Le « spectateur » dégradé en « public »
Marie-José Mondzain (née en 1942) est philosophe spécialisée dans l’étude du rapport aux images et directrice de recherche dans le Groupe de sociologie politique et morale (École des hautes études en sciences sociales, Centre national de la recherche scientifique). Lorsqu’elle publie Homo spectator en 2007, elle sait bien que, par cet ouvrage qui refuse de se plier aux lieux communs sur les malheurs du spectateur devant l’art contemporain, elle entre en confrontation directe avec de nombreux commentateurs de l’époque. En l’espèce, avec les théoriciens désespérés du « règne de l’image » (il n’y a plus que des images et pas de concepts), les iconophobes de toutes obédiences qui rendent l’image elle-même responsable des malheurs du temps (l’image violente crée le spectateur violent, l’image de catastrophe inspire les terroristes, etc.) et une anthropologie encore entièrement concentrée sur une définition de l’humain par le travail (homo faber). Cependant, au lieu de répondre à chacun de ces trois groupe, l’auteure saisit globalement leurs déclarations en montrant qu’il est nécessaire de les déplacer afin de formuler les questions de spectatorialité avec plus de rigueur. Ce qu’ils ne font pas, puisqu’ils croient que le spectateur ou la spectatrice existent en soi et que l’on peut étudier pour soi chaque registre (l’image d’un côté, le spectateur de l’autre). En l’occurrence, rien ne peut être compris si l’on ne corrèle pas spectateur et image, et ce couplage avec les conditions de la visibilité dans nos sociétés.
Ainsi M.-J. Mondzain fait-elle droit à un triple souci :
Grâce à l’élaboration d’une fiction anthropologique dans laquelle se compose un portrait de l’humain en spectateur du monde du fait d’une double relation d’altérité, au monde et aux autres, M.-J. Mondzain (2007) récuse donc bien le principe de réflexion de ces iconophobes selon lesquels nous serions entrés dans un désastreux « règne de l’image ». En croyant que l’image est un règne auquel attribuer la cause des malheurs du temps (ibid. : 61) et que le spectateur se laisse glisser de son fait dans la servitude, ils se satisfont de faire porter la causalité de la catastrophe à la domination visuelle des industries, ou du jeu des industries de programmation (ibid. : 72), sans saisir le contenu politique de la situation actuelle.
M.-J. Mondzain a publié de nombreux ouvrages importants (L’Image peut-elle tuer ? en 2002, Le Commerce des regards en 2003, etc.). Cependant, Homo spectator est celui qui offre les fondements de sa réflexion et leur extension la plus large. C’est donc à partir de lui que nous rendons compte de sa problématique globale. Cela étant, cette notice n’épuise pas les propos développés par l’autrice, pas plus que le livre ne s’épuise en une seule lecture. M.-J. Mondzain y dessine la manière dont la capacité imaginaire a fabriqué les êtres humains. Dès lors, l’image est traitée positivement. Elle n’est pas en soi responsable de la dégradation du spectateur. En revanche, c’est le rapport politique dans lequel sont pris tant l’image que le spectateur qui coupe les humains de toute distance formatrice et de toute capacité de jugement en réduisant les un(e)s et les autres à un rôle de figurant sollicité par une position de voyeur, d’exhibitionniste et de fétichiste au sein d’une foule anonyme, appelée « public ».
L’image fait naître l’humain à l’humanité
Forte des débats entrepris par les paléontologues autour des énigmes des figures de mains déposées au fond des cavernes – M.-J. Mondzain cite en particulier l’anthropologue André Leroi-Gourhan (1911-1986 ; 1964) – et en écartant une étude esthétique ou religieuse qu’elle tient pour nécessaire (Bataille, 1955) sans l’entreprendre, elle élabore une « fiction constituante » (« vraisemblable », dit-elle aussi – Mondzain, 2007 : 12, 21) dans laquelle elle ancre son raisonnement. En effet, elle analyse les images rupestres comme moments de naissance des opérations humaines symboliques. Ces « mains négatives » – dont on trouve une autre présentation, mais avec des proximités sur le sens de l’adresse, dans le film éponyme de Marguerite Duras (1914-1996 ; 1979) –, réalisent, sans intervention d’une transcendance, une triple opération : de confrontation (au mur, à la nature), d’application (la main dépose des pigments), de retrait par lequel naît le spectacle (Mondzain, 2007 : 25, 26). En cette opération, se joue d’abord l’instauration d’un rapport au monde qui porte l’humain à exister, à sortir hors de lui (ce que dit l’étymologie d’exister : ex-stare). Dès lors, en instaurant l’humain comme spectateur de sa propre trace, on pose une double altérité : à l’égard du monde dont l’humain se détache/déprend (ibid. : 33) et des autres auxquels il s’adresse en laissant cette trace. Ce que nous contemplons alors dans les mains magdaléniennes, c’est l’humain lui-même se cultivant, en se soustrayant à la force du seul usage (la main pour chasser, pour cuire, pour tailler) et de la satisfaction des besoins. C’est le premier autoportrait non spéculaire (ce n’est pas narcisse), l’humain s’y mettant au monde comme spectateur du monde (ibid. : 30).
