l’instrument communicationnel se déploie là où les instruments coercitifs sont proscrits par l’État de droit : s’il est désormais possible de sanctionner un individu fumant dans un lieu public, c’est en scénarisant les risques qu’il fait courir à ses proches que l’on fait en sorte de limiter sa consommation de cigarette à son domicile. Tout en s’adressant à tous, la communication publique constitue ainsi le lieu d’inscription et de construction de l’auto-contrôle des comportements et d’une individualisation des responsabilités (Comby, Grossetête, 2012). De manière plus générale, les procédés communicationnels indexés sur l’inventivité lexicale et iconographique – le slogan, le logo, la marque, le branding, la stéréotypie publicitaire – permettent aux institutions de fabriquer et de diffuser des énoncés et des signes visant à attirer l’attention, à susciter des émotions (Hernandez, Kunert, 2013), à favoriser la circulation ainsi qu’à faciliter la mémorisation d’une consigne ou d’un mot d’ordre, mais encore à répondre à une exigence de singularité constitutive des politiques territoriales.
Cet ensemble de travaux a conduit à proposer un « modèle intégratif » de la communication dans l’action publique (Ollivier-Yaniv, 2013), « distinct des conceptions […] à caractère diffusionniste ou spéculaire » (Ollivier-Yaniv, Utard, 2014 : 12) : il rend compte des transformations communicationnelles du travail politique et institutionnel et de la gouvernabilité des sociétés libérales démocratiques.
Quels publics pour la communication des institutions ?
La question des publics de la communication des institutions peut être envisagée selon trois perspectives au regard des recherches existantes : celles-ci prennent en considération les « partenaires », les « cibles » ou les « publics institutionnels ».
La première perspective est liée à l’importance prise par le paradigme de la gouvernance dans l’action publique, pour des raisons qui diffèrent selon les contextes institutionnels, politiques et économiques mais qui font de la communication publique le lieu et l’instrument de politiques partenariales reposant sur l’enrôlement de groupes d’acteurs de la société civile et aux intérêts diversifiés. À l’échelle locale, la valorisation des territoires est largement liée à des objectifs de développement économique : l’image et l’attractivité d’un territoire, qui sont au cœur de la gouvernance territoriale, reposent ainsi sur la recherche de « partenaires » pour coproduire l’action publique (Le Galès, 2006). La communication publique permet l’affichage de la conversion des collectivités aux exigences de la compétitivité économique en vue d’attirer des entreprises ou dans le but d’impliquer les habitants dans la promotion du territoire en leur proposant un « kit d’ambassadeur ».
À l’échelle européenne, la communication, alors souvent associée à la participation, constitue l’un des principaux instruments de la « gouvernance », définie au début des années 2000 comme paradigme nécessaire pour un ensemble institutionnel en quête de légitimité démocratique (Georgakakis, de Lassalle, 2007). Enfin, lorsqu’une cause devenue un « problème public » fait l’objet d’une politique publique, l’implication des entrepreneurs de cause ou d’acteurs associatifs dans l’action publique constitue un classique procédé d’enrôlement – même si cette tentative de transformation des « lanceurs d’alerte » en « partenaires » peut aussi être lue comme une tactique significative de l’entrisme politique. La fabrique de la communication publique constitue une occasion d’interactions entre acteurs administratifs et politiques et acteurs de la société civile, même si sa coproduction est rarement exempte de tensions comme cela a été bien montré à propos des campagnes de prévention du sida (de Olivera, 2014).
