Espace public, lutte pour la reconnaissance, liberté sociale
Le philosophe et sociologue allemand Axel Honneth (né en 1949) est une des figures clés de la philosophie sociale et politique, ainsi que de la théorie sociale contemporaine. Depuis la publication de Luttes pour la reconnaissance en 1992, ses travaux font l’objet d’une attention suivie et sont largement débattus à l’échelle internationale. Inscrit dans l’héritage de la philosophie hégélienne autant que dans la tradition de la théorie critique de l’école de Francfort, A. Honneth a déployé un important travail – au long cours – de conceptualisation et de réactualisation du concept de reconnaissance. En s’inspirant d’abord des travaux du jeune Hegel (1770-1831), A. Honneth réélabore ce concept pour en dégager la teneur normative et critique, en dialogue avec les contributions les plus récentes issues autant de la philosophie morale et politique que des sciences sociales. Au sens strict, A. Honneth n’a pas accordé une attention spécifique à la question des publics et ce n’est que tardivement dans son œuvre que le concept d’espace public vient à jouer un rôle théorique important. Par ailleurs, la question des médias et de la communication sociale reste très marginale dans ses écrits, en particulier au regard du rôle clé qu’elle a joué dans la tradition de pensée francfortoise dans laquelle il s’inscrit. Ceci étant, le travail d’A. Honneth offre très tôt dans son développement, des apports notables et tout à fait originaux – en particulier au regard de la théorie habermassienne de l’espace public – à la question de l’espace public, à partir d’un cadre conceptuel où l’expérience négative et la conflictualité sociale sont au centre des préoccupations (Voirol, 2003).
Si A. Honneth n’a – dans un premier temps du moins – accordé à la question de l’espace public qu’une attention oblique, ses écrits peuvent toutefois être lus comme des contributions originales à la théorie de l’espace public. N’apparaissant pas telle quelle dans ses premiers écrits, la question de l’espace public doit être « reconstruite » à partir de textes épars – ce que je m’efforcerai de faire dans la première partie. Le premier point aborde les « infrapublics » de l’expérience négative faite par les membres des classes dominées, d’où émane une « conscience morale » tacite faite d’attentes normatives nourrissant des ressorts d’action spécifiques aux sous-publics subalternes. À partir de là, A. Honneth entreprend une reconstruction d’une conception agonistique de la communication sociale autour de l’idée de « lutte pour la reconnaissance », comblant ainsi l’impensé habermassien de la conflictualité tout en apportant un correctif agonistique à sa conception de l’espace public. La troisième partie se centre sur la théorie honnéthienne de la liberté sociale dont une des composantes clés est précisément l’espace public. En élargissant le concept intersubjectif de reconnaissance à la question de la liberté, A. Honneth montre que les institutions des sociétés modernes incorporent une conception de l’« éthicité démocratique », institutions parmi lesquelles figurent les médias modernes et l’espace public démocratique. La dernière partie montre, quant à elle, combien le concept d’espace public gagne en importance dans le « socialisme révisé » qu’il soutient, en jouant le rôle d’articulation des sphères normatives différenciées au sein des sociétés modernes. Ainsi, de ces différents moments d’élaboration de la théorie honnéthienne se dégagent quatre conceptions distinctes des publics et de l’espace public, exposées dans les quatre parties qui suivent.
Le public souterrain de l’expérience négative
À la différence des principaux membres de l’école de Francfort, dont l’expérience décisive fut celle du national-socialisme et de l’exil, A. Honneth fait partie de cette génération née dans l’immédiat après-guerre, dont la jeunesse fut marquée par la rééducation morale et la reconstruction démocratique du post-nazisme, auxquels a fait suite le « moment 1968 » d’une génération en colère contre celle de ses géniteurs. N’ayant pas connu les figures de la « première génération » de cette « école », c’est surtout à l’ombre de la « seconde » – surtout de Jürgen Habermas et d’Albrecht Wellmer (1933-2018) – qu’il fait ses armes. Il a ainsi suivi des études de philosophie, de sociologie et de lettres à Bonn et Bochum, pour devenir ensuite assistant du sociologue Urs Jaeggi (1931-2021) à l’Institut de sociologie de la Freie Universität à Berlin, de 1977 à 1982. Il soutient sa thèse sous le titre Kritik der Macht (Critique du pouvoir ; Honneth, 1986) consacrée à Theodor W. Adorno (1903-1969), J. Habermas et Michel Foucault (1926-1984), avant de rejoindre l’équipe de recherche dirigée par J. Habermas à Starnberg, au Max Planck Institute for Social Sciences (Anciennement Max Planck Institute for the Study of Living Conditions in the Scientific and Technical World). Au retour de J. Habermas à Francfort en 1983, A. Honneth le suit en tant qu’assistant (1983-1989), pour soutenir son habilitation en 1990 sous le titre Kampf um Anerkennung (Honneth, 1992). Après un bref passage par la ville de Constance (Habermas, 1991) et un retour à l’université libre de Berlin entre 1992-1996, il reprend (en 1996) la chaire de philosophie sociale laissée vacante par J. Habermas à la Goethe-Universität de Francfort, qu’il occupe jusqu’à sa retraite en 2014. En 2001, à la suite de Ludwig von Friedeburg (1924-2010), il a hérité de la direction de l’Institut für Sozialforschung dont il tint les rênes jusqu’en 2018. Parallèlement à ces activités, il est nommé professeur à l’Université Columbia de New York en 2011, où il poursuit sa carrière après sa retraite francfortoise.
Alors qu’il est encore jeune assistant, ses tout premiers travaux se confrontent au marxisme et à la tradition marxiste (1977), autant qu’au pragmatisme américain, dans le cadre d’une fructueuse collaboration avec Hans Joas (Honneth, 1980). Ensuite, il se penche sur la tradition de la théorie critique, plus particulièrement sur la pensée sociale de T. W. Adorno et la théorie de la communication de J. Habermas, avec laquelle il mène une discussion serrée non dénuée de critique (Honneth, 2017). Ce faisant, il opère une lecture méthodique de la théorie habermassienne en s’arrêtant sur la catégorie de « travail », à ses yeux trop vite réduite par J. Habermas à « l’agir instrumental » (Honneth, 1981). Avec sa distinction tranchée entre, d’un côté le travail, dont le mode d’action sur les objets est gouverné par la rationalité en finalité ainsi que par des règles techniques orientées vers le succès ; et de l’autre, l’interaction, dont le mode d’action est structuré par les normes pratiques de l’intercompréhension médiatisée par des symboles, J. Habermas a réduit à ses yeux le concept de travail à une activité instrumentale nécessaire à la reproduction sociale en le vidant de toute dimension morale (Honneth, 1982).