L’image surgit d’un geste qui fonde la condition de possibilité de ce double rapport, celui de notre regard à un monde visible (ibid. : 22) et celui de l’adresse à l’autre puisque ce qui sépare alors le sujet du monde le tourne vers un entretien avec l’autre. Elle consiste bien en une opération (terme dérivé d’opus, orientant à la fois vers l’acte, le « faire », et le résultat, l’œuvre). Elle n’est pas une chose qui séduirait et ferait jouir en soi. Et si le « Spectateur du monde » (ibid. : 30) contribue à dessiner l’humanité de l’humain, sans participer nécessairement d’une transcendance ou d’une création, c’est que l’image a bien agi comme agent de séparation propre à engendrer ce spectateur. Un imaginaire résulte de cette séparation indispensable puisque, dans l’image, l’humain fait le deuil de son unité confuse avec le monde au profit d’une altérité dynamique. Alors, on peut en conclure que « nous ne voyons que parce que nous avons renoncé à nous voir » (ibid. : 51) en nous tenant « au voisinage de l’autre, ni trop près, ni trop loin », en réglant simultanément « cet écart où se jouent la possibilité du meurtre et celle du partage fondant la possibilité de la vie politique » (ibid. : 51).
Si les images citées bouleversent, c’est parce que nous sommes directement concernés par leur adresse, ce qui pourrait s’appeler aussi « transmission » (ibid. : 22), si l’on tient compte du fait que « la naissance de l’Homo spectator – cette détermination de l’humain – est une insurrection de la naissance d’un sujet imageant, la mise au monde de son éternité parce qu’il sait qu’il est mortel » (ibid. : 24). En tout cas, ce geste, cette opération conduit à un signal adressé. L’humain s’y signale à lui-même et aux autres. Il se donne à voir quelque chose et le donne à voir à toute l’humanité : « Ici la main produit devant les yeux l’objet du premier regard » (ibid. : 23). Cela nous parle, parce que cela parle de nous en ouvrant le chemin de la parole.
« L’homme des grottes est un auteur, son œuvre c’est le spectateur » (ibid. : 40), telle est la leçon de cette analyse de l’image rupestre proposée par M.-J. Mondzain, laquelle décale la définition de l’humain vers l’image et non plus vers le seul faire, décale aussi la parole et l’écriture de leur primauté, réfute les théologies iconophobes (fussent-elles laïques) de l’image (ibid. : 52) et dégage finalement une image assez inédite de cet humain en « spectateur du monde ».
L’homo spectator et/est le sujet du jugement
Les conditions de possibilité de l’humain ainsi fixées – autofondation, distance, altérité – , il convient d’en détailler les dynamiques, mais aussi d’en interroger les détournements. En effet, ce spectateur du monde, conquis de longue date, est devenu un otage apeuré et souvent consentant des productions spectaculaires qui n’ont d’autres effets que de l’anéantir comme spectateur, en laminant l’image et sa capacité à penser. En bridant la relation imaginaire à l’autre, la barbarie s’est enracinée entre les humains.
