Course sur route


 

Jusqu’aux années 1970, la pratique de la course à pied reste intimement liée à l’athlétisme, dont l’essence compétitive, codifiée et institutionnalisée se construit en rupture avec les courses populaires (Segalen, 2017 : 104-106). Si de rares épreuves, à l’instar de quelques courses sur route ou du prestigieux cross du Figaro, laissent une place aux coureurs non licenciés dans les années 1960, c’est au cours des années 1970 que la course à pied connaît une véritable démocratisation à travers l’essor de manifestations de masse s’inscrivant en phase avec une société post-moderne (Bessy, 2022), bouleversant les codes de l’athlétisme traditionnel. Jusqu’alors rigoureusement encadrées par la Fédération française d’athlétisme (FFA), les épreuves de course à pied sur piste ou en cross-country, le plus souvent réservées aux athlètes licenciés, se caractérisent par une logique masculine, élitiste et amatrice. Avec une approche socio-historique, on analyse ici une « contre-culture sportive » (Lemaître, 2006) incarnée par le développement des courses sur route remettant en cause ce modèle et s’inscrivant dans un processus de construction d’un marché spécifique attirant de nouveaux publics.

 

Un marché athlétique à contre-courant de l’athlétisme traditionnel

Le nombre de courses hors stade (rassemblant les courses sur route et les courses nature sur chemin), parmi lesquelles les courses sur route, augmente rapidement sur le territoire français dans le dernier quart du XXe siècle. D’une poignée d’épreuves au début des années 1970, on est passé à trois mille dans les années 1980 jusqu’à atteindre cinq mille courses au début des années 2000 (Lemaître, 2006). Ce phénomène puise son origine dans l’essor du jogging au début des années 1960 aux États-Unis (Yonnet, 1982 : 1-2). Associant la course à pied à des valeurs de santé, de liberté et de bien-être, des milliers de citadins délaissent alors les stades pour arpenter les rues et les parcs en courant. Cette forme de pratique a d’autant plus de succès qu’elle bénéficie du soutien des autorités médicales et est accompagnée d’une presse spécialisée émergente, notamment la revue Runner’s World outre-Atlantique (Krieger, Henning, 2020 : 62). Créée par le Suisse Noël Tamini en 1972, la revue Spiridon, associant à la course à pied des valeurs de plaisir, de fête et encourageant la pratique féminine, fait la promotion de la course sur route en Europe et en France dans les années 1970-1980. La revue francophone s’oppose à certains dirigeants de la FFA hostiles au développement de la course hors stade et à leurs relais médiatiques, notamment le journal L’Équipe, défendant une vision élitiste du sport (Lacroix, 2007 : 415-417). La philosophie hédoniste qui parcourt ses colonnes contribue à attirer sur les routes des milliers d’adeptes non licenciés dans les clubs d’athlétisme et donne ensuite naissance à un véritable mouvement rassemblant des coureur·euses se sentant laissé·es pour compte par la FFA (Segalen, 2017 : 238-245). Souvent organisées par des promoteurs privés extérieurs au giron fédéral, qu’il s’agisse d’associations dédiées à l’organisation d’événements sportifs, d’associations caritatives ou d’entreprises, les courses sur route qui voient le jour en France dans les années 1970 sont le fruit de démarches individuelles de passionnés de course à pied (Blin, 2012). La classique Marvejols-Mende apparaît ainsi en 1973 à l’initiative de quatre coureurs, parmi lesquels l’organisateur actuel, Jean-Claude Moulin, qui imaginent une course reliant les deux communes de Lozère. L’originalité du format, s’appuyant sur un parcours d’une vingtaine de kilomètres, vallonné, sur route, reliant deux communes distinctes, s’inspire de celui de la classique Sedan-Charleville créée en 1906, se revendiquant la plus ancienne course de ville à ville de France. Dans les années 1970, ce modèle séduit rapidement le public et il est adopté par d’autres courses qui fleurissent dans la même décennie. Les épreuves Saint Pol-Morlaix, Auray-Vannes, Marseille-Cassis, Alençon-Médavy, Paris-Versailles, ou Belfort-Montbéliard, toutes créées entre 1973 et 1984, s’établissent sur le même format et connaissent toutes une évolution similaire. Ouvertes aux coureur·euses non licencié·es, ces classiques, dont la liste n’est pas exhaustive, rassemblent d’abord quelques dizaines, voire centaines de participant·es locaux·ales avant de connaître un succès progressif, allant jusqu’à attirer des milliers de coureur·euses venu·es de toute la France, puis au-delà.

