Parler d’une génération, c’est évoquer un positionnement dans un processus historique, des années de naissance plus que des âges. On vieillit avec sa cohorte, la génération dite « X » était enfant avant hier, jeune hier, adulte aujourd’hui et sera vieille demain. Calée entre deux « célébrités médiatiques » (les baby-boomers et la génération « Y »), entre deux cycles de vie (la jeunesse et la vieillesse), la génération X est, dans les configurations générationnelles actuelles, la génération de l’entre-deux. Si les médias la qualifient d’« X », comme anonyme, est-il possible qu’elle ne laisse pas de traces au fil du processus de transmission intergénérationnel ? Qu’elle n’appose aucune empreinte spécifique tissée entre celles de ses aînés et celles de ses héritiers ? Peut-on admettre que ces adultes contemporains avancent sans identité générationnelle propre (Pecolo, 2017c) ?
Aléatoire des frontières générationnelles
Le champ du marketing, soucieux de nommer et borner ses cibles, parle désormais d’elles moins en termes d’enfants, de seniors ou de jeunes qu’en tant que « générations » auxquelles on accole des lettres (X, Y, Z, Alpha pour la dernière en date…) censées qualifier un groupe social historiquement situé. Si les articles et études ne s’accordent pas exactement sur les intervalles retenus pour chacune d’elle, on peut globalement retenir que les membres de la génération X, nés entre 1960 et 1980 (Strauss, Howe, 1991), représentent en 2023 les quinquagénaires. À l’aune de la période de rédaction de la notice, les baby-boomers (1940/1960) sont désormais septuagénaires (la vingtaine en 1968) et les Y (1980/2000) renvoient plutôt aux trentenaires. Comme pour toutes les générations, on pourrait dégager deux vagues de 10 ans au sein de la cohorte (avec un cœur de « cible » né en 1970), tant il est clair que 20 ans d’amplitude, ce qui est traditionnellement retenu pour acter un renouvellement générationnel, c’est long. Les fourchettes arrêtées sont bien sûr arbitraires. Classer, trier, c’est ordonner, mais il n’est pas si simple de découper l’histoire en tranches et les bornes chronologiques de varier selon les chercheurs, le thème et le domaine étudiés. Être né en 1963 c’est avoir « raté » de peu le qualificatif de baby-boomer et, pourtant, avoir vraiment vécu autre chose que les Trente glorieuses et Mai-68. Tous ces individus situés sur les bornes extrêmes, les « queues de génération » comme les appelle l’historienne Ludivine Bantigny (2007), sont particulièrement concernés par d’aléatoires séparations entre générations socio-historiques.
L’accélération des changements contemporains pousserait à hâter le rythme du renouvellement générationnel en rétrécissant les intervalles. Encore faudrait-il analyser plus précisément la nature des changements évoqués (lenteur des mutations culturelles, rapidité des évolutions technologiques…). Dans le même temps, les écarts d’âge entre parents et enfants vont plutôt dans le sens d’un étirement (30 ans d’écart aujourd’hui plus que 20). Depuis le milieu des années 1970, les parcours de vie s’individualisent. L’âge chronologique est moins prégnant dans la définition des étapes de l’existence et l’on assiste à des déchronologisation et déstandardisation des trajectoires familiales et professionnelles, davantage marquées par la discontinuité (Cavalli, 2007). En tout état de cause, on est en droit de se demander quel est le point commun entre un jeune homme de trente ans et son petit cousin germain qui fait sa rentrée en classe de 6e.
Sentiment d’appartenance
Si les générations familiales évoquent la succession dans le temps d’individus liés par une filiation, la génération sociale fait référence à un groupe d’individus, sensiblement du même âge et supposé uni par des marqueurs culturels et idéologiques partagés, du fait d’une enfance et jeunesse vécues à la même période (Mentré, 1920). Les ambiance et contexte dans lesquels on grandit modèleraient nos façons de penser et vivre le monde, brodant un commun générationnel au-delà des appartenances connexes (milieux socio-culturel, professionnel et géographique, genre). La phase de la jeunesse cristallise une cohorte du fait de sa grande réceptivité aux mouvances du temps (les années formatives) (Galland, 2011). Il est des expériences qui réunissent ceux qui les ont traversées, transcendant les barrières sociales et contribuant à la fabrication de générations remarquables au sens de détenant une conscience collective affirmée. C’est le propre des générations habitées par une histoire chahutée (guerres, crises, révolutions), dotées d’un fort sentiment d’appartenance (Mannheim, 1928).