A. Honneth s’en prend à ce réductionnisme en se fondant sur une connaissance sociologique de l’expérience du travail, informée par la sociologie du travail (Honneth, 2013 ; Voirol, 2007). Certes, souligne-t-il, le travail s’est considérablement « dégradé » et appauvri (« deskilled » selon le terme d’Harry Braverman (1920-1976 ; 1974), au fur et à mesure de sa mécanisation sous le coup de l’extension de la rationalisation industrielle au XXe siècle. Il n’en reste pas moins irréductible à la catégorie instrumentale de l’agir en finalité, car son effectuation implique autant des savoir-faire techniques qu’un engagement pratique dont découlent chez les sujets des attentes morales et un rapport à soi au cœur de cette expérience humaine. Les sujets au travail continent d’engager une connaissance morale-pratique, y compris sous forme de réappropriations des règles techniques et de pratiques oppositionnelles qui s’efforcent de détourner ces impératifs techniques. À eux seuls, ces détournements sont l’indice de la persistance d’une activité irréductible au modèle instrumental, comme d’un sens de l’injustice lié à la perte de contrôle sur le processus de travail, et de blessures morales persistantes dans cette sphère d’activité. Le travail apparaît en conséquence comme le ressort d’une expérience tacite, à la fois personnelle et sociale, dans laquelle les êtres se forment en tant que sujets en développant une conscience morale liée à leur position de classe. A. Honneth esquisse les traits d’une approche qui réinvestit le travail d’une moralité pratique et l’agrémente d’une forte dimension conflictuelle.
C’est sous la forme d’infrapublics que se structure cette expérience partagée du travail, dont on ne peut attendre qu’elle se donne à voir de la même manière que les expériences publiques. En effet, le propre des classes « subalternes » est d’être réduites à effectuer des tâches pratiques sans recourir systématiquement au langage, si bien que ces activités tacites franchissent rarement le seuil de l’existence publique. En revanche, l’apparition publique est réservée aux acteurs sociaux dont l’expérience du pouvoir exige d’eux qu’ils parlent fort en donnant leurs instructions, en justifiant les décisions qu’ils sont en position de prendre sur la configuration de l’ordre social, dont ils sont au demeurant les principaux bénéficiaires (Honneth, 1979). Les groupes sociaux prenant part à l’exercice du pouvoir politique et économique sont ainsi amenés à exercer cette compétence « publique ». Ils acquièrent d’ailleurs une formation qui leur donne les moyens symboliques de décoder les normes d’action tout en les inscrivant dans un système de valeurs généralisé au plan sociétal. Soumis à une pression accrue à la justification, ces groupes acquièrent les codes d’appropriation de la tradition culturelle, au point d’en monopoliser l’exercice.
À l’inverse, les membres des groupes sociaux subalternes ne sont pas soumis aux mêmes exigences de justification et de légitimation de leurs activités, exigences grâce auxquelles est stimulée l’élaboration des convictions morales. Ces membres traitent certes avec une grande dextérité, et de manière éthiquement réfléchie, les problèmes moraux de leur environnement d’action. En revanche, ils deviennent maladroits lorsqu’on les interroge sur l’ordre de valeurs de l’ordre social en général. Car ils ne sont guère habitués à élaborer des convictions morales au-delà des sphères immédiates de leurs pratiques. Aussi les revendications morales des classes dominées restent-elles en-deçà des formes publiques et conscientes d’expression de l’injustice, parce que leur situation de classe n’encourage en rien leur élaboration réflexive et leur généralisation logique. Les principes de justice à partir desquels des groupes sociaux subalternes portent des jugements sur l’ordre social relèvent donc davantage de perceptions pratiques de l’injustice que de systèmes de valeurs publiquement articulés ; ce qui contribue à une forme d’invisibilité systématique de la morale sociale des groupes subalternes.
Cependant, une moralité implicite est à l’œuvre dans cette conscience de l’injustice. C’est pourquoi des actions à première vue dépourvues de contenu normatif et pratique doivent être reconnues comme des manifestations de l’injustice sociale. Mais leur analyse est rendue difficile tant cette moralité pratique reste en-deçà de la publicité ; elle dépend du degré de leur organisation politique tout autant que du niveau de contrôle social s’exerçant sur elles. Certes dépourvue d’existence publique, cette expérience de classe porte néanmoins en son cœur une « conscience morale », sans pour autant qu’on se donne les moyens de percevoir et d’entendre les termes de cette moralité. C’est en cela que tient l’idée honnéthienne d’infrapublics de l’expérience négative.
La référence à cette conscience morale des classes dominées décrite par la sociologie du travail donne l’occasion à A. Honneth de développer un argument tranchant contre la théorie habermassienne de la communication sociale. En effet, à ses yeux, elle se contente avec trop d’empressement de prendre pour référent l’activité langagière adossée à l’entente communicationnelle, en reconstruisant sur cette base une « éthique de la discussion » à prétention universelle (Habermas, 1991). Sa moralité relève pourtant d’une pratique sociale – de l’entente langagière – socialement située et non pas « universelle », comme l’avance la pragmatique langagière sur laquelle elle s’appuie. A. Honneth montre que la théorie habermassienne, en se focalisant sur les règles formelles de la communication « réussie », reste ainsi aveugle aux expériences morales de l’injustice. Pour J. Habermas, seule la violation des procédures de l’entente au moyen du langage incite les sujets dotés de compétences communicationnelles à réaffirmer les conditions normatives de la discussion publique. Pourtant, la pleine réalisation de l’entente communicationnelle, en vertu des critères de la « pragmatique universelle », n’exclut pas de processus de dévalorisation au sein de cette activité communicationnelle, sur laquelle J. Habermas construit toute sa morale pratique. S’il dégage les principes de moralité pratique sur cette activité, J. Habermas apparaît dès lors incapable de montrer en quoi cette moralité est socialement située et en quoi elle se trouve au cœur de la conflictualité sociale.
A. Honneth tire ainsi des constats systématiques de ses observations sociologiques sur les infrapublics de l’expérience négative informelle (Voirol, 2007). Les protestations trouvent moins leur origine dans la violation des règles de l’entente langagière que dans l’expérience négative suscitée par la violation de principes de justice intuitifs. Aussi peut-il avancer que dans les expériences des membres des classes dominées sommeille une conflictualité sociale – dont la théorie habermassienne de la communication et de l’espace public est peu portée à faire état, et encore moins sa thèse concomitante de l’érosion des conflits de classe au sein des sociétés capitalistes avancées. C’est pourquoi A. Honneth conçoit comme une priorité théorique d’être à même de redéployer le thème de la conflictualité sociale, dont les manifestations « sous-terraines » au sein des infrapublics en sont les expressions effectives. Le projet d’A. Honneth consiste dès lors à retrouver les traces d’une conflictualité infra-publique au sein de sociétés capitalistes avancées qui semblent avoir domestiqué les conflits de classes. Sous la surface publique se cachent ainsi des conflits moraux qu’on ne peut percevoir qu’en adoptant en théorie la perspective de l’expérience négative de ces infrapublics. Ce d’autant plus que des formes redoutables de répression symbolique et de contrôle social empêchent systématiquement l’expression publique de ces expériences morales de l’injustice.