 

La position des fédérations sportives : entre rejet et velléité de contrôle

Cet engouement pour la course sur route, essentiellement en Europe et aux États-Unis, éveille l’intérêt d’une fédération internationale d’athlétisme (IAAF) jusqu’alors focalisée sur l’athlétisme sur piste, et dans une moindre mesure le cross-country. Le représentant de la Fédération d’athlétisme des États-Unis, Larry Houston (1906-1997), pointe dès le congrès de l’IAAF de 1976 l’intérêt croissant des pratiquant·es pour les courses sur route à travers le monde et souligne la nécessité pour l’IAAF d’encadrer cette pratique avant que ne se créent des associations dissidentes se spécialisant dans ce type d’événements. Président de l’IAAF, Adriaan Paulen, informe le congrès deux ans plus tard de la vigilance à avoir quant à la croissance de cette forme de pratique qui fait l’objet d’un début d’institutionnalisation par une association dissidente : l’Union internationale des courses sur route. Poussé par la concurrence, le congrès vote finalement en 1980 un élargissement des responsabilités de la commission cross-country, qui se voit attribuer la charge de la réglementation et de l’organisation des courses sur route dont elle observe qu’elles « se développent à un rythme phénoménal » à travers le monde. L’enjeu est d’autant plus important dans les années 1980, période de forte tension au sein de l’IAAF, entre volonté de préserver son idéal amateur originel et nécessité de tendre vers les prémices d’une professionnalisation amorcée par certaines épreuves sur route.

