De la philosophie de la culture à la sociologie de la connaissance. Vers une sociologie des publics et des générations médiatiques ?
Karl Mannheim (1893-1947) a grandi dans une famille juive à Budapest. Il y a étudié la philosophie, la pédagogie et l’histoire de la littérature allemande. Après des séjours d’études à Berlin et à Paris, il obtient son doctorat en 1918 avec une thèse sur L’Analyse structurelle de la théorie de la connaissance (« Strukturanalyse der Erkenntnistheorie » ; Mannheim, 1922) à Budapest, où il obtient une chaire de philosophie de la culture. Après l’échec de la révolution hongroise (1919), il émigre en Allemagne via Vienne, où il fait la connaissance de son épouse, la psychanalyste et psychologue Juliska Láng (1893-1955), et travaille comme chercheur indépendant. En 1926, il obtient son habilitation en sociologie à Heidelberg auprès d’Alfred Weber (1868-1958) et, en 1930, il devient professeur de sociologie à Francfort. En raison de l’antisémitisme, il est forcé de partir à Londres en 1933, où il enseigne, entre autres institutions, à la London School of Economics ; et ce, jusqu’à son décès en 1947.
Durant son séjour de Budapest, K. Mannheim s’est surtout intéressé aux questions de philosophie culturelle et a fait partie d’un cercle d’intellectuels autour de Georg Lukács (1885-1971) et Béla Balázs (1884-1949). En Allemagne, il a été influencé sociologiquement par Georg Simmel (1858-1918) et Max Weber (1864-1920) et philosophiquement par Karl Marx (1818-1883), Wilhelm Dilthey (1833-1911), Edmund Husserl (1859-1938), Martin Heidegger (1889-1976) et Max Scheler (1874-1928 ; Käsler, 1990 ; Mannheim, 1985 : 266-267). C’est sur cette base qu’il a développé sa sociologie de la connaissance (Namer, 2006), qui part du principe que toute pensée, toute reconnaissance et tout savoir sont liés à un espace social de la pensée (« Standortgebundenheit des Denkens »). Cette hypothèse ne relativise pas le savoir et la connaissance, mais les met en relation (Mannheim, 1985 : 242, 258) en pointant la position sociale et le contexte social comme variable explicative et indépendante par rapport aux processus individuels, psychiques ou intellectuels. Son ouvrage programmatique de sociologie de la connaissance Ideologie und Utopie (Mannheim, 1929a ; 1929b) est rapidement devenu un classique. Durant sa période londonienne, K. Mannheim se familiarise davantage avec le pragmatisme (John Dewey [1859-1952], Charles H. Cooley [1864-1929], Margaret Mead [1901-1978]) et la recherche sociale empirique ; il se penche de plus en plus sur les questions de politique, notamment sur l’organisation d’un ordre d’après-guerre (Käsler, 1990).
La compréhension de K. Mannheim (1985 : 227) du « lien à l’être du savoir » (« Seinsverbundenheit des Wissens ») se réfère au « lien social des théories et des modes de pensée », c’est-à-dire que les processus et les constellations sociales définissent fondamentalement le processus de connaissance quotidien et scientifique en tant que facteurs extra-théoriques (Mannheim, 1964a : 308). Il ne s’agit pas ici de tromperies idéologiques ou de distorsions individuelles, mais du fait que « les sujets connaissant » font nécessairement partie d’une société (Mannheim, 1985 : 228-231). Leur position sociale marque la structure de leur conscience et influence les aspects de leur perception, c’est-à-dire que tant la genèse que le contenu du savoir sont socialement marqués (ibid. : 243, 251).
Les individus adoptent et entretiennent des styles de pensée socialement marqués, que l’on pourrait aussi considérer, à la suite de Pierre Bourdieu (1930-2002), comme des habitus. Le conditionnement social du « sujet connaissant » et du processus de connaissance ouvre également des perspectives vers le socio-constructivisme (Beck, 1994 : 101-108 ; Beck, Büser, Schubert, 2016 : 13-70). Les conceptions positivistes et scientistes de vérités absolues hors du temps sont abandonnées, sans pour autant faire référence de manière vulgairement marxiste au seul lien économique de classe (Gabel, 1987).