Après avoir mené un travail d’interprétation des écrits de Karl Marx (1818-1883) avec le souci d’en dégager la « logique de l’émancipation », tout en soulignant leurs limites – en particulier sur sa conception de la conflictualité sociale –, A. Honneth se penche sur l’œuvre de M. Foucault (Honneth, 2017), pour pointer des limites des « critiques du pouvoir » incapables à ses yeux d’expliciter la teneur réelle de leurs composantes morales-pratiques (Honneth, 2016). Ce constat fonde son travail de reconstruction d’un concept – la reconnaissance – appelé désormais à jouer un rôle clé dans sa théorie. À ses yeux, le jeune G. W. F. Hegel recèle les ressources pour développer une théorie intersubjective du conflit en reconstruisant le thème de la « lutte pour la reconnaissance » (Honneth, 1992).
C’est aussi et surtout, une conception du conflit dont l’apport est d’échapper à la tradition hobbesienne de la lutte pour « l’auto-préservation » et pour la « maximisation » du profit, dans laquelle la théorie du conflit reste enfermée depuis la naissance de la théorie libérale. A. Honneth s’emploie dès lors à reconstruire cette « tradition sous-terraine » d’une théorie du conflit dont le propre n’est pas d’accroître les antagonismes et les égoïsmes individuels, mais de se rapporter aux autres sous forme relationnelle en gagnant l’accès à une construction intersubjective de soi, en tant qu’individu ou groupe social.
Le public de la lutte pour la reconnaissance
Ce cheminement conduit A. Honneth à élaborer le cadre théorique de la « lutte pour la reconnaissance » (Kampf um Anerkennung), du nom de l’ouvrage qu’il publie en 1992 et qui marque une étape majeure de son travail. L’ouvrage développe une conception de la conflictualité ancrée non pas dans la préservation de soi et la lutte « de tous contre tous » conduisant à la destruction de toute forme de société, comme c’est le cas depuis Thomas Hobbes (1588-1679) et Nicolas Machiavel (1469-1527), mais dans l’établissement de relations de reconnaissance dont on peut montrer – avec G. W. F. Hegel – qu’elles sont au fondement même du social. L’opération théorique radicale qu’opère A. Honneth dans cet ouvrage se nourrit des apports du jeune G. W. F. Hegel, pour qui le conflit est au fondement de toute société. À la différence de T. Hobbes pour qui le conflit signifie l’impossibilité de toute vie collective – et donc l’appel à l’État pour assurer les conditions de cette dernière – la conflictualité ne mène pas à sa perte fatale car elle est pensée d’emblée dans un schéma relationnel. Si les sujets s’engagent dans la lutte, ce n’est pas pour abattre l’autre mais pour accéder à son attention et exister de manière positive à ses yeux, de façon « intersubjective ». Un tel modèle permet à A. Honneth de montrer que la lutte a pour fondement une atteinte à soi, formulée dans le cadre d’une relation à autrui, et non pas une volonté de se débarrasser d’autrui comme c’est le cas dans le libéralisme hobbesien. Et la seule manière de réparer cette atteinte réside dans la relation à autrui et la reconnaissance conférée par l’autre.
Par extension, il est possible d’adosser à ces attentions une dimension morale, puisque cette quête relationnelle se laisse reconstruire comme le fondement d’une morale en concourant à l’établissement de relations dans laquelle les individus s’accordent les uns aux autres autant de respect qu’ils ont pour eux-mêmes. Pour reconnaître l’autre, pour le rendre visible et lui conférer une valeur sociale, les partenaires d’interaction doivent en effet se décentrer mutuellement en endossant le point de vue de l’autre et donc en renonçant aux gestes et aux actions qui relèveraient d’un geste purement égocentrique. « Dans l’acte de la reconnaissance, souligne ainsi Honneth, un décentrement s’opère chez le sujet parce qu’il concède à un autre sujet une “valeur” qui est la source d’exigences légitimes qui contrarient son amour-propre » (Honneth, 2006 : 238).
Si la reconnaissance est un bien pour lequel les acteurs individuels et les groupes sociaux s’engagent dans des luttes, c’est aussi que la non-reconnaissance est une expérience négative affectant en profondeur le rapport à soi des sujets concernés. La lutte est le mouvement par lequel leurs attentes de reconnaissance blessées sont formulées dans un geste public mû par l’espoir de regagner la reconnaissance dont ils sont privés. L’expérience du mépris sur laquelle cette lutte prend forme a des effets délétères sur le rapport à soi des sujets et des groupes concernés puisque ces derniers ne parviennent pas à se rapporter à eux-mêmes de manière entière à travers le regard d’autrui. Aussi développent-ils un rapport dépréciatif sur eux-mêmes dans une relation mutilée à eux-mêmes et aux autres, en s’envisageant sous le prisme de l’autodépréciation.
Plusieurs écrits ultérieurs à Kampf um Anerkennung complexifient ce modèle de la non-reconnaissance abordé jusque-là en termes de mépris social, en l’élargissant d’abord à l’invisibilité (Honneth, 2006). Le propre de l’invisibilité n’est pas de déprécier des sujets sociaux mais, tout bonnement, de les ignorer en les effaçant de la surface des relations sociales. L’expérience décrite par Ralph Ellison (1914-1994 ; 1952) dans Invisible Man est pour ainsi dire paradigmatique de ce type de relations d’effacement : l’homme invisible est bien « un être humain de chair et de sang, mais “on” ne souhaite pas le voir ; “on” regarde directement à travers lui ; il est tout simplement invisible pour tout le monde » (Honneth, 2006 : 225). C’est une forme d’humiliation « qui rend invisible, fait disparaître, qui ne correspond évidemment pas à une non-présence physique, mais plutôt à une non existence au sens social du terme » (ibid.). L’invisibilité est ainsi une expérience profonde de non-reconnaissance, en ce que les personnes rendues invisibles se voient privées de toute « surface » relationnelle à travers laquelle les êtres humains se rendent perceptibles les uns aux autres. Rendu invisible, il est traité non pas comme l’objet d’un mépris explicité mais comme un être non-existant, qu’on ne regarde pas, et qui, à la rigueur, n’est pas même l’objet d’une dévalorisation. Il n’entre pas dans le jeu interactionnel de la relation où se jouent les rapports de reconnaissance, il est rendu « transparent » (Honneth 2006 : 226-230).
Une telle expérience de la non-reconnaissance donne lieu à un type d’expérience négative spécifique que l’on peut qualifier d’expérience de l’invisibilité (Voirol, 2005 ; 2009). Lorsqu’elle se développe en tant qu’expérience négative éveillant le désir de regagner une part de l’attention relationnelle dont les sujets rendus invisibles ont été privés, cette expérience négative se mue en lutte dont la visée est de gagner ou de regagner une surface d’attention minimale à partir de laquelle peuvent se redéfinir des formes de la valorisation sociale. On parle alors de « luttes pour la visibilité » (Voirol, 2005) pour qualifier ce genre de conflictualité dont l’objet est avant tout la constitution d’un espace de manifestation mutuelle des sujets impliqués dans le jeu interactionnel (Voirol, 2005 ; Dubuis, 2014). L’idée est que pour pouvoir s’engager dans des luttes pour la reconnaissance et avoir l’espoir d’être reconnus et appréciés à l’aune de leurs propres qualités, les sujets concernés doivent au préalable lutter pour être vus et perçus au sein d’un espace de relations, et donc engager préalablement une « lutte pour la visibilité ».