La FFA emboîte le pas à la fédération internationale concernant l’encadrement des courses sur route, non sans heurts. Autant par manque de moyens que par opposition idéologique à ce loisir de masse éloigné des finalités purement compétitives de l’athlétisme traditionnel, la FFA refuse d’abord la prise en charge des courses sur route dans les années 1970, laissant leur organisation aux mains de promoteurs indépendants (Defrance, 1989). L’ancien directeur technique national, Roger Debaye, soulève en mai 1981 dans la revue Athlétisme – organe de presse officiel de la FFA – la question du professionnalisme induit par les primes couramment versées dans le cadre des courses sur route, amenant certains coureurs à potentiel du demi-fond à se détourner de l’athlétisme sur piste, jugé plus noble. Au sein de cette configuration qui oppose les pratiquants et organisateurs de courses sur route à la FFA, que Jacques Defrance qualifie de « schisme » (Defrance, 1989), le ministère de la Jeunesse et des Sports enjoint la FFA à encadrer cette forme de pratique dès 1982. Après avoir engagé des discussions jugées positives avec certains organisateurs, la FFA instaure donc cette année-là une commission des courses sur route. Son premier objectif est révélateur de la défiance de la FFA à l’égard de ces épreuves : elle est chargée d’« examiner les problèmes posés par les épreuves pédestres sur route, ouvertes aux licenciés et aux non licenciés », et de « proposer des solutions nécessaires ». La commission est aussi en charge de l’élaboration d’un calendrier, de textes réglementaires et d’une mission de conseil et d’information auprès des organisateurs et des pratiquant·es. C’est finalement en 1989 que la FFA reçoit du ministère de la Jeunesse et des Sports la responsabilité de donner son aval à l’organisation des courses sur route nécessaire à l’obtention de l’autorisation préfectorale, dans une atmosphère encore tendue. En effet, les organisateurs de course s’insurgent de ce qu’ils perçoivent comme une crise d’autoritarisme de la FFA, après des années d’indifférence, obligeant Guy Godbillon, vice-président de la Commission nationale des courses sur route (CNCR), à communiquer avec eux à travers la revue fédérale de février 1990 à des fins pédagogiques. Une première coopération entre la CNCR et des associations d’organisateurs (Association nationale des courses pédestre hors stade, Mouvement Spiridon, Association française des coureurs de fond) a finalement lieu quelques mois plus tard, aboutissant à la mise en place d’un compromis tournant autour de deux catégories de courses. La première pour les épreuves souhaitant s’affilier à la FFA, faisant l’objet d’un label national soumis à un droit d’inscription forfaitaire. Matérialisant une reconnaissance institutionnelle, ce label permet à la course en question d’être support d’un championnat de France ou d’être qualificative pour celui-ci. La seconde catégorie de course permet aux organisateurs de fonctionner avec une relative autonomie, sous le contrôle des commissions départementales des courses sur route, donnant lieu à des droits d’un franc par coureur à la FFA. Le nombre de courses sur route titulaires du label augmente progressivement, passant de 110 en 1991 à 300 en 1994. Malgré des progrès dans les années 1990, la rupture entre les organisateurs de courses sur route et la fédération demeure lorsque Bernard Amsalem prend la présidence de la FFA en 2001. Rencontrant régulièrement les organisateurs, ce dernier me confie en 2019, lors d’un entretien, rechercher l’adhésion des organisateurs à la politique de la FFA, les encourageant à se rapprocher des clubs pour organiser leurs événements ou à s’insérer au niveau local dans le giron fédéral. Cette politique de rapprochement entre la fédération nationale et les acteurs indépendants de la course sur route n’est pas une exception française, l’IAAF ne cessant de rappeler cette prérogative à l’ensemble des fédérations membres depuis le milieu des années 2000. C’est ainsi que de nombreux organisateurs français indépendants et initialement méfiants envers le contrôle fédéral rejoignent progressivement des structures rattachées à la fédération, à l’image de Jean-Claude Moulins, organisateur de Mavejols-Mende, devenu président du comité de Lozère d’athlétisme, François le Disses qui dirige l’organisation de Saint-Pol-Morlaix et le comité des courses hors stade de la ligue de Bretagne d’athlétisme ou André Giraud, créateur de Marseille-Cassis et président de la FFA. Si le secteur des courses hors stade ne dépend pas encore totalement de la FFA, B. Amsalem se réjouit de l’affiliation d’un nombre croissant d’épreuves à la fédération pendant sa présidence achevée en 2016, sans qu’elles ne souscrivent systématiquement à un label. Une publication du ministère des Sports de mai 2019 fait état de 6748 courses hors stade affiliées à la FFA en 2018 dont 680 possèdent un label. Parmi ces courses hors stade, la FFA recense 1092 courses sur route.

 

Vers une féminisation de la course de fond

La plupart de ces courses, qui ne suivent pas les codes de l’athlétisme traditionnel, notamment en s’adressant à la masse des participants et non seulement à l’élite, ouvrent également immédiatement leurs portes aux concurrentes féminines, alors exclues des courses de demi-fond et de fond dans les compétitions codifiées par l’IAAF, comme en témoigne l’illustre engagement de Kathrine Switzer lors du marathon de Boston en 1967 (Schultz, 2014). Bien que, suivant les directives internationales, le règlement de la FFA interdise la pratique des courses sur route aux femmes dans les années 1960-1970, de nombreuses épreuves, à l’image de Marvejols-Mende et de Saint Pol-Morlaix dès 1973, s’ouvrent aux femmes sur des distances allant jusqu’au marathon. Parmi les créateurs de Marvejols-Mende, J.-Cl. Moulins, président du comité d’organisation (2023), explique lors d’un entretien en 2018 :

« En 1973 on a voulu créer une course plus importante et un kilométrage plus important, les autres c’étaient des courses avec kilométrage réduit. On a voulu créer celle-là entre Mende et Marvejols et… On était quatre à reconnaître le parcours. A le faire le jour de Noël. Et c’est à partir de là qu’on a créé le premier Marvejols-Mende l’été donc au mois de juillet. Il y a eu 180 coureurs et il y avait déjà une quinzaine de femmes, de féminines. C’était le seul endroit en France où les féminines pouvaient courir avec les hommes. Ça a été comme ça pendant presque 10 ans. Et donc après ça l’année d’après il y en avait 400, l’année d’après 800, etc… Ça s’est développé normalement. »

