Un personnage clé de l’entrée des sourds dans l’espace public
Charles-Michel de L’Épée est né à Versailles le 24 novembre 1712 au sein d’une famille aisée. Étant destiné à une carrière de juriste, il étudie le droit et devient avocat au parlement de Paris en 1733 puis il abandonne cette voie pour devenir prêtre en 1736. C’est par hasard qu’il rencontre, dans une maison de la rue des Fossés Saint-Victor à Paris, deux sœurs jumelles sourdes. Il étudie les signes qu’emploient, pour communiquer entre elles, ces deux sœurs devenues ses élèves, et y ajoute des signes, dits méthodiques, pour structurer les différentes parties du discours en français. Il fonde en 1760 une école dans sa maison de la rue des Moulins à Paris accueillant une douzaine d’élèves. Il organise des leçons publiques pour diffuser et faire connaître sa méthode gestuelle. Il publie deux ouvrages pour présenter sa pédagogie, l’un intitulé L’instruction des sourds-muets par la voie des signes méthodiques en 1776, l’autre intitulé La véritable manière d’instruire les sourds et muets, confirmée par une longue expérience en 1784. C.-M. de L’Épée meurt le 23 décembre 1789 et est inhumé dans un caveau de l’église Saint-Roch à Paris. Sur son lit de mort, il aurait reçu de l’Assemblée constituante l’assurance que l’État français reprendrait à son compte son œuvre, l’éducation des enfants sourds, et prendrait en charge son établissement. L’Institution nationale des sourds-muets (INS-M) de Paris naît en 1791, deux ans après sa disparition, au milieu des tumultes de la Révolution française (Karacostas, 1989), dirigée par l’un de ses successeurs, l’abbé Sicard (1742-1822).
Portrait de Charles-Michel de L’Épée. Source : wikimedia (domaine public).
Il a suffi de cet homme d’église janséniste pour bouleverser la vie des sourds, dont on ne se préoccupait pas jusqu’au milieu de XVIIIe siècle. Il les a fait exister et entrer dans l’espace public en général et trouver leur place à l’école en particulier. L’éducation des écoliers sourds devient alors une affaire d’État (Karacostas, 1981 ; Buton, 2009). C.-M. de L’Épée a contribué à la prise de conscience de l’existence d’un phénomène ignoré jusqu’alors bien que déjà observé depuis l’Antiquité : les sourds communiquent naturellement entre eux avec des gestes. Il a été l’un des premiers à prendre appui sur la langue des sourds, i.e. la langue des signes, pour leur éducation, et à valoriser l’expressivité du corps des écoliers sourds et plus généralement des sourds dans la société (Cuxac, 1980, 1983 ; Séguillon, 2017). Pour autant, l’histoire de l’éducation des sourds montre que les tentatives dans les grands établissements scolaires pour effacer et oublier la méthode gestuelle de l’abbé de L’Épée furent nombreuses dès le début du XIXe siècle au profit de la méthode oraliste (Bernard, 1999, 2015 ; Séguillon, 1994, 1998).
Aussi, on comprend mieux pourquoi les sourds se sont réclamés et se réclament encore aujourd’hui, et ce avec force, de l’œuvre de l’abbé de L’Épée. La rencontre des jumelles sourdes, ainsi que toute l’œuvre de l’abbé de L’Épée qui a suivi, constitue un moment incontournable de l’histoire des sourds qui a été érigé en mythe fondateur (Padden, Humphries, 1988 ; Bézagu-Deluy, 1990 ; Mottez 2006).
De l’Antiquité à aujourd’hui, le jugement porté sur la surdité et les sourds a varié dans l’histoire, mais aussi selon les cultures (Bertin, 2010 ; Mottez, 2006).
Au Moyen Âge, des traces laissent penser qu’une communication gestuelle existait à l’intérieur des familles de sourds, à l’image des signes utilisés au sein des congrégations religieuses (Delaporte, 2002 ; Benvenuto, 2004 ; De Saint-Loup, 1989). Au milieu du XVIe siècle, Michel de Montaigne (1533-1592) confirme l’existence de petites communautés sourdes dans lesquelles, bien avant l’époque de l’abbé de L’Épée, des ecclésiastiques tentent d’éduquer et d’instruire des enfants sourds. Ainsi, les premières expériences d’éducation des sourds prennent la forme de préceptorats religieux.