La conscience que l’on fait partie d’une génération arrive souvent au moment où l’on est rattrapé par la « nouvelle » jeunesse qui prend place (Attias-Donfut, 1988). C’est là que l’on évalue ses propres contours distinctifs et que surgit cette éternelle appétence à disqualifier ce qui vient. Retenons le caractère nécessairement rétrospectif de la conscience de génération (avoir vécu sa jeunesse) et sa construction en opposition (être en mesure de cerner des différences qui dépassent celles liées à l’âge ou à un stade de vie). Aussi, s’il est artificiel et généralisant de parler d’une génération « X » pour évoquer des êtres humains doués d’épaisseur culturelle et de grande diversité (l’homogénéité véhiculée est plus symbolique que sérieuse), on comprend également combien il est abusif de traiter de « génération » des individus encore adolescents, voire enfants qui ne font pour l’heure que vivre leurs (très) jeunes années. Or, les médias leur accolent malgré tout le terme génération, associé à des qualificatifs aussi réducteurs que clinquants, surdéterminant un critère dans un profilage qui aboutit à des caricatures supposées symboliser les toutes dernières transformations de notre société (Rouet, 2019). La précocité de telles étiquettes et l’absence de recul temporel (il faut que jeunesse se passe), furent flagrants avec les Z dont on a dressé des portraits abondants dès les années 2010, alors même que ses membres les plus âgés n’avaient pas la vingtaine (voir Hamel, 2021).
En tout cas, cette idée d’empreinte générationnelle est suffisamment significative pour servir de base par exemple dans la conception de publicités au sein desquelles sont exploités des marqueurs culturels de la jeunesse d’une cohorte spécifique (Pecolo, Bahuaud, 2017a). EDF fait défiler en images les stades de vie d’un individu, de l’école primaire au premier enfant, dans un environnement qui ne peut que remémorer un vécu très X, fait de tapisseries très en vogue dans les années 1970, de platine vinyle, de console de jeu vidéo Atari (sortie en 1977) et autres minitels, outil télématique des années 1980 détrôné par l’apparition de l’internet (Évolution, 2004). Le Club méditerranée mobilise le film Les Bronzés (Patrice Leconte, 1978) dans un spot de 2014 (Le ballet), Intermarché pour son 50e anniversaire, remet à l’honneur une série de packaging d’autrefois. Des affiches exposent un pot de moutarde Amora avec Goldorak (héros d’une série animée japonaise diffusée à la télévision en France dès 1978) ou une bouteille de Teisseire grenadine, accompagnés de textes empreints de clins d’œil nostalgiques : dessins animés au réveil sur Antenne 2, lecture des aventures de Rahan (bande dessinée française publiée dès 1969), radio K7 et boum etc. (Les produits de l’époque – 2019). Atol évoque des souvenirs d’enfance et d’adolescence « traumatisants » (cagoules, téléphone à fil, bouchées à la reine…) accompagnés du slogan « Si vous êtes né avant 1978, venez tester gratuitement votre vue chez Atol » (Souvenirs, 2019). Les marques cherchent à raviver une mémoire collective, à réveiller des sentiments nostalgiques via des références générationnelles, aussi triviales soient-elles, car rétrospectivement, c’était le bon temps…
… et hybridation culturelle
Si l’on se fie aux qualificatifs que les médias lui ont donnés, la génération X est d’abord identifiée comme celle qui arrive après (génération post-68 ; génération 69) ou en écho (génération baby bust) à une génération hautement médiatisée : les boomers. Vectrice d’un avant (les bruyants soixante-huitards, symboles d’une révolution idéologique, de la naissance d’une culture jeune, de l’explosion scolaire et du plein emploi (Bernard, 2006 ; Sirinelli, 2015 ; El Gammal, 2018) et d’un après (les fracassants Y, symboles de la révolution des technologies de l’information et de la communication, de la culture numérique, de l’explosion des diplômes et de la généralisation de la précarité), elle fait pâle figure. Tampon entre deux forts bouleversements qui seront symbolisés par deux autres jeunesses que la sienne, elle passe à la trappe. Les analyses d’une enquête menée en 2014 sur le sentiment d’appartenance à une génération (46 individus âgés de 20 à 60 ans, interrogés dans le cadre du master Communication et générations de l’Université Bordeaux Montaigne), confirment une auto-qualification de génération « sandwich ; intermédiaire ; du milieu ; entre ». Génération du « ni l’une – ni l’autre » ou de « l’une et l’autre », ou comment se définir comme un entre-deux, au regard de deux autres générations et non en soi. Les approches générationnelles nous apprennent que, entre des générations puissantes, se glissent des générations de transition qui mettent en application les remous de celles antérieures. Une génération « pionnière » sème les graines d’éléments de ruptures qu’une génération « mutante » amplifiera avec bruit et qu’une génération « suiveuse » appliquera silencieusement (Donnat, Lévy, 2007). La génération X est de celle-là.