C’est dans un esprit similaire qu’A. Honneth relit et réactualise la thèse de György Lukács (1885-1971) sur la réification, développée dans Histoire et conscience de classe (1923), tout en complexifiant ses descriptions antérieures des expériences de non-reconnaissance. Il s’agit dans ce cas d’un « oubli de la reconnaissance » particulièrement retors étant donné qu’il transforme les sujets concernés en « choses » privées de toute qualité humaine. La réification renvoie au caractère même d’être humain qui semble remis en cause dans de tels rapports, les sujets auxquels la reconnaissance est refusée étant littéralement traités comme des « choses » (Honneth, 2005). La réification est un processus auquel on aboutit lorsque les relations de reconnaissance ancrées dans ses pratiques sociales sont oblitérées au profit, soit d’une concurrence dans laquelle les participants deviennent de purs outils, soit d’une forme de présentation de soi standardisée selon des dimensions formelles au point d’effacer toute la dimension vivante et pratique de la personne (ibid.).
C’est aussi dans un souci de rendre compte non seulement d’une pluralité de formes de non reconnaissance mais d’une pluralité de formes de reconnaissance dans les sociétés modernes qu’A. Honneth différencie (dès 1992) des sphères normatives de la reconnaissance qui prennent la forme de l’amour, du droit et de la solidarité. La reconnaissance affective de la première sphère dépend d’une pratique affective et émotionnelle des participants qui se reconnaissent mutuellement dans leurs besoins affectifs et charnels, et leur singularité individuelle. Aux antipodes de cette reconnaissance singulière et familière, la reconnaissance juridique, dont le médium est le droit, assure une égale intégration dans une « communauté juridique » à laquelle les sujets prennent part au prix d’un effacement de toutes leurs particularités et leurs singularités. Ils y prennent part à titre de « citoyen·nes », indépendamment de leurs singularités ou de leurs appartenances sociales ou culturelles spécifiques. Autrement dit, les propriétés au cœur de la première sphère de reconnaissance sont, dans la seconde sphère normative, de graves facteurs perturbateurs qu’il convient de neutraliser. Quant à la troisième forme de reconnaissance, elle porte sur l’estime sociale conférée à leurs activités et à leurs habiletés, exercées au cours de leurs expériences antérieures.
À ce stade, nulle place n’est faite, dans cette théorie, à la question de l’espace public ou des publics, la sphère de la solidarité n’étant pas en tant que telle un espace public quand bien même elle en présente certaines caractéristiques. Il est cependant évident que les luttes pour la reconnaissance sont des processus collectifs qui engagent des groupes dont la manifestation suppose qu’ils se constituent en tant que publics organisés sur la base des expériences de leurs membres et des énoncés qu’ils produisent quant à leur sens, leur contenu et leurs aspects moraux (Honneth, 1992 ; Voirol, 2003). Pour parvenir à un tel degré d’explicitation au sein d’un public, toute une série d’opérations sémantiques, morales et sociales sont nécessaires, grâce auxquels un public actif se met à exister dans la lutte.
À ce public interne à la lutte s’ajoutent les publics externes auxquels s’adressent ces luttes en explicitant leurs exigences. Car les groupes constitués comme des publics actifs s’adressent à des acteurs et des instances de l’espace public, et doivent ce faisant formuler et « formater » leur vocabulaire de revendications pour rendre leurs causes audibles et leurs exigences sociales et politiques recevables au sein d’un cadre normatif partagé (Voirol, 2009). La lutte pour la reconnaissance ne fait alors pas l’impasse sur une série d’opérations de critique, de justification et d’argumentation de ces causes au sein d’un espace public élargi composé de soutiens mais aussi d’adversaires de ces luttes.
La question de la lutte pour la reconnaissance rencontre vite la théorie de l’espace public délibératif au sein des démocraties modernes. On comprend dès lors qu’en dépit du déplacement conséquent par A. Honneth, du modèle consensuel de l’agir communicationnel au modèle agonistique du conflit de reconnaissance, les questions soulevées par J. Habermas en termes d’entente publique et de légitimation réapparaissent tôt ou tard – ce qui explique la place substantielle qu’occupera la théorie de l’espace public dans les travaux ultérieurs d’A. Honneth.
Le public de la liberté sociale
Il faut attendre une étape supplémentaire d’élaboration de sa philosophie pour voir apparaître une théorie de l’espace public au sein du cadre qu’il a développé à partir du modèle jeune hégélien de la « lutte pour la reconnaissance ». Fidèle à son projet précoce de revenir à G. W. F. Hegel pour réactualiser des dimensions restées dans l’ombre de la théorie habermassienne de la communication, A. Honneth s’emploie désormais à un travail de réactualisation de la philosophie du droit de G. W. F. Hegel – dont une étape clé fut la publication des « pathologies de la liberté » (Honneth, 2001). Le premier volet de ce projet consiste à reprendre à son compte, et en le réactualisant, le diagnostic posé par G. W. F. Hegel sur la société de son temps, en termes de souffrances générées par l’« indétermination » du processus de modernisation. Ces souffrances font écho à celles qui sont générées par les retombées négatives des réformes néolibérales au sein des sociétés contemporaines.
Le second volet de cette réactualisation porte sur la catégorie centrale de la philosophie hégélienne, à avoir la liberté. A. Honneth s’efforce à présent de reconstruire cette catégorie à partir du cadre intersubjectif de la reconnaissance qu’il a développé jusque-là. Les sociétés modernes ont inscrit selon lui ce principe de liberté dans toute une série d’institutions centrales à ces dernières. Pour bien saisir ce geste, il convient de se déprendre de la conception « négative » de la liberté héritée de T. Hobbes et de toute la tradition libérale – qui restreint la liberté à une absence de contraintes. En outre, il convient selon A. Honneth d’aller au-delà de la conception subjective (kantienne) de la liberté – comme liberté de réflexion et de pensée subjective. Selon lui, la liberté doit être pensée dans des termes relationnels – comme une liberté sociale – dont l’exercice ne s’opère pas dans le relâchement des liens et des relations, mais au contraire dans leur affermissement.
Pour être plus précis, A. Honneth (2011 : 66) décompose le concept de liberté selon deux sphères d’action distinctes : le droit et la moralité relèvent de la possibilité de la liberté, laquelle se distingue de la réalité de la liberté dont la « liberté sociale » est la manifestation effective. La « liberté sociale » – dont Honneth souligne qu’elle est à mettre au compte de G. W. F. Hegel – s’épèle en trois modalités distinctes dans un schéma normatif reformulant le modèle des sphères de reconnaissance, mais à l’aune cette fois-ci du principe de la « liberté communicationnelle » : la sphère des relations interpersonnelles (amitié et amour), celle de l’économie de marché et celle de l’espace public démocratique.