Cela est d’abord le cas en Espagne avec Pedro Ponce de Léon (1520-1584) dans la première moitié du XVIIe siècle. Puis cette première expérience est poursuivie par Juan de Pablo Bonet (1573-1633). Il enseigne les sons du langage parlé, lettre par lettre, à l’aide d’un alphabet manuel que l’on appellera plus tard la dactylologie. Cet alphabet manuel comporte autant de formes de main que de lettres de l’alphabet écrit et permet d’épeler les noms propres ou certains mots dont on ne connaît pas le signe. En Angleterre, John Wallis (1616-1703) publie en 1653 un premier traité d’instruction des enfants sourds, prônant pour les élèves l’usage de la parole, l’écriture ou les signes en fonction de leurs aptitudes.
En France, Jacob Rodrigue Pereire (1715-1780), vers 1753, introduit l’enseignement de la parole auprès de riches familles bourgeoises. Alors que celui-ci tente de répandre sa méthode oraliste en France, un autre entendant, l’abbé de L’Épée, commence à s’interroger sur l’intérêt de l’usage de la langue première des sourds (LSF) dans l’éducation des enfants sourds. En effet, cette langue pourrait bien, selon lui, exprimer la pensée humaine autant qu’une langue vocale (Bézagu-Deluy, 1990 ; De Saint-Loup, 1989 ; Bernard, 1999). Comme le rappelle Francine Markovits-Pessel (1989 : 34) : « Si la pensée est un verbe intérieur, la voix n’est pas le représentant privilégié du sujet ».
L’éducation des sourds via une nouvelle méthode et pour un nouveau public
L’abbé de L’Épée est l’un des premiers à accorder une place centrale à l’utilisation des signes et à la communication visuelle dans l’éducation des enfants sourds. Il fait reposer son enseignement sur les expériences réellement vécues par les sourds dans leur quotidien, à l’aide de leur langue. Sa pédagogie prend aussi appui sur l’utilisation de l’alphabet manuel qu’il a adapté de J. de Pablo Bonet, dont se servent les sourds pour communiquer entre eux. Il est également l’un des premiers à privilégier la connaissance du français écrit par rapport à l’articulation en recourant, pour ce faire, aux signes méthodiques. Pour lui, il s’agit de fournir aux élèves « un moyen de saisir par leurs yeux ce qu’ils ne peuvent entendre par leurs oreilles » (L’Épée, 1784 : 9).
Au-delà de la méthode gestuelle, l’entreprise de l’abbé de L’Épée est d’autant plus notable pour l’époque qu’il donne accès à l’éducation à un nouveau public d’élèves sourds. En effet, il offre un enseignement collectif et gratuit. À la différence du système de préceptorat avec un enseignement individuel et élitiste destiné uniquement aux élèves sourds issus de familles fortunées, l’enseignement est désormais collectif et gratuit au sein d’une école pour élèves sourds. Il vise l’alphabétisation et l’instruction des sourds (Buton, 2009). Ainsi, deux principes sont au cœur du « projet d’éducation de masses des sourds » conçu par de L’Épée : « Réunir les sourds et recourir à leur langue » (Kerbourc’h, 2006 : 116). L’abbé de L’Épée devient « l’instituteur gratuit des sourds-muets » (Bézagu-Deluy, 1990).
S’il paraît important de souligner que l’œuvre de l’abbé de L’Épée est centrale dans l’histoire des sourds, elle n’est ni première, ni unique. D’une part, il n’a pas « découvert » la LSF. Pierre Desloges (1747-1792), relieur de métier et devenu sourd à l’âge de sept ans, publie avant lui, en 1779, un ouvrage décrivant cette langue, intitulé Observations d’un sourd-muet. D’autre part, il n’a pas non plus fondé la première école pour sourds. Avant lui, Étienne de Fay (1669-1750), sourd d’origine noble, architecte et professeur, éduqué par les moines, a ouvert une classe pour enfants sourds au début du XVIIIe siècle à Amiens. Il y a notamment instruit Azy d’Étavigny, avant qu’il ne rejoigne J. R. Pereire.