Les œuvres de K. Mannheim ne sont pas utilisées aujourd’hui dans le seul domaine de la sociologie, elles servent également de référence et de base théorique dans la recherche sur les médias et la communication. Sans que K. Mannheim ait cherché ou présenté une sociologie de la communication originale, il a enseigné la sociologie de la presse et de l’opinion publique (Averbeck, 1999 : 216-217, 226-230). Ses réflexions sur la sociologie de la culture et de la connaissance, en particulier son texte sur la « pensée conjonctive et communicative » (Mannheim, 1980), achevé en 1925 mais publié seulement en 1980, et sa réflexion sur le « problème des générations » de 1928, offrent de riches possibilités de rattachement pour une modélisation différenciée et orientée sur les processus de la communication interpersonnelle, groupale et publique (Averbeck, 1999), ainsi que pour l’analyse sociologique de l’appropriation, de l’évaluation et de l’utilisation des médias.
Pensée conjonctive et communicative
Pour le sociologue de la connaissance qu’est K. Mannheim, la reconnaissance n’est pas un processus individuel, mais un processus social qui oscille entre deux pôles : la reconnaissance conjonctive et la reconnaissance communicative. Les deux sont marqués par des constellations sociales différentes. La « reconnaissance conjonctive » (Mannheim, 1980 : 211), pré-conceptuelle et pré-linguistique, étroitement liée à la petite communauté coprésente avec un espace d’expérience partagé, constitue le point de départ logique (pas nécessairement historique). Par la « contagion directe » (Mannheim, 1980 : 208), les hommes sont affectés par des objets ou par d’autres hommes dans le même espace d’expérience ; ils forment une relation existentielle. Une forme est reconnue au sens de la psychologie de la forme (Mannheim, 1980 : 211) ; et ce, à partir d’une certaine perspective qui n’est compréhensible que pour ceux qui font partie de la communauté d’expérience (Mannheim, 1980 : 207-211). Comme dans la perspective interactionniste de M. Mead et contrairement aux conceptions contemporaines dominantes de la connaissance et de la communication, il ne s’agit pas d’une simple relation stimulus-réponse : l’orientation et le changement réciproques au sein du groupe sociale ou de la dyade sont typiques des communautés d’expérience conjonctives et même de la connaissance de soi. La « contagion psychique » débouche sur la « compréhension de l’existence » d’une chose ; la compréhension de son contenu de sens, de sa signification, nécessite une « interprétation » (Mannheim, 1980 : 271-272). La « validité conjonctive » (ibid. : 213) de cette connaissance la distingue d’une généralité objective et codifié que revendique le savoir scientifique (naturel) : sont reconnues de manière conjonctive des réalités mentales et des représentations collectives (au sens d’Émile Durkheim [1858-1917]), c’est-à-dire « non pas […] le monde en soi […], mais le monde tel qu’il est à un certain stade […] du processus de devenir d’une communauté » (Mannheim, 1980 : 265). À la différence de la reconnaissance, de la compréhension et de l’interprétation conjonctives, K. Mannheim (ibid. : 272) désigne la « compréhension » des déclarations « sur-conjonctives » comme un langage abstrait et spécialisé des sciences naturelles.
Le « domaine de communicabilité » (« Mitteilbarkeitsbereich ») de la connaissance conjonctive se limite à ceux qui participent à l’expérience et à la relation existentielle. Les termes linguistiques de la pensée conjonctive ne sont pas encore des termes généraux clairement définis d’un système de classification non contradictoire. Il s’agit de noms et de désignations dont la fonction dans la « parole vivante » (Mannheim, 1980 : 218) est de fixer, de « bannir » (ibid. : 221) l’expérience commune spécifique au-delà de la situation. Les expériences conjonctives sont stéréotypées par le langage, mais ne sont pas généralisées au-delà des limites de la communauté d’expérience en direction de la société (Mannheim, 1980 : 226 reprend ici la distinction de Ferdinand Tönnies [1855-1936]). Dans l’espace d’expérience conjoncturel, la communication se limite aux messages entre des personnes initiées qui sont des « connaisseurs » (ibid. : 241), c’est-à-dire qui connaissent le secret de ce qui est dit et comprennent implicitement.