À la croisée des chemins, comme toute génération, elle porte les traces d’avant-hier (héritées de ses parents et de son éducation), tout en étant imprégnée des marques d’hier (contextes de sa propre jeunesse, effet générationnel) et bousculée dans son quotidien par les innovations (portées par ses enfants, référents des cultures émergentes). Les enquêtés de la génération X le traduisent fort bien en ces termes :
« Mon rythme de vie est celui des nouvelles générations mais j’ai des valeurs comme le travail, la famille, le respect […] comme mes parents » ;
« Ma génération est à la charnière de deux mondes totalement différents. Encore sur les valeurs des précédentes générations et les aspirations de la génération Y » ;
« J’ai les valeurs de mes parents et le mode de vie de mes enfants » ;
« Je me sens un pied dans chacune des deux. Un début de vie dans la première et une deuxième partie de ma vie dans la seconde ».
Hybride, cette génération symbolise les ponts de la transmission et prouve que les valeurs sont toujours le résultat d’un engendrement, d’une co-construction intergénérationnelle. Dans notre enquête, les membres des trois générations interrogés se pensent chacun plus tolérants que ceux de la précédente, signe de la diffusion progressive, au fil des générations, d’une valeur qui deviendra centrale. En réalité, si des effets différenciés selon la position dans le cycle de vie sont certainement à prendre en compte, l’« époque » a une influence à tout âge, notamment lors de perturbations intenses et de modifications culturelles profondes (pour exemple la chute du mur de Berlin ne marquera pas que les X).
Sans bruit, plus discrète que son aînée, on pourrait imaginer qu’elle n’a rien fait, et pourtant… Avec les X, le mariage devient un choix parmi d’autres et le divorce un classique, la sexualité ne conduit plus nécessairement à la procréation mais éventuellement au sida, une grossesse non désirée ne conduit plus nécessairement à un enfant (Jaspard, 2017). Cette cohorte a installé, sans flamme et sans doute, des modes de vies initiés par leurs parents mais passés aux rayons X. Elle n’est pas que « fille de » et « mère de », elle appose sa signature au même titre que toutes les générations.
Génération désenchantée…
Les individus enquêtés parviennent à se donner une essence générationnelle propre en usant pour commencer d’un référentiel médiatique. « Je me sens appartenir à une génération avec laquelle je partage les mêmes références télévisuelles : génération Goldorak et Casimir. Cela peut paraître mince comme sentiment d’appartenance mais c’est fort ». Il est notable que des marqueurs musicaux (rock, disco puis rap) et audiovisuels (Disney, Star Wars, Scoubidou, Zorro, Salut les copains) ponctuent les discours des trois générations enquêtées.
Ensuite, jeunesse des années 1980, elle vit ce que François Cusset (2008) a nommé « le grand cauchemar » : culte de l’argent et des valeurs entrepreneuriales, exacerbation du libéralisme, fin du politique et du collectif. L’élément de définition central que cette cohorte avance alors pour affirmer ses contours est d’être la première génération désenchantée (Bawin-Legros, 2008). Un regroupement XY s’opère ici, en contre-pied des baby-boomers de l’échantillon se qualifiant de génération « privilégiée » et « prospère ». Les désillusions commencent avec les X et s’installent durablement avec les Y. Le destin exceptionnel d’une génération d’après-guerre en mobilité́ sociale ascendante est opposé à la destinée plus préoccupante des cohortes nées à partir des années 1970 pour qui les parcours de vie ne riment plus avec durabilité et stabilité.