Dans ces conditions, comme le propose le sociologue Bernard Mottez (1930-2009), on peut s’interroger sur la raison pour laquelle l’histoire a retenu le nom de l’abbé de L’Épée : « Alors pourquoi ne faire commencer l’histoire des sourds qu’à partir de l’abbé de l’Épée ? Pourquoi pas à partir d’Étienne de Fay ? Je pense que c’est précisément parce que l’abbé de l’Épée était un entendant et non pas un sourd-muet, que son œuvre a valeur fondatrice. Après tout, qu’un Sourd enseigne à des Sourds, quoi de plus naturel ? » (Mottez, 1990 : 346). Bernard Truffaut propose le même raisonnement, regrettant que l’histoire des sourds débute avec des éducateurs entendants : « Quand l’histoire des sourds était celle de leur éducation, le rideau s’ouvrait sur les premiers instituteurs : Pedro Ponce de León en Espagne, l’abbé de l’Épée et Pereire en France. Où donc se trouvaient les sourds à cette aurore de leur émancipation intellectuelle, sinon parmi les figurants ? Il est vrai que leur promotion sociale étant conditionnée par l’instruction et celle-ci ne pouvant être spontanée, ils avaient besoin, au départ, d’éducateurs entendants » (Truffaut, 1993 : 14).
L’héritage de l’abbé de L’Épée remis en cause
Au cours du XIXe siècle, l’œuvre de l’abbé de L’Épée est poursuivie par d’autres mais aussi remise en question, avant d’être réhabilitée à la fin du XXe siècle. L’héritage de l’abbé de L’Épée est ainsi marqué par des éléments de continuité et de rupture dans la place accordée aux sourds et à la langue des signes dans l’espace public. La querelle des méthodes, entre gestualisme et oralisme, se poursuit.
Roch-Ambroise Auguste Bébian (1789-1839) est convaincu des bienfaits de la méthode gestuelle introduite par l’abbé de L’Épée. Filleul de l’abbé Sicard, d’origine guadeloupéenne, il arrive en métropole à l’âge de douze ans et s’installe à l’INS-M de Paris en 1802. Il tisse naturellement des liens avec les pensionnaires sourds de l’Institution et apprend leur langue. Il y est ensuite nommé répétiteur en 1817, puis censeur des études en 1819. R.-A. A. Bébian publie son ouvrage fondateur Essai sur les sourds-muets et sur le langage naturel (1817). Grand admirateur de l’œuvre de l’abbé de L’Épée, il le considère comme un « bienfaiteur de l’humanité » (Bébian, 1820 : 42), non sans analyser et critiquer l’introduction de la méthode des « signes méthodiques ». En effet, selon lui, ces signes, décrits comme artificiels et conventionnels, ne correspondent pas à la langue naturelle et immédiate des sourds. R.-A. A. Bébian propose donc une méthode originale recommandant l’apprentissage de la lecture et de l’écriture au moyen de la « mimique ».
Dans cette lignée, lorsque Ferdinand Berthier (1803-1886), professeur à l’INS-M de Paris et ancien élève de R.-A. A. Bébian, crée le Comité de sourds-muets de Paris en 1834, il organise le premier banquet de sourds-muets à Paris pour fêter l’anniversaire de la naissance de l’abbé de L’Épée (Mottez, 1989 ; Karacostas, 1981 ; Benvenuto, Séguillon, 2013). Cet événement témoigne de l’aura de l’abbé de L’Épée et du fait que son héritage est poursuivi au sein de la communauté sourde, malgré les remises en cause.