Les concepts mis en place dans la fiction rupestre configurent l’homo spectator de la manière suivante : c’est un être qui a conquis la capacité d’opérations imageantes, qui invente des mondes et veut les partager (Mondzain, 2007 : 62). Accoucher d’une image, c’est mettre au monde l’humain comme spectateur (ibid. : 37), c’est fabriquer des objets (ibid. : 13) proposés par quelqu’un à d’autres. Les images sont « des sortes d’apparitions spécifiques, proposées au seul pouvoir des yeux » (ce qui est à entendre en un sens métaphorique, M-J. Mondzain ne négligeant pas le cas des aveugles, par exemple). Ce sont des objets qui permettent de voir ce qui est présent, et de faire voir ce qui est absent : « On peut donc donner le nom d’image à tout ce qui fait d’un sujet qui voit un sujet capable d’entretenir avec le visible une relation de spectateur » (ibid. : 13).
Être humain, c’est poser de telles images-traces – de la séparation et de l’absence – sur le monde, se constituer comme sujet d’un jugement, donner à l’autre et partager : « L’homme qui a donné naissance à l’humanité de l’homme nous fait signe de la main indiquant par là même que le visible est produit par les mains à destination d’un regard qui renonce à posséder les choses et à être possédé par elles » (ibid. : 37). M.-J. Mondzain souligne par là qu’il faut du temps, de l’espace, du corps, des signes, de l’adresse (presque aux deux sens du terme), pour que la distance, l’absence et le retrait jouent leur rôle. Encore convient-il d’insister sur ce moment de l’acquisition du jugement dans le jeu de l’adresse, selon une notion qu’elle étaye grâce à Immanuel Kant (1724-1804), dans les termes du Projet de paix perpétuelle (1795 : 211, 240, 248). Le jugement est exercé par celui pour qui le monde devient spectacle à saisir, comprendre et partager, d’autant que ce spectacle, donc le monde, est constitué par lui. Juger signifie regarder ce qu’on voit et décider ce qu’on veut. Ce qui, on en conviendra encore avec I. Kant, ne s’accomplit-il pas dans un solipsisme, mais dans l’adresse par laquelle ce devenir spectateur est partagé, chacun se vouant à la reconnaissance du regard des autres.
Voilà pour les dynamiques. Viennent maintenant les détournements. M.-J. Mondzain entraîne son lecteur dans un parcours mi-théologique, mi-socio-politique grâce auquel elle souhaite expliquer la dégradation progressive de la légitime soif optique du spectateur et la manière dont on lui dérobe sa capacité de jugement. Pour simplifier ce parcours, disons que la maltraitance du spectateur se déploie déjà dans les religions monothéistes. Entre une religion qui a conjuré l’image et condamné les mains qui les fabriquent (en forme d’idoles), une autre qui adopte un régime iconocratique dans lequel le pouvoir ecclésial s’empare de l’image et une troisième qui confère un privilège iconique exclusif à Dieu, s’inventent les images non faites de la main d’homme concomitante de la préséance iconique de Dieu. Certes, tout n’est pas homogène dans ces doctrines – la querelle des iconoclastes et des iconodules, dans le monde byzantin et au cœur du concile de Nicée, en 787, laquelle implique des références à Moïse, Tertullien, puis au-delà, à Calvin, etc., le prouve –, mais ce qui intéresse M.-J. Mondzain est ceci : comment, dans le corpus religieux qui a traversé l’Europe, le visible a été réduit à une transparence derrière laquelle se profile une absence, détournant alors du monde et de l’autre (humain) ? Comment ce corpus, réduit à l’essentiel ici, efface l’image, même si, par exemple, le christianisme permet au spectateur de retrouver une certaine dignité de son désir de voir (ibid. : 49), ne serait-ce que par les arts interposés (le baroque, etc.).
Ces considérations offrent à l’autrice un terrain pour l’examen d’un ensemble systématisé de mesures organisant un pathos collectif (ibid. : 95) dans lequel se déploie la peur des images, en même temps que la peur du spectateur capable de juger, dont les théoriciens iconophobes de nos jours tirent la critique de notre société. Or, il y a bien dégradation de la place du spectateur aujourd’hui, mais ce n’est pas la dégradation décrite par eux qui est décisive. Il en est une autre, plus politique.
La mort du spectateur culturel dans le « public »
S’il y a bien maltraitance du spectateur, il convient de l’étudier avec des arguments permettant de ne pas avoir peur des images et du spectateur, mais d’interroger les images qui font peur et prennent en charge une certaine économie destituante des plaisirs. On peut énoncer ce point autrement : il importe de ne pas confondre redouter les images et redouter leur contenu redoutable. Comme il importe de ne pas confondre le plaisir que procurent les images avec celui procuré par le spectacle violent et cruel d’un flux d’images programmé. M.-J. Mondzain place donc à présent son lecteur devant une double dégradation : celle de la posture générale de l’humain spectateur et jugeant, et celle qui la redouble de la dégradation du spectateur des arts et de la culture.