Observé dans plusieurs pays, ce phénomène discuté par différents acteurs (médecins, responsables fédéraux, journalistes) contribue à faire progresser la pratique des courses de fond alors que les compétitions féminines sur piste placées sous l’égide de l’IAAF ne dépassent pas le 1 500 m jusqu’en 1983 (Jutel, 2003). S’appuyant sur le développement de la pratique féminine des courses sur route à travers le monde, la commission féminine de l’IAAF œuvre pour la reconnaissance des longues distances féminines par l’IAAF et le CIO, du 3000 m au marathon, afin qu’elles intègrent le programme des championnats du monde et des Jeux olympiques. Constatant que « de nombreuses courses de marathon pour les femmes ont été organisées dans le monde entier », la commission féminine de l’IAAF plébiscite dès le congrès de 1976 la tenue d’un championnat du monde de marathon féminin. D’abord réticent, prétextant une pratique peu universalisée du marathon féminin, le conseil de l’IAAF soumet finalement la tenue de cette épreuve au vote du congrès, qui l’entérine en 1980. Les athlètes féminines sont ainsi autorisées à courir le marathon aux premiers championnats du monde de l’IAAF en 1983 puis aux Jeux olympiques l’année suivante, en même temps que le 3 000 m sur piste, dont le succès dans les meetings à travers le monde est reconnu par les membres du conseil de l’IAAF. Bien que le congrès décide de valider les records féminins sur 5 000 m et 10 000 m sur piste, ces distances ne sont en revanche pas intégrées aux championnats du monde. Jugeant le 10 000 m et le 5 000 m féminin insuffisamment pratiquées au sein des fédérations membres et ne désirant pas substituer trop rapidement le 5 000 m au 3 000 m admis aux Jeux en 1984, le conseil de l’IAAF refuse de défendre l’intégration de ces épreuves au programme olympique devant le CIO. Témoignant de l’engouement pour la course sur route féminine dans le monde, ce sont en revanche des championnats du monde de 10 km sur route uniquement féminins qui ont lieu en 1983 et 1984, avant qu’ils ne passent sur 15 km en 1985 lorsque la commission féminine souhaitant privilégier le développement de la distance du 10 000 m sur piste. Ces mondiaux sur route ne s’ouvrent aux hommes qu’en 1992 avec la création des championnats du monde de semi-marathon.

 