La différenciation sociale, l’émergence de rapports de domination conduisent, historiquement et actuellement, à une division des contenus conjonctifs de la conscience, de sorte qu’« une certaine partie du connaissable […] est soustraite au public en tant que secret » (ibid. : 285 ; sic). Alors que le langage servait d’abord à la communication interne et à la transmission dans le temps au sein de la même communauté d’expérience conjoncturelle, il évolue maintenant « vers un langage des rapports entre les couches, vers un moyen de compréhension abstraite » (ibid. : 287) dans le cadre d’une « relation communicationnelle » (Mannheim, 1980 : 288). Les hommes ne vivent plus seulement à l’intérieur des contextes conjonctifs, mais au moins « par moments dans l’espace du communicatif » ; détachées de leur propre espace d’expérience concret, les expériences étrangères ou sur-conjonctives sont désormais « transmissibles de manière communicable » (ibid. : 289). Une « relation communicationnelle » remplace ou complète la contagion (Averbeck, 1999 : 221-223).
La transmission de connaissances conjoncturelles et communicatives s’effectue par le biais de « groupes cadres » qui disposent d’expériences et de visions du monde culturellement partagées (Mannheim, 1985 : 260). Parmi ces groupes cadres, K. Mannheim (ibid. : 237) compte, outre les communautés et organisations concrètes, « les générations, les cercles de vie, les sectes, les groupes professionnels, les écoles ». Les médias n’entrent pas explicitement en jeu en tant qu’instances de médiation, mais il est évident qu’ils pourraient en principe être en mesure d’accomplir des prestations de médiation similaires à celles des groupes-cadres qu’il a mentionnés ou justement au public ou au lectorat de la presse (Averbeck, 1999 : 227). La reconnaissance conjonctive conduit à des « structures aspectuelles » homogènes, c’est-dire des états d’esprit similaires dans une communauté (Mannheim, 1985 : 234), et chez les sujets individuels, de la connaissance du groupe concerné. Il en va autrement de la connaissance communicative : les membres du public dispersé présentent des structures aspectuelles hétérogènes (concepts, catégories, modèles de pensée, degrés d’abstraction, ontologies ; ibid. : 234-239) qui découlent respectivement de l’appartenance aux groupes cadres.
En ce qui concerne la communication entre les représentants de groupes aussi hétérogènes, K. Mannheim constate qu’ils se battent soit sur le mode de la « discussion à bâtons rompus », « comme si la différence ne résidait que dans cette seule chose », ignorant ainsi qu’ils appartiennent à des camps totalement différents ; ou bien la discussion sert réellement à « éclaircir le malentendu et la discussion à bâtons rompus par un questionnement substantiel jusqu’aux différences fondamentales » (ibid. : 240). La sociologie de la connaissance devient alors la méthode d’une rationalité dans le discours public, car elle s’interroge sur les raisons et les conditionnements sociaux des arguments. Ronald P. Seyb (2022) en infère des postulats éthique pour le journalisme, particulièrement dans un contexte de démagogie populiste du discours politique.
Le concept d’espace d’expérience et de pensée conjonctif, forgé par K. Mannheim, marque aussi ses réflexions sur les générations : des expériences communes marquantes dans la même phase biographique et historique augmentent la probabilité qu’une situation générationnelle partagée, simplement extérieure, créée en quelque sorte par le hasard biologique de la naissance, donne aussi naissance à un contexte générationnel avec, le cas échéant, plusieurs unités générationnelles (Bohnsack, Schäffer 2002 : 25, 255). Alors que le concept de génération fondé sur la sociologie de la connaissance n’a été que rarement adapté dans la recherche sur les communicants et les journalistes (Wang, 2021) et dans la recherche sur le contenu des médias (Mills, 2011), certaines études sur l’appropriation, l’utilisation et la réception ou sur l’utilisation des médias ont recours à ce concept (Peiser, 1999 ; Kubicek, Wagner, 2002 ; Schäffer, 2003 ; 2009 ; Volkmer, 2006 ; Corsten, 2011 ; Aroldi, 2011 ; Kortti, 2011 ; Miege, Olsson, 2012 ; Lepa, 2014 ; Beck, Büser, Schubert, 2016 ; pour une synthèse, Beck, 2024).