Ce projet repose dans son ensemble sur l’idée – inspirée de Talcott Parsons (1902-1979) – selon laquelle la reproduction des sociétés dépend de l’existence d’une orientation commune vers les valeurs centrales et fondatrices qui se répercutent sous la forme de normes de justice au sein de différentes sphères sociales d’action subordonnées au système culturel général qui définit des attentes de rôle, des engagements et des idéaux. Aussi, selon A. Honneth (2011 : 15), dans les sociétés libérales modernes, toutes les normes « secondaires » peuvent être rapportées à la « valeur ultime » de la liberté individuelle, entendue comme « l’autonomie de l’individu ». Les sociétés modernes doivent donc s’appuyer sur la notion de liberté pour justifier les institutions dignes de reconnaissance en leur sein.
A. Honneth (ibid. :17) examine ainsi les institutions modernes de la « liberté sociale » en s’efforçant d’en retracer le parcours historique à partir de l’idée qu’elles sont « le résultat d’un processus d’apprentissage de plusieurs siècles ». Dès lors, il s’efforce de reconstruire l’histoire de leur développement à l’aide de critères rétrospectifs, en se donnant les moyens de retracer la longue histoire du progrès des institutions modernes. Pour ce faire, il développe une méthodologie qu’il qualifie de « reconstruction normative » de la « grammaire morale » des sociétés modernes (ibid. : 15-29). La méthode de la reconstruction normative poursuit un objectif fondé sur la philosophie du droit de G. W. F. Hegel consistant à « élaborer une théorie de la justice à partir des préconditions structurelles de nos sociétés » (ibid. : 18). Honneth s’efforce de surmonter le déficit de la théorie normative idéaliste et – à la suite de G. W. F. Hegel – de remédier à la séparation accrue entre sciences sociales empiriques et philosophie normative (Honneth, 2013 : 278).
C’est ainsi qu’il en vient à expliciter – tardivement dans son travail théorique puisqu’il faut attendre 2011 – les contours d’une théorie de l’espace public. A. Honneth s’emploie à montrer comment s’est institutionnalisée cette troisième dimension de la liberté sociale renvoyant à l’espace public démocratique. Ce dernier apparait à ses yeux comme un espace intermédiaire entre la sphère des relations personnelles et la sphère de l’État de droit : « L’institutionnalisation de la sphère publique démocratique ouvre un espace social intermédiaire, où se construisent dans la confrontation délibérative entre citoyens les convictions recevables pour tous, auxquelles le Parlement devra ensuite se tenir dans son action légiférante, conformément aux procédures de l’État de droit » (Honneth, 2011 : 393). C’est, en effet, selon A. Honneth, dans le dispositif social des États de droit moderne que la reconstruction des conditions de réalisation de la liberté « trouve son ultime et suprême finalité […] parce que ici les citoyens se prononcent collectivement, dans l’échange discursif des opinions, sur la meilleure manière d’organiser leurs rapports » (ibid. : 393).
A. Honneth procède en trois temps dans cette partie sur l’espace public. Cette dernière consiste premièrement à reconstruire sur le plan normatif l’évolution historique de l’espace public démocratique jusqu’à l’époque contemporaine, pour faire apparaître les « déficits actuels relativement aux pratiques communicationnelles sans lesquelles il ne peut se développer » ; deuxièmement, à analyser l’évolution de l’État de droit moderne à l’aune de l’état actuel de la liberté sociale ; et, troisièmement, à esquisser les formes que devraient prendre aujourd’hui une culture politique de l’éthicité démocratique.
C’est donc en investiguant « l’élément central dans la sphère politique de la délibération publique et de la formation de la volonté collective » (ibid. : 392) qu’est menée à bien la reconstruction normative de la troisième sphère de « matérialisation de la liberté sociale ». L’institution de l’espace public politique tel qu’elle est apparue au XIXe siècle représente un « système de liberté sociale » (ibid. : 394) s’adossant aux deux autres systèmes d’action propre à la sphère des relations personnelles et à celle de l’économie de marché – des prérequis de la liberté sociale selon Honneth. « Sans ces prérequis, les citoyens et citoyennes ne jouissent pas des conditions sociales leur permettant de prendre pleinement et librement part à la formation démocratique de la volonté collective » (ibid. : 393). Car la réalisation de la liberté sociale dans l’espace public démocratique présuppose la concrétisation minimale des principes de cette liberté au sein de la sphère des relations personnelles ainsi que dans la sphère du marché. Aussi la formation délibérative de la volonté collective n’honore-t-elle ses propres principes de légitimation que lorsqu’elle offre « aux luttes pour la liberté sociale des relais et des appuis dans les deux autres sphères » (ibid. : 394).
A. Honneth montre que cette sphère tout d’abord exclusive s’est peu à peu élargie au fur et à mesure que s’élargissaient les conditions d’exercice de l’« éthicité démocratique ». C’est par la lutte menée par différents acteurs et groupes sociaux jusque-là exclus (ouvriers, femmes, etc.), pour y prendre place et y être entendus, que s’est faite cette extension et que les conditions d’existence des institutions d’un espace public moins exclusif ont été peu à peu assurées. Alors qu’il était tout d’abord réservé à des hommes blancs issus de la bourgeoisie, et ceci en dépit de sa prétention à l’universalité, l’espace public s’est élargi à des groupes sociaux qui en étaient initialement exclus. Ce fut le cas des femmes qui, alors qu’elles furent actrices à part entière de la Révolution française, se trouvèrent vite reléguées à la sphère domestique dans les décennies qui suivirent, sans jamais baisser les bras quant à leurs exigences d’égale participation à la vie publique. Ce fut aussi le cas de la classe ouvrière et, plus généralement, des milieux populaires, dont les efforts se concentrèrent sur la mise en place d’une organisation socio-politique autonome permettant de constituer un public au sein duquel des modes d’expérience, d’expression et de délibération se constituèrent de manière très différente que dans l’espace public bourgeois dont le salon littéraire du XVIIIe siècle était le modèle (Thompson, 1963 ; Honneth, 1984 ; Negt, 1972). Grâce à ces luttes et à ces transformations, la « liberté sociale » s’est progressivement étendue dans les institutions de la sphère publique en rendant cette dernière plus inclusive.