En effet, la méthode gestuelle de l’abbé de L’Épée, par opposition à la méthode oraliste, est progressivement déconstruite. Dès l’institutionnalisation de l’enseignement des enfants sourds par l’État en 1791, la question fondamentale qui divise – et qui divise encore aujourd’hui – est celle de son rattachement administratif : soit au ministère de la Santé (ou de son équivalent), soit au ministère de l’Éducation nationale (ou son équivalent ; Karacostas, 1981, Buton, 2009). En d’autres termes, les écoliers sourds doivent-ils être d’abord perçus comme des malades ou des handicapés qu’il est nécessaire de réparer, rééduquer, réadapter avant d’être des élèves ou bien, au contraire, sont-ils considérés en priorité comme des élèves avec des particularités en termes de communication, ce qui nécessite de repenser l’enseignement ? (Séguillon, 2017 ; Bedoin, Séguillon, 2021).
Tout au long du XIXe siècle, les contestations sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus virulentes. Celles-ci visent une remise en cause de l’héritage de l’abbé de L’Épée en faveur d’une éducation des enfants sourds à partir de leur langue naturelle (Bézagu-Deluy, 1990). Elles aboutissent à la tenue d’un congrès international qui n’interdit pas littéralement la langue des signes, mais remet en cause son usage dans les établissements d’enseignement, son utilité sociale et son intérêt linguistique. À cette date, en Italie, a lieu un congrès dans la ville de Milan du 6 au 11 septembre 1880. L’effet visible du congrès de Milan est d’interdire aux sourds la pratique d’un métier intellectuel comme celui d’enseignant par exemple car, comme le souligne Christian Cuxac : « La méthode orale où la parole seule est la base de l’enseignement de la langue et l’instrument par lequel s’opère le développement des facultés intellectuelles de l’enfant sourd, n’est pas à même de rivaliser avec une méthode où ce rôle est dévolu à la langue des signes. Seuls les sourds insérés dans un contexte familial favorable – reprise à la maison, avec l’aide continuelle de l’un des parents ou d’un précepteur, de ce qui a été fait pendant la scolarité – et dont la docilité est à toute épreuve, pourront avoir un accès aux connaissances égal à celui d’un entendant » (Cuxac, 1983 : 140).
Le retour en France de l’oralisme s’est effectué comme, lors de toutes réformes scolaires, progressivement en remontant de classe en classe. Les instructions ministérielles de 1887 stipulent, en effet, qu’il est indispensable que les élèves sourds qui bénéficient de l’éducation orale soient séparés des autres. La langue des signes a été invisibilisée pendant plus d’un siècle, même s’il faut relativiser. En effet, la langue des signes a été totalement, puis partiellement, interdite dans les écoles et les grands établissements de jeunes sourds en Europe en général et en France en particulier. Par exemple, à l’INS-M de Paris, pourtant héritière de l’école de l’abbé de L’Épée, la LSF est pratiquée en cachette à l’internat ou en dehors de l’établissement et transmise dans et par les structures associatives spécifiques aux sourds (Mottez, 1989 ; Delaporte, 2002 ; Séguillon, 2017).
De L’Épée, un rôle central dans la reconnaissance de la langue des signes
C’est au XIXe siècle, en France, soit plus de cinquante ans après la disparition de l’abbé de L’Épée, que l’on trouve les premières analyses de la LSF. En effet, Rémi Valade (1809-1890), qui a été censeur des études de l’INS-M de Bordeaux puis de Paris, remarque en 1854 par exemple, que les bras et les mains prennent un grand nombre de positions différentes et que l’expression physionomique varie chaque instant. Il remarque également que l’organe en mouvement, particulièrement la main, décrit une grande diversité de lignes ; que le plan dans lequel le mouvement s’exécute est tantôt vertical, tantôt horizontal, tantôt oblique ; que sa position varie beaucoup par rapport au corps ; que les gestes n’ont pas tous le même développement ; qu’il y en a de rapides, de lents, de prolongés, de brefs, etc.