Appropriation, utilisation, évaluation des médias : le problème des générations
Déclenchée par un changement médiatique perçu comme rapide et par l’observation que les personnes de différentes cohortes d’âge utilisent les médias à des fréquences et de manières différentes, l’idée de générations médiatiques a gagné en popularité (Schäffer, 2003 : 16-18 ; 2009 : 31-32). Le débat public est alimenté par des récits de révolutions et de ruptures, motivés par la technologie et le marketing, qui postulent une succession rapide de nouvelles générations sociales (e.g. génération X ; Coupland, 1995) et médiatiques (Hörisch, 1997), ainsi que, de manière plus détaillée, par exemple la Net Generation (Tapscott, 1998), les Digital Natives (Prensky, 2001), les Cyber Kids (Holloway et Valentine, 2003) ou les enfants du Net (Steinle, Wippermann, 2003). Ce faisant, ils raisonnent souvent de manière irréfléchie en termes de déterminisme technique et ne considèrent pas certaines années de naissance comme des cohortes d’âge ; mais sans preuves empiriques et de manière hâtive, comme une génération dont les membres se distinguent par une forte et uniforme imprégnation médiatique. Les différenciations sociales au sein du groupe ainsi défini, les différentes appropriations, utilisations et significations des médias prétendument marquants ne sont pas prises en compte. On n’explique pas non plus pourquoi des technologies médiatiques spécifiques devraient avoir des effets aussi déterminants pour la vie de cette génération. Au mieux, il s’agit de réflexions sur le diagnostic de l’époque, qui peuvent être lues comme l’expression d’un certain désarroi et d’une aliénation. Les auteurs de tels essais perçoivent manifestement que leur propre utilisation des médias se distingue significativement de celle des plus jeunes : ils déclarent alors l’existence d’une nouvelle génération, soit très innovante, soit très menacée. De telles présentations, en partie très réussies, confondent les modèles d’utilisation des médias différentiels de certains groupes d’âge, observables empiriquement, avec ce qu’il convient d’entendre par génération. C’est surtout l’article sur le problème des générations (« Das Problem der Generationen » ; Mannheim, 1928a ; 1928b ; 1964b) qui s’avère utile et précurseur pour une analyse sociologique différenciée.
K. Mannheim distingue le concept positiviste, selon lui dominant dans la pensée française, de la succession des générations conditionnée par la biologie en tant que mécanisme de progrès linéaire, de la compréhension « romantique-historique » qui prend ses racines dans les sciences humaines allemandes (Mannheim, 1964b : 509, 514-516). À partir de ces deux approches, il développe le concept de génération à trois niveaux : le fait biologique de la naissance à un moment historique donné ne fait des individus que des êtres humains dans une couche générationnelle (« Generationslagerung ») spécifique, dont il ne résulte pas nécessairement de caractéristiques socialement pertinentes et explicatives. La situation générationnelle biologique n’offre, comme la situation de classe économique, qu’une condition matérielle et ne présuppose pas de groupes sociaux, de communautés ou d’organisations concrets (Mannheim, 1964b : 524-526). En ce qui concerne la « similitude des influence », par laquelle on entend les « conditions socio-politiques », la contemporanéité est une condition nécessaire mais non suffisante surtout dans les années de jeunesse. (ibid. : 516). L’espace de vie historico-social commun permet une « stratification des expériences » similaire, c’est-à-dire le vécu des mêmes événements qui relient à partir de la même stratification de la conscience (ibid. : 536). Le destin commun (M. Heidegger) fait que la simple co-existence des générations peut donner naissance à un lien entre les générations (« Generationenzusammenhang », Mannheim, 1964b : 528). Les membres de ce groupe peuvent former leur propre « entéléchie », développer un « nouvel accès » spécifique aux « biens culturels accumulés » (ibid. : 530) et « une nouvelle approche dans l’appropriation, le traitement et le perfectionnement de ce qui existe » (ibid. : 531). La « participation aux