La thèse des inégalités intergénérationnelles fait des X une génération mal lotie. Si les boomers naissent en période d’expansion et profitent à tous les stades de vie des conditions les meilleures, la génération X constitue la première génération contemporaine concernée par le déclassement social et scolaire, la dévaluation des diplômes et les complications en termes d’insertion professionnelle (Duru-Bellat, 2006 ; Maurin, 2009 ; Chauvel, 2016). Elle serait d’autant plus défavorisée que les inégalités de départ ne se rattraperaient pas dans le temps mais produiraient une pénalisation tout au long de la trajectoire professionnelle (ce que Louis Chauvel nomme « un effet cicatrice », 2013). Toutefois, les statistiques économiques comparant les niveaux de vie moyens des générations successives, sur l’ensemble de leur vie depuis un siècle, pointent une progression du bien-être économique (Attias-Donfut, Segalen, 2020). De surcroît, les déchirures majeures ne sont pas générationnelles, mais bien sociales et territoriales et les différences intra-générationnelles persistantes (Peugny, 2020). Pour Gérard Mauger (2015, page), la montée globale de la précarité concerne toutes les tranches d’âges mais plus spécifiquement les classes défavorisées. Enfin, en miroir de lectures oppositionnelles, les solidarités intergénérationnelles (très sexuées au niveau familial) sont régulièrement mises en exergue (Palazzo-Crettol et al., 2018 ; Association des départements solidaires, 2022).
Toujours est-il que la « Bof génération », comme les médias ont pu la qualifier (Reynaert, s. d. ; Dagnaud, 2010 ; Paillardet, 2017), va se rebiffer dans les années 2000. Un besoin de prendre place dans la lignée passera notamment par des règlements de compte avec une aînée encombrante visant à lutter contre leur image réduite à des individus désabusés (Guimier, Charbonneau, 2005 ; Gault, 2007). En parallèle, une production de papy boomers apparaît, s’accusant d’avoir sacrifié la jeunesse pour préserver leur modèle social, d’être responsables de politiques économiques n’ayant pas préparé l’avenir ou d’avoir diffusé une nostalgie aiguë de leurs folles années doublée d’une perte de leurs idéaux, coupant ainsi les ailes de leur descendance (Artus, Virard, 2006 ; Jeambar, Remy, 2006).
… et génération pivot
Les configurations générationnelles actuelles placent la génération ayant grandi dans les années 1970 en situation de devoir prendre soin à la fois de leurs (vieux) parents et de leurs (grands) enfants au sein d’une société pluri-générationnelle dans laquelle cinq générations en vie peuvent se côtoyer. Une évolution sociodémographique double : l’allongement de l’espérance vie et de la jeunesse, fait de cette génération dite pivot, une excellente représentante de la figure de l’aidant (Raoult, 2022 ; Zech, 2020). Grande vieillesse et dépendance, systèmes de retraite et maintien au travail des travailleurs âgés, précarité et report de l’entrée dans l’âge adulte, autant de problématiques qui occupent notre siècle et concernent éminemment les X (Moreau, 2019 ; Guillemard, 2017).
À l’aube du XXIe siècle, les cadres de socialisation (structures familiales, système scolaire, marché du travail) du siècle dernier, ce que le G. Mauger (2009) nomme des modes de génération, se trouvent clairement bousculés, générant des crises de la reproduction et un arrimage des nouvelles générations plus délicat. Les référentiels, associés à la période qui les a vues naître, peuvent à ce titre devenir désuets, voire inadaptés aux yeux des cohortes suivantes qui prennent pour acquis ce que l’on a pu quant à soi combattre, et pour scandaleux ce que l’on a pu laisser perdurer. D’où les focus exaltés sur les Y posés comme « mutants », tant dans leur rapport aux médias qu’au travail (voir Bahuaud, Pecolo, 2016) et des vingtenaires actuels résolument abordés comme une génération « désenchaînée », qui n’avancerait plus contre celle de leurs parents, mais hors d’elle (Attias-Donfut, Segalen, 2020).