Les conditions de la participation à l’espace public démocratique
Après avoir dégagé les processus historiques d’élargissement de la liberté sociale, A. Honneth (2011 : 426) poursuit sa « reconstruction normative de l’espace public démocratique », en proposant de « prendre une vue d’ensemble des conditions de la liberté sociale dans la sphère publique démocratique » (ibid. : 444). Ce faisant, il dégage une série de conditions, au nombre de six. La première condition normative est de pouvoir disposer de droits de libre expression et de participation politiques, garantis par la Constitution, dans le cadre d’un État de droit démocratique. Ces garanties juridiques de pouvoir participer au « processus démocratique de l’auto-législation collective » encadrent l’échange discursif avec les personnes concernées par les décisions politiques. Mais cette première condition formelle est insuffisante en raison de moult obstacles à la réalisation de ces pratiques de formation de la volonté collective. Bien d’autres conditions « indispensables à l’exercice de plein droit de la liberté sociale dans la sphère publique démocratique » (ibid. : 444) doivent être assorties à cette première condition. C’est le cas de la seconde condition consistant à pouvoir disposer d’un espace de communication commun transversal aux différentes classes, à travers lequel « les personnes impliquées dans la formation démocratique de la volonté ont l’opportunité de reconnaître que certaines décisions répondent à leur intérêt commun » (ibid. : 445) et pour lesquelles les groupes concernés puissent s’engager dans un échange d’opinions. D’abord restreint au cadre des États nations modernes (au cours du XVIIIe siècle), un tel espace de de formation d’intérêts communs doit se désenclaver pour s’élargir au transnational ainsi qu’à des thématiques diversifiées.
Quant à la troisième condition, elle concerne l’existence d’un système médiatique assurant une communication à large échelle et qui permet la discussion publique parmi des personnes qui se reconnaissent et s’impliquent dans la formation démocratique de la volonté politique. Pour que les membres d’un public anonyme soient capables de prendre part à un espace de communication – respectivement comme orateurs et comme auditeurs –, de manière à « se faire une opinion aussi concordante que possible sur la solution la plus souhaitable des problèmes sociaux », il est indispensable qu’existe un « système hautement différencié de médias de masse qui, en éclairant la naissance, les causes et les différentes interprétations possibles des problèmes sociaux, permet au public de se forger une opinion et de faire des choix en connaissance de cause » (ibid. : 445). Leur rôle est de développer un langage susceptible de décrire les problèmes de manière détaillée tout en éclairant le contexte, avec une précision sociologique tout en restant compréhensibles et en apportant « un outil maniable par tous » (ibid. : 446).
La quatrième condition de réalisation de la liberté sociale dans la sphère publique démocratique porte sur la capacité des citoyens et citoyennes de s’engager dans des délibérations publiques ayant un caractère concret. L’échange d’idées nécessite en effet des activités matérielles de médiation assurant des formes concrètes d’interactions sur lesquelles prennent appui les formes indirectes et généralisées d’échanges délibératifs, fondés sur des moyens techniques de communication. L’espace public de formation de la volonté politique perd en effet toute sa vraisemblance s’il reste un processus à distance ou s’il se résume à un simple appel à la délibération, sans se concrétiser dans des pratiques matérielles de discussion et d’échange, appuyées sur des médiations matérielles ancrées dans des situations pratiques de l’existence. Les « activités matérielles de médiation » servant à préparer et à mettre en œuvre l’expression concrète des divergences de vues sont donc des conditions essentielles pour « reconcrétiser l’entente communicationnelle ».
À cette dimension matérielle de l’espace public s’ajoute une cinquième condition de réalisation de la liberté sociale dans la sphère publique démocratique, qui porte sur l’engagement civique et citoyen. Ce dernier doit être vivant entre des membres étrangers les uns aux autres mais qui doivent néanmoins être assurés de leur « appartenance politique commune » (ibid. : 448). Sans engagement civique vivant des individus participant à l’espace public, et sans l’existence d’une culture politique propres à stimuler des « sentiments de solidarité citoyenne », une forme d’apathie politique suscitant un « recul d’une culture politique de l’engagement civique » tend à s’accroître, en condamnant cette sphère à demeurer une coquille vide. On retrouve une exigence similaire dans la sixième condition de la liberté sociale de la formation démocratique de la volonté, sous la forme de l’assurance de la croyance des citoyen·nes dans la réalisation collective de leurs choix. Les membres de la société qui se complètent dans la confrontation de leurs options doivent en effet pouvoir « croire que leurs choix sont assez efficients pour se traduire dans la réalité collective » (ibid. : 465). Depuis les révolutions démocratiques des XVIIIe et XIXe siècles, l’organe social qui doit apporter une effectivité à ces convictions est l’État de droit démocratique.
Ces six conditions de la réalisation de la liberté sociale dans la sphère publique démocratique sont des exigences qui, dans la plupart des cas, ne sont pas remplies dans les sociétés contemporaines. En revanche, A. Honneth souligne que « la réalisation de la liberté sociale dans l’espace public démocratique présuppose […] que les principes de cette liberté soient déjà au moins partiellement réalisés dans les sphères des relations personnelles et de l’économie de marché » (ibid. : 394). Si ces deux autres sphères ne réalisent pas les conditions de la liberté sociale, alors « les citoyens ne jouissent pas des conditions sociales qui leur permettraient de prendre pleinement et librement part à la formation démocratique de la volonté collective » (ibid. : 393). En réalité, ces six conditions de la réalisation de la liberté sociale dans la sphère publique démocratique doivent être comprises, selon Honneth, à la fois comme des exigences impossibles à satisfaire dans l’entièreté de leurs implications et des conditions nécessaires à l’existence de l’espace public. Car, sans elles, « nous verrions s’effondrer le projet même de comprendre la sphère publique démocratique comme un espace de liberté sociale » (ibid. : 581). Les normes pratiques engagées dans la sphère publique démocratique et qui sont explicitées par la « reconstruction normative » sont ainsi des points de repères indispensables à l’analyse puisque, sans elles, « tout critère ferait défaut pour mesurer les dérives de l’espace public ou les atteintes qui lui sont faites » (ibid.). C’est donc à partir de ces critères normatifs implicites qu’il est possible d’examiner le développement des formes de la discussion publique et d’évaluer les « évolutions manquées » de l’espace public démocratique.
Les évolutions manquées de l’espace public
C’est là le dernier aspect majeur de cette théorie de l’espace public adossée au concept de liberté sociale : son examen critique des « évolutions » manquées. A. Honneth montre que les processus d’institutionnalisation des valeurs de liberté s’accompagnent aussi de formes de relations et d’institutionnalisation « manquées » (Carré, 2015), dues au fait que les institutions de l’espace public ne réalisent que partiellement et souvent de manière erronée les normes de la liberté sociale. On assiste dès lors à des distorsions de la sphère publique de formation de la volonté collective, qui peuvent mettre en danger sa capacité à se reproduire.