Mais les « publics » sont aussi des constructions des professionnels de la communication et plus généralement de l’action publique (Gourgues, Mazeaud, 2018). Dans une acception instrumentale et fonctionnaliste de la communication, ils sont communément désignés comme les « cibles » ou « groupes cibles » et leur détermination fait l’objet de savoir-faire professionnels tels que la segmentation, les sondages et la veille numérique mais encore la quantification de la fréquentation des dispositifs numériques de communication (Roginsky, 2020). Cette acception balistique de la communication, dans laquelle le chiffrage sert à produire des « indicateurs », est cohérente avec les méthodologies d’évaluation des politiques publiques et avec la justification des stratégies de communication et de leurs professionnels. Toutefois, on doit se garder de surestimer la rigueur de ces outils et de l’utilisation de leurs résultats, tant les recherches sur les représentations des « publics » ou du « grand public » par les décideurs politiques et administratifs continuent de mettre en évidence un présupposé d’irrationalité et de primat de l’émotion sur le raisonnement (Ward, 2018). La trivialité sociologique des élites politiques et des communicants, conjuguée à la nécessité de s’adresser au plus grand nombre sans distinction ni risque de stigmatisation, conduit souvent à construire le « public » des campagnes de communication à l’image des émetteurs et à invisibiliser les caractéristiques sociales des groupes qui sont pourtant les principales victimes du problème que l’on entend éradiquer – par exemple les accidents de la route (Grossetête, 2011). La prégnance de cette acception comportementale des effets des campagnes de communication relève des effets de réalité d’un paradigme instrumental : présupposant l’influence des dispositifs médiatiques sur les comportements d’individus désocialisés et produisant des résultats chiffrés au moyen de méthodes hypothético-déductives, ce modèle est caractérisé par sa circulation depuis le monde académique (marketing social, psychologie cognitive) jusqu’au monde social de la communication et des politiques publiques (Ollivier-Yaniv, 2013). On peut d’ailleurs déceler des traces des limites constitutives de ce paradigme comportemental jusque dans les discours des responsables des politiques et de la communication publique. Les usages des catégories de « non-publics » ou de « publics non participants », par exemple au dépistage du cancer, sont significatifs de l’impuissance des communicants face à des « cibles » qui apparaissent irrémédiablement hors d’atteinte et dont « l’acceptabilité sociale » demeure une préoccupation et un objectif (Chaskiel, 2018).
La troisième perspective de recherche repose sur le paradigme compréhensif et constructiviste des publics, lesquels se constituent au travers de l’expérience des consignes et des recommandations dont la communication publique est le lieu d’inscription et l’instrument de circulation. À partir d’une interrogation inversée – il ne s’agit plus de démontrer ce que les messages font aux gens, mais bien ce que font les individus de ces informations et recommandations émanant et circulant depuis des organisations censées faire autorité –, on interroge « l’appropriation traduite par l’utilisation que fait l’individu d’un texte, d’un message, pour éclairer sa propre situation, évaluer son rapport à la réalité, réorienter (ou non) sa pratique » (Kivits et al., 2014), en prenant en compte les interactions, les propriétés sociales mais aussi les expériences personnelles et les « carrières » des individus exposés à la communication publique. Cette démarche emprunte aux paradigmes de la sociologie de la réception médiatique, tout en étant moins proche des Cultural studies que du courant pragmatique de la réception et des publics médiatiques (Quéré, 1996 ; Céfaï, Pasquier, 2003). Elle repose sur la conception symbolique de l’action publique (Gusfield, 1981) comme mode opératoire de description, de qualification et de normativité, sans négliger ni surdéterminer l’autorité ou la légitimité dont s’autorisent les experts tels que les juristes ou les scientifiques mais aussi les professionnels de la politique. Et parce qu’elle se situe également dans la continuité du programme de « l’ethnographie institutionnelle » (Smith, 2005), la notion de « publics institutionnels » (Ollivier-Yaniv, 2018) invite à saisir le régime institutionnel à partir du régime expérientiel des pratiques discursives. L’analyse des expériences de réception, de discussion et d’appropriation des recommandations institutionnelles permet ainsi de mettre au jour et d’expliquer les formes de négociation du sens, les détournements, les résistances de type « infrapolitique » (Scott, 2008), mais encore les tactiques garantissant une distance socialement acceptable avec les informations délivrées par la communication publique au nom de l’intérêt général (Pereira da Silva, 2018 ; Loriato, 2020).
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