Pour sa part, la génération X représente désormais l’adulte mature, un statut qui lui vaut, à nouveau, d’être bien plus absente des préoccupations que les jeunes, les vieux et leurs interrelations, que d’innombrables dossiers et études décortiquent avec inquiétude, sondant l’intergénération uniquement par le prisme des plus de 60 et moins de 30 ans. Elle porte pleinement le poids de l’adultéité, longtemps synonyme d’une maturité valorisée, mais qui souffre désormais d’une association à des responsabilités que l’on ne souhaite pas forcément endosser. L’adulte devient exténué plus qu’épanoui (Deschavanne, Tavoillot, 2008) et ce cycle de vie est perçu comme castrateur au regard des virtualités ouvertes de la juvénilité : « L’état adulte a cela de dramatique qu’il est limitatif […] La jeunesse prend valeur de modèle pour l’existence entière » (Gauchet, 2004 : 42). De fait, après l’invention des « seniors » (des vieux juvéniles, construction sociale des années 1990 propulsée par la sphère du marketing qui refuse de nommer vieillesse les boomers, supposés jeunistes), cette génération parfois appelée « Casimir » (peluche dont les aventures ont été diffusées à la télévision de 1974 à 1982) a été l’actrice d’une mutation progressive des attributs de l’adulte. À la fin des années 2010, ses membres sont taxés de « quincados » par Serge Guérin (2019) et de grands enfants par Rémy Oudghiri (2017) après avoir été associés, au début des années 2000, à Peter Pan par Dan Kiley (2000) ou aux adulescents par Marie Giral (2002). Il est de bon ton de rester puéril. Comme le remarque Jean-Pierre Boutinet (1999), l’adulte souhaite conserver une jeunesse néotène le plus longtemps possible et la publicité ne s’y trompe pas en cultivant cette valorisation contemporaine d’un adulte encore ludique gardant en lui une part d’enfance. Elle met alors en scène des adultes régressifs, qui s’amusent malgré leur grand âge : « On grandira plus tard » – Fraises Tagada, insiste sur le plaisir de retourner en enfance grâce à la consommation de bonbons ; « Restons légers » – Mikado, il s’agit ici de garder l’insouciance ludique des petits en représentant des adultes joueurs sur leur lieu de travail ; « Y’a pas d’âge pour la récré » – Petits écoliers une mise en scène d’adultes, restés gourmands, qui volent des gâteaux à des enfants et continuent à vouloir goûter même grands (Pecolo, Bahuaud, 2017b).
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En définitive, la génération X, concept marketing plus que réalité sociologique complexe et multiple, est censée symboliser les mutations des années 1970/1980 ou/et les comportements et attitudes des quinquagénaires actuels. Elle est un instrument au service d’une distinction nette d’avec les autres générations-segments qui l’entoure. Appréhendée comme uniforme, elle alimente malencontreusement l’idée d’un fossé intergénérationnel. Or, elle est plus exactement métisse, reflet de l’époque qui l’a vue grandir ainsi que de celle au sein de laquelle elle vieillit. Si le rythme accéléré des changements renforce les liens intra-générationnels et facilite un éloignement des repères communs intergénérationnels, il reste qu’il n’y a pas de rupture entre les générations sauf à la vouloir (Galland, 2021).
Souligner les écarts plus que les ressemblances, confondre différences et oppositions relève d’abord d’une posture. Dommageable, car une génération est perméable aux représentations sociales et discours (médiatiques, politiques, managériales etc.) à l’œuvre, contribuant aux contours qu’elle se donne et qu’on lui prête.
Les caractéristiques et catégorisations générationnelles contées construisent bien sûr prioritairement des stéréotypes qui induisent un déterminisme générationnel malencontreux effaçant l’hétérogénéité des cohortes. Néanmoins, il est intéressant d’entendre derrière cette volonté de mettre des étiquettes, une soif de mémoire collective et de prospection, un besoin de se raccrocher à des emblèmes pour essayer de se situer et donc de se définir. Il s’agit de parler en définitive de tendances, de tournants et d’histoire, d’avant et de maintenant, de demain. D’en discuter et débattre, de croiser le fer, de se positionner et de parler de soi.
L’aspect cyclique des générations prêterait à penser que les Z, arrivés après de puissants Y, rejoindront les discrets X, intensifiant simplement des pratiques numériques apparues avant eux, tout en semant les graines de leur propre habitus générationnel (se défaire des codes de genre peut-être…). Mais qui peut dire aujourd’hui quel sera le cours de leurs histoires ? Et surtout, comment ne pas retenir qu’elles sont d’abord des constructions sociales servant le tropisme du champ professionnel de la communication et du marketing de parler « tendances » en codes générationnels. XYZ, trois lettres aussi pratiques que réductrices, inventées pour appuyer sur l’appartenance à un même créneau d’âge dans le temps, et non sur les disparités des individus.
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