Parmi moult processus destructeurs de l’espace public démocratique relatifs à ces « évolutions manquées », quelques-uns parmi les plus pernicieux se laissent aisément identifier. C’est le cas notamment de la domination symbolique exercée sur l’espace public par un groupe social lorsque ce dernier exerce son emprise, sinon son monopole, sur cet espace à travers le pouvoir d’emprise de ses thèmes et de ses énoncés. Cet espace censé réaliser la « liberté communicationnelle » se mue alors en opérateur d’imposition de points de vue au service de ce groupe social privilégié et au détriment de tous les autres. Lorsque cette logique de domination est poussée à l’extrême, on assiste à une situation hégémonique à travers laquelle une conception du monde unique s’impose à l’espace public dans son ensemble. C’est un manquement évident au principe normatif de l’espace public car, loin de réaliser le principe de la liberté sociale contenue dans les institutions de la sphère publique démocratique, l’hégémonie le mutile en faisant passer pour générales et partagées des prétentions particulières. La réalisation manquée des normes propres aux institutions de la liberté sociale dans la sphère publique apparaît dès lors comme une forme pathogène de la sphère publique démocratique. Elle affaiblit considérablement la possibilité de la critique et des efforts menés pour la pleine réalisation de la liberté sociale dans l’espace public contemporain (Voirol, 2015).
Les tendances vers une telle homogénéisation forcée de l’espace public démocratique – qui étaient déjà critiquées par John Dewey (1859-1952) dans les années 1920 lorsqu’il pointait la responsabilité de l’assujettissement des médias à des « objectifs capitalistes de rentabilité » – contrecarrent « l’élargissement de la liberté sociale, tel que l’annonçait le principe de formation démocratique de la volonté publique » (Honneth, 2011 : 425). Elle s’accompagne du risque d’une fragmentation sociale accrue liée au fait que « les groupes déviant de la ligne imposée se voient contraints de se replier sur eux-mêmes en créant des espaces de niche » (ibid. : 424). Ce danger pesant constamment sur les démocraties libérales est d’autant plus fort qu’il est difficile de garantir, dans l’opinion, « un pluralisme suffisant pour qu’un rapport équilibré s’établisse entre les forces centrifuges et les forces centripètes au sein de la sphère de la formation publique de la volonté collective » (ibid.).
Sans doute n’est-il pas découplé des formes de décomposition de l’espace public qui se manifestent sous la forme de l’apathie politique et du « repli privatif ». Dès lors que les conditions de réalisation de la liberté sociale dans la sphère publique ne sont plus garanties de manière systématique, toute la culture publique en pâtit. Elle tend à se déliter, jusqu’à la dissolution de l’espace public comme sphère d’entente politique – dissolution que diagnostiquaient déjà J. Habermas et Hannah Arendt (1906-1975) dans les années 1950. En effet, dès les années 1920 et 1930, « beaucoup de membres de la société semblent avoir été généralement peu motivés pour intervenir dans le débat public et dans le processus de formation de la volonté collective » (ibid. : 426). A. Honneth souligne que la culture de l’engagement public dans l’échange et la discussion collective est d’autant plus fragile qu’elle ne dépend, à la différence des deux autres sphères de la liberté dans lesquelles nous sommes inclus par nécessité de survie matérielle (économie) ou psychique et physique (sphère interpersonnelle), que de choix explicites : nous décidons de nous impliquer ou non dans « la sphère de la formation démocratique de la volonté publique » (ibid.). Cette sphère de la liberté sociale ou « nous nous complétons mutuellement en tant que citoyens échangeant des arguments politiques n’est pas un complexe institutionnel, pas une structure relationnelle à laquelle nous serions spontanément amenés à participer en raison de besoins établis ou d’intérêts vitaux » (ibid.). Cela soulève la question du repli privatif et du retrait hors de la sphère publique, et donc de la dépolitisation et du « désintérêt des sujets pour les libertés promises par l’institution ».
Le public expérimental du socialisme
En tirant les conséquences sur un plan plus politique de ses travaux sur la « liberté sociale », A. Honneth entreprend de revisiter la conception du socialisme et de la « reconstruire » sur la base de ce principe d’« éthicité démocratique ». Il entend surtout montrer que son projet de reconstruction normative de l’horizon de la modernité effectué dans Le Droit de la liberté ne se contente pas d’expliciter des normes implicites dans les pratiques sociales mais qu’il implique en réalité une transformation profonde de l’ordre social existant ainsi qu’une autre conception des institutions. Ce faisant, il revisite et réactualise « l’idée de socialisme » (Honneth, 2015). Son projet vise plus précisément à « libérer le socialisme des scories d’une structure de pensée enracinée dans le XIXe siècle, en lui donnant un contenu approprié à notre présent » (Honneth, 2015 : 137). Le « socialisme réinventé » proposé par A. Honneth entend harmoniser les principes de liberté, d’égalité et de solidarité, par-delà les limites du libéralisme ; il vise tout autant à « congédier l’idée du prolétariat comme sujet révolutionnaire, et à remplacer la conception ancienne d’une société dominée par l’économie ou sa réappropriation sociale par celle d’une forme de vie démocratique. Dès lors, A. Honneth (2011 : 111) s’en prend vivement à l’« incapacité des premiers socialistes à accepter comme un effort normatif la différenciation fonctionnelle des sciences sociales modernes ».
À ses yeux, le socialisme des « pères fondateurs » s’est fourvoyé en s’efforçant de supprimer l’hétéronomie et le travail aliéné dans la seule sphère économique, et en postulant que les autres rapports sociaux allaient être automatiquement transformés par cette libération. Pourtant, deux autres domaines se sont fortement différenciés au fil du processus de modernisation dans les sociétés démocratiques, et ils sont de première importance : celui des relations personnelles et affectives, et celui de la formation démocratique de la volonté politique, eux aussi reliés à une forme de liberté sociale. Selon A. Honneth, un « socialisme révisé » doit partir du fait que « ces trois domaines constituent des sphères d’activités dans lesquelles devraient régner des rapports de réciprocité sans contrainte, et donc des conditions de liberté sociale » (Honneth, 2011 : 118).
Surtout, le socialisme doit indiquer selon lui comment ces sphères autonomes de liberté sociale sont susceptibles de « s’articuler adéquatement entre elles » (Honneth, 2011 : 117). Car en vertu de la logique de la différenciation fonctionnelle, chacune de ces sphères doit pouvoir obéir à ses propres logiques normatives sans être écrasée sous le poids d’une autre sphère. Chaque sphère répond à ses propres normes en suivant la logique de la différenciation fonctionnelle, dans une interaction et une interdépendance sans contrainte, grâce à une intégration harmonieuse dans un « tout organique ». Chacune de ces sphères assure la dynamique de reproduction de « l’unité supérieure de la société » dans son ensemble (Honneth, 2011 : 121). La société « socialisée » ressemble donc moins ici à un ordre centré sur les rapports de production, comme pouvait l’être le socialisme historique, qu’à un « ensemble organique de cercles fonctionnels indépendants, coopérant dans un même but, et dont les membres, de leur côté, agissent les uns pour les autres dans des conditions de liberté sociale » (Honneth, 2011 : 122).