Amateur·rices et professionnel·les

Fortes de leur popularité croissante favorisée par la presse locale et spécialisée, mais aussi par l’ampleur du « phénomène jogging » en France dans les années 1980, les courses sur route ont un succès retentissant (Yonnet, 1987 : 77) qui s’amplifie dans toute l’Europe à partir de la fin des années 1990 (Scheerder, Breedveld, Borgers, 2015 : 8). Deux logiques se confrontent au sein de ces événements, avec d’une part l’aspect compétitif, élitiste, inhérent à l’athlétisme fédéral, et d’autre part la nouvelle tendance ouvrant la course à pied à une masse d’adeptes en quête d’hédonisme (Lemaitre, 2006). La communication autour des courses sur route insiste souvent sur leur dimension festive, plébiscitée par les municipalités qui soutiennent financièrement et logistiquement ce type d’événements dynamisant les villes (Blin, 2012 : 281). À l’image de l’implication des collectivités locales dans l’organisation des étapes du tour de France dans une dynamique de sport spectacle (Boury, 2003), les courses sur route françaises s’inscrivent dans une stratégie de marketing territorial ciblant le sport de masse (Lapeyronie, 2009). Outre les pratiquant·es inscrit·es dans une modalité de loisir, qui sont majoritaires, l’introduction de primes dans les années 1980, bien que contraire aux valeurs de l’IAAF encore tournées vers l’amateurisme, incite des athlètes de haut niveau, parmi lesquels de nombreux·euses athlètes africain·es, à investir ce secteur (Krieger, Henning, 2020 : 63). Il est essentiel d’insister sur une spécificité des courses sur route, parmi les multiples épreuves que compte l’athlétisme : sont regroupées sur la même ligne de départ deux « populations » distinctes, des coureur·euses amateur·rices venu·es dans une logique de loisir, d’une part, et des coureur·euses professionnel·les recherchant les moyens financiers nécessaires à leur subsistance, d’autre part (Schotté, 2011 : 19). La recherche de performance concerne également certain·es coureur·ses amateur·rices en quête de progression (Faure, 1987), mais ces derniers se distinguent des professionnel·les dans la mesure où elles/ils ne figurent pas dans les premières places du classement et ne peuvent ainsi prétendre aux primes distribuées pour les meilleur·es coureur·euses. Au-delà de la dimension sportive, cette distinction entre « coureurs » et « athlètes » tournés vers la performance, selon la terminologie de Martine Segalen (2017 : 38), est également marquée socio-économiquement. L’hétérogénéité sportive et sociale des différents publics évoluant dans le marché des courses sur route françaises est en effet à la base de la dialectique qui anime les organisateurs de courses, consistant à trouver un équilibre entre la réalisation d’un certain niveau de performance par l’élite et une adhésion quantitative et qualitative de la masse des participant·es à leur épreuve tout en s’appuyant sur le retentissement apporté par les premiers pour attirer les seconds (Thomas, Charroin, Soulé, 2020). Alors que les coureur·euses loisirs appartiennent davantage à des catégories sociales favorisées (Faure, 1987 ; Bessy, Lapeyronie, 2009 : 89), la plupart des athlètes professionnel·lles participant aux courses sur route européennes à partir des années 1980, pour la plupart des athlètes africain·es, composent avec une forme permanente d’incertitude, leur statut de caractérisant par l’assujettissement des gains financiers à la performance réalisée (Fleuriel, Schotté, 2008). Bien que la recherche de performance puisse animer ces deux populations, elles ont aussi des motivations pouvant apparaître contradictoires, les coureur·euses amateur·rices se caractérisant par un rapport au corps conscient, s’appuyant sur des finalités sanitaires, esthétiques, plus ou moins hédonistes, tandis que les professionnel·les recherchent l’utilité à travers un rapport au corps mécaniste (Boltanski, 1971), lui infligeant parfois une charge de travail déraisonnable pour atteindre leurs objectifs. Au sein de cette hétérogénéité, le marché des courses sur route ouvre l’opportunité de mener une carrière professionnelle à davantage d’athlètes de moindre niveau, car le nombre de places dans les meetings internationaux ou nationaux sur piste est très restreint comparativement aux courses sur route.

 

Une libéralisation engendrant de nouveaux enjeux       

Constituant un marché spécifique se démarquant de l’athlétisme traditionnel incarné par le cross-country et l’athlétisme sur piste, les courses sur route contribuent largement à la libéralisation de l’athlétisme, à la fois dans sa dimension économique, favorisant les flux financiers et humains, et dans sa dimension socio-sportive en réunissant dans les villes des pratiquant·es autour d’idéaux sociaux et notamment d’une liberté d’entreprendre (François, Robène, 2020 : 16). Qu’il s’agisse de l’ouverture précoce à la professionnalisation, de la pratique des longues distances féminines, ou de la massification des événements, ce marché bouleverse les codes de l’athlétisme traditionnel. Cette libéralisation, favorisée par une période de latence dans les années 1970 pour l’encadrement des courses sur route, d’abord rejetée par la FFA (Defrance, 1989), ouvre une porte aux organisateurs de course, mais aussi aux agents sportifs qui favorisent la professionnalisation des épreuves sur route en accroissant les flux d’athlètes d’élite étranger·ères, notamment africain·es vers la France. Cette professionnalisation croissante d’un marché piloté par des organisations fonctionnant sur le mode du bénévolat, associées à une implication limitée des fédérations sportives, ne permet pas toujours de lutter efficacement contre certaines dérives. Des cas pointés par les rapports fédéraux ou la presse concernant des traitements indignes d’athlètes africains par des agents sportifs ou des difficultés de gestion de conduites dopantes révèlent les limites d’un système ne pouvant s’affranchir d’un degré supplémentaire de bureaucratisation (Moreau, 2004 : 264-266).


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Auteur·e·s

Thomas Cyril

Laboratoire sur les vulnérabilités et l'innovation dans le sport Université Claude Bernard Lyon 1

Citer la notice

Thomas Cyril, « Course sur route » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 04 octobre 2023. Dernière modification le 04 octobre 2023. Accès : https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/course-sur-route.

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