destins communs de cette unité historique et sociale » (ibid. : 542 sic), l’exemple de K. Mannheim étant la libération nationale de l’Allemagne de l’occupation napoléonienne, engendre une solidarité sociale et des courants intellectuels partagés. Ce n’est que lorsqu’une vision, une interprétation et une attitude uniformes face à de telles expériences historiques se développent que le troisième niveau peut être atteint : l’unité générationnelle. Celle-ci est marquée par « une large parenté des contenus qui remplissent la conscience de chacun » (Mannheim, 1974 : 544). Au sein d’un tel contexte, il peut y avoir plusieurs unités générationnelles, parfois polarisées (e.g. nationalisme romantique contre rationalisme libéral). C’est-à-dire qu’une génération (ni couche générationnelle ou « Generationenlagerung », ni lien ou relation générationnelle dans le sens de « Generationszusammenhang ») n’est pas une unité socialement et intellectuellement homogène. Seules les unités d’une génération (en concurrence au sein d’une génération biologique) disposent chacune d’« intentions de base qui les relient collectivement » et de « volontés collectives » socialisantes (Mannheim, 1974 : 545), qui marquent aussi socialement la perception du monde ou la cognition individuelle (546). Du point de vue de la sociologie de la connaissance, l’appartenance à une unité générationnelle (fait social) exerce donc une influence sur la pensée.
Les fondements et la différenciation de K. Mannheim en matière de sociologie de la connaissance s’avèrent utiles pour la représentation des générations marquées par les médias. Les générations ne représentent pas des unités ou des groupes sociaux homogènes qui se succèdent à un rythme biologiquement déterminé. Une relation ou un lien générationnel (« Generationszusammenhang ») ne naît pas de chaque couche générationnelle (« Generationslagerung ») : l’hypothèse d’une succession rapide de nouvelles générations de médias n’est pas du tout obligatoire. On peut douter que les innovations médiatiques, qui se limitent en partie à de nouvelles applications, aient le rang d’événements historiques qui forment un lien générationnel à partir d’une situation générationelle. Il est difficile de prouver empiriquement que la force d’empreinte de tels médias suffit à former des représentations, des valeurs et des objectifs collectifs. Les nouveaux médias, qui ne sont souvent que de nouvelles réalisations techniques de fonctions connues (applications, interfaces, plateformes), ne peuvent pas être considérés, sans autrecomme étant de la même importance et de la même puissance que les guerres de libération ou les révolutions nationales.
Les unités de génération doivent être pensées au pluriel (Mannheim, 1964b : 547, 550), c’est-à-dire que l’idée selon laquelle tous les membres de certaines années de naissance seraient marqués par certains médias, et de surcroît de la même manière, est discutable. C’est précisément ce qui est affirmé, du moins implicitement, dans le discours populaire sur les générations médiatiques. Certes, selon K. Mannheim (1964b : 550), la probabilité d’apparition de nouvelles unités générationnelles augmente « avec la vitesse de la dynamique sociale », mais, par-là, il n’entend pas les seules innovations médiatiques techniques.
De plus, l’appartenance à une unité générationnelle marque les individus de manière tout à fait différente, car les facteurs de personnalité (« traits de caractère ») et les contextes sociaux (les « cercles de vie sociaux ») jouent un rôle considérable (Mannheim, 1964b : 560). Tous les domaines de la vie des personnes ne sont pas non plus marqués par la génération (ibid. : 564), et, enfin, ni les unités générationnelles, ni les contextes ou les camps générationnels ne se détachent de manière révolutionnaire ou disruptive, comme le suggère le discours médiatique populaire sur la génération. Les couches générationnelles, qui ne peuvent en aucun cas être délimités avec précision, existent simultanément (ibid. : 540) et l’« ancienne génération » ne sont pas condamnées au conservatisme et au refus de l’innovation.
Traduction de l’allemand : Jacques Walter
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