C’est précisément là qu’intervient l’espace public, dont le rôle est décuplé dans ce « socialisme révisé », puisqu’il lui revient d’assurer une interaction adéquate entre ces différentes sphères d’activité en assumant la « gestion intégrative de la collectivité ». À cet espace public, doivent pouvoir se joindre sans contraintes et sans limites toutes les personnes concernées dans une « multiplicité de voix » et de points de vue exprimés. Grâce à ces publics actifs dont les membres sont ancrés dans différentes réalités pratiques, la société dans son ensemble peut être en tout temps alertée sur des problèmes rencontrés dans les sphères particulières ou des difficultés se présentant au niveau de leur articulation mutuelle. L’espace public est alors le lieu de déploiement d’un agir démocratique grâce auquel « les dysfonctionnements rencontrés dans tous les recoins de la vie sociale commune peuvent être exprimés d’une manière audible pour tous et donc traités comme une tâche collective » (Honneth, 2011 : 127). Aussi se charge-t-il de « veiller au bon fonctionnement de la structure organique d’ensemble et d’en corriger au besoin l’agencement interne » (ibid.).
Assigné à cette lourde tâche de coordination de la collectivité, l’espace public politique devient ainsi le destinataire privilégié du socialisme dans cette version avancée de la théorie honnéthienne. Il répond à la volonté de « représenter politiquement les efforts d’émancipation dans tous les sous-systèmes de la société actuelle selon la perspective normative de la liberté sociale » (Honneth, 2011 : 129). Aussi le projet socialiste trouve-t-il dans l’espace public un destinataire effectif – et non pas un sujet de l’histoire ou une subjectivité collective – dont les efforts consistent à « essayer d’agir sur l’ensemble des personnes qui, au sein de la sphère pré-étatique de la coopération démocratique, sont réceptives aux protestations contre tous les dysfonctionnements, les injustices et les abus de pouvoir, témoignant de limitations symptomatiques de la liberté sociale au sein des différentes sphères de la société » (Honneth, 2011 : 128). Le socialisme apparaît dès lors comme une forme de vie démocratique articulée à un espace public expérimental dans lequel sont rejouées sans cesse les modalités pratiques de conduite de la vie sociale. Il est ainsi une forme active d’organisation du public dans laquelle ce dernier se saisit des modalités de son organisation et des réponses à apporter aux questions qui se posent à lui face aux troubles rencontrés dans l’activité collective (Honneth, 2015 ; Dewey, 1927).
Conclusion
À partir de son refus précoce de faire de l’entente langagière le seul référent pratique et normatif d’une théorie critique appelée à saisir les sociétés actuelles à l’aune de leurs conflits latents, A. Honneth n’a cessé de flirter avec la théorie de l’espace public tout en évitant de s’y engouffrer, en suivant de trop près les pas de J. Habermas. À l’entente langagière, il oppose l’expérience de la reconnaissance – à la fois pré-langagière et langagière – ; à la publicité, il préfère les processus de production de l’invisibilité publique ; enfin, à l’agir public il préfère l’examen des processus de réification. Sa reconstruction subséquente d’une conception sociale de la liberté offre des prises pour inscrire les normes incarnées dans les institutions de l’espace public démocratique, tout en pointant leur caractère fragmentaire et l’imperfection de leur réalisation. En développant sa théorie de la reconnaissance dans le sillage de la théorie habermassienne de la communication (Honneth, 2013, 1989) – beaucoup plus que dans le sillage immédiat des théories de T. W. Adorno, de Max Horkheimer (1895-1973) ou d’Herbert Marcuse (1898-1979) –, A. Honneth n’a cessé de renouveler et de tenter de « réactualiser » les prémices de la théorie francfortoise. Il la relit à sa manière, à l’aune d’une relecture originale de G. W. F. Hegel et en réinscrivant les processus intersubjectifs dans la chair concrète des relations de reconnaissance tout en étant sensible à leurs mutilations. Plus qu’à l’entente langagière, il s’est intéressé aux luttes engagées lorsque l’expérience est meurtrie et dont le lieu de déploiement est l’espace public. Son concept d’« éthicité démocratique » met l’accent, là encore, sur le soubassement « concret et matériel » de la discussion et de l’espace public démocratique.
À l’issue de ce parcours dans ses écrits – entre 1980 et 2015 – se dégagent quatre moments distincts relatifs à la question des publics et de l’espace public. Un premier moment se centre sur la question des « infrapublics », de l’expérience négative et des conflits larvés dont ils sont le lieu, sous le seuil de l’espace public dominant qui est doté de formes d’échanges et de délibération qui font violence à ces infrapublics « dominés ». Un deuxième moment se coagule autour du thème des luttes pour la reconnaissance en faisant apparaitre l’espace public comme lieu de fortes conflictualités en raison des batailles menées pour s’y faire voir et entendre, dans l’espoir de gagner en reconnaissance. Un troisième prend forme autour des valeurs clés de la « liberté sociale » dont les normes s’incarnent dans les institutions de l’espace public démocratique – à côté de la sphère des relations interpersonnelles et de la sphère des échanges économiques. Un quatrième moment voit le concept d’espace public endosser un rôle clé au sein d’un « socialisme revisité », puisqu’il devient l’espace d’articulation suprême des sphères normatives et le lieu où se reconstruit l’intégration dynamique de la collectivité dans son ensemble. Aussi l’idée d’espace public a-t-elle, sur près de quatre décennies, radicalement changé de fonction et de statut dans la théorie honnéthienne au fur et à mesure de son développement.
D’un concept marginal dans ses travaux initiaux, il est devenu un concept architectonique du projet critique dans ses travaux les plus récents – presqu’un « système des systèmes », à ceci près que la coordination systémique est remplacée par une activité d’articulation pratique et de délibération au sein d’un espace public agissant. Avec de forts accents deweyens, A. Honneth propose une théorie de l’espace public très différente de celle de J. Habermas qu’il critiquait dans ses premiers travaux. Mais on peut cependant se demander si, en chargeant à ce point l’espace public de moult tâches de coordination, il ne tombe pas sous le coup de la critique habermassienne de l’autogestion collective, la charge effective reposant alors sur l’activité communicationnelle du monde vécu, au risque de son épuisement.
En outre, on peut se demander si le déficit acquis par le concept d’espace public dans la théorie d’A. Honneth ne s’est pas fait à un prix élevé, à savoir la perte d’un tranchant critique de la discursivité publique dont ses travaux sur les infrapublics de l’expérience négative étaient le lot (Honneth, 2011). Car on ne voit plus guère le caractère excluant de l’espace public et ses formes de relégation et de mutisme. La reconstruction normative des institutions de l’espace public amène souvent A. Honneth sur le terrain de l’idéalisme qu’il s’emploie d’éviter, en mélangeant le factuel et l’idéal. Pas plus qu’on ne voit guère à l’œuvre, dans cette reconstruction, les dynamiques conflictuelles souterraines surgissant des expériences de l’injustice sur lesquelles se fondaient ses travaux antérieurs. Sa sensibilité sociale et théorique pour les infrapublics de l’expérience négative s’est indéniablement émoussée en cours de route.
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