Aujourd’hui, les linguistes analysent les langues des signes selon cinq paramètres que sont les paramètres manuels – la configuration, c’est-à-dire la forme de la main, l’orientation de celle-ci, l’emplacement où le signe se réalise et le mouvement dans l’espace du signeur – et les paramètres non-manuels dont les expressions du visage. Alors qu’en langue vocale, l’enchaînement des sons est linéaire, c’est-à-dire les uns après les autres, dans la formation d’un signe, la combinaison des paramètres est simultanée. La voix a donc le désavantage relatif de ne pouvoir émettre plusieurs sons en même temps, mais aussi l’avantage relatif de pouvoir le faire relativement vite. La langue gestuelle, dont les mouvements sont plus longs à produire que les sons à émettre, présente l’avantage relatif d’offrir une grande variété d’expressions simultanées. Pour dégager les règles de formation des signes et de l’usage du corps, il est utile de s’appuyer sur les travaux de linguistes tels que ceux de William Stokoe (1919-2000 ; 1960) sur l’American Sign Language (ASL) ou ceux de C. Cuxac (1996, 2000) sur la LSF.
De L’Épée, un des premiers à penser la place des sourds dans l’espace public
Pour l’abbé de L’Épée, la place des sourds dans la société dépend de deux principales conditions : la création d’un lieu particulier d’éducation et l’élaboration d’une pédagogie pensée et adaptée pour les écoliers sourds à l’aide de la langue naturelle des sourds. En soulignant l’importance de cette dimension communautaire et d’un lieu particulier d’éducation, il est l’un des premiers à créer des lieux de regroupements institutionnels pour les sourds (Bedoin, 2018).
L’INS-M de Paris, créée en 1791, est issue de la première école gratuite pour l’instruction des sourds-muets, ouverte au domicile de l’abbé de L’Épée. C’est à partir d’un rapport de l’avocat et député Pierre-Louis Prieur (1756-1827), dit Prieur de la Marne, à l’Assemblée nationale, que sont décrétées l’installation et l’organisation de l’Institution nationale de Paris. Il est alors député du tiers état aux États généraux en 1789, puis siège à l’Assemblée constituante. Il est le rapporteur du projet de décret dont l’adoption, les 21 et 29 juillet 1791, fait de l’école de l’abbé de L’Épée, une institution nationale. On mentionne notamment que la surveillance de l’établissement est officiellement confiée au département de Paris, ce qui marque la prise de contrôle de l’établissement par l’État (Buton, 2009). Il est également précisé que l’établissement a les caractéristiques d’un internat.
Comme le souligne Alexis Karacostas (1981) dans sa thèse, l’idée centrale de ces débats est que l’Institution doit réunir les élèves dans un espace unique, différencié du monde environnant et aussi autonome que possible dans son fonctionnement, au gré des différents gouvernements et des conceptions des décideurs depuis plus de deux siècles. Il s’agit aujourd’hui d’un établissement public national d’enseignement relevant du ministère des Affaires sociales ou de la Santé ou des Personnes en situation de handicap qui accueille des élèves sourds et malentendants, garçons et filles, et les prépare aux programmes et aux examens de l’Éducation nationale. Des intervenants sourds y enseignent la LSF – non pas les signes méthodiques de l’abbé de L’Épée, mais une LSF des plus vivantes et des plus structurées.
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L’abbé de L’Épée, ce « bienfaiteur de l’humanité » comme la communauté sourde le qualifie depuis deux siècles, est l’un des pionniers de la promotion de l’éducation des écoliers sourds-muets en France et dans le monde. Privilégiant la connaissance du français écrit et la langue des signes (méthode gestuelle) par rapport à l’articulation et à la lecture sur les lèvres (méthode oraliste), il propose une démarche originale à plus d’un titre. Il a notamment ouvert la voie à l’éducation d’un nouveau public d’élèves sourds, ceux moins fortunés, en offrant une éducation gratuite et collective au sein de son école à Paris. Sa méthode a été diffusée dans le monde entier, notamment aux États-Unis. C’est pourquoi l’hommage rendu à l’abbé de L’Épée, encore aujourd’hui, dépasse la France et concerne les sourds de tous les pays. Il a contribué à construire la « nation » sourde en France et à l’international, en affirmant que les sourds sont des personnes, des citoyens, que leur place est au sein de l’espace public au même titre que les entendants.
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