Notre monde – de peur, d’épouvante, de violence et d’effroi, ces modèles désormais dominants du lien social (Mondzain, 2007 : 84) orienté vers la sécurité et le contrôle – fait certes de tout citoyen un spectateur. Mais quel spectateur ? Car, dans le présent, il n’est plus constitué en sujet par la voie des opérations imageantes et jugeantes. Les dispositifs visuels asservissent le spectateur devant un spectaculaire qui disloque la capacité d’analyse et d’échange. L’industrie du spectacle anéantit les ressources du spectateur (autofondation, distance, altérité). Elle est moins une industrie de l’image que des objets visibles et du spectacle, des choses vendues ou offertes à la vision (ibid. : 84). Elle s’empare du temps des spectateurs pour le rendre rentable.
C’est le moment de la naissance du « public », lequel est caractérisé par son addiction visuelle, dont la portée politique est évidente : le public n’est ni le spectateur tel que défini par M.-J. Mondzain, ni le peuple. Il est même absence du peuple. Au mieux, Le public est une masse sans devenir peuple possible. Le spectateur que nous sommes devenus nous met en « état de spectateur » (ibid. : 16) et non en un « devenir spectateur » (Ruby, 2016), formule qu’elle suggère parfois. Nous sommes placés devant des flux d’images qui veulent provoquer des effets et, simultanément, sont isolés les uns des autres. La place occupée dans un spectacle en l’achetant (par le billet) est une terrifiante composition entre une image bloquée et un voisinage de l’autre sans parole.
L’émergence du public coïncide avec la mort de l’humanité par la jouissance formatée et la peur (Mondzain, 2007 : 62) : « Dans l’esprit des programmateurs de spectacles, tout doit nous faire frémir et trembler mais tout doit aussi nous rassurer et nous faire jouir » (ibid. : 85). Ils construisent un pouvoir en se réservant le monopole des visibilités et le contrôle des émotions. Ils s’approprient le sensible de manière régalienne (ibid. : 73). Ils bloquent tout régime de visibilité pour mieux imposer les dictatures invisibles de leur divinité (l’argent, le capital). Celui qui fait voir veut dominer le regard et canaliser l’adresse à son profit. M.-J. Mondzain (ibid. : 54) souligne qu’« il est urgent de considérer ce qui arrive au spectateur dans un monde entièrement voué aux inégalités et dominé par la peur ». C’est sous cette condition que naît le public. Il se trouve là où disparaissent le sujet-spectateur ainsi que la possibilité de juger et de s’adresser aux autres, au profit de simples figurants juxtaposés et maltraités dans la foule anonyme ou mués en voyeurs, exhibitionnistes et fétichistes.
Afin de mieux préciser son propos, M.-J. Mondzain insiste : ce n’est pas un soi-disant règne des images qui est en jeu (ibid. : 61, 56), selon une notion incapable de désigner politiquement des processus assignables. D’autant que l’image est moins présente dans nos sociétés qu’on le croit, elle est même de plus en plus absente. Les images sont destituées parce qu’on s’en sert pour gouverner. L’image de haine et de peur se réserve l’empire du visible. Il y a certes des productions visibles, des actions imageantes sous passions, mais elles ne font pas images. Ces productions mettent en question le statut du spectateur. Les spectateurs ne sont plus sujets du regard et de la parole.
Une voie de sortie : les arts, la politique
D’une certaine manière, on ne peut qu’accueillir avec reconnaissance le travail final, dans l’ouvrage, par lequel M.-J. Mondzain (2007 : 70) retrace la genèse du « destin moderne du regard humain », à partir de la Première Guerre mondiale (ibid. : 64). Il s’extrait de l’injonction dont est issue une critique bien médiocre des médias de l’image. Ce serait donc plutôt durant cette guerre que commence le développement, dû à des motifs politiques, de la culture industrielle de la peur et du crime et la naissance du public par « cet homme spectateur qui est en train de se transformer en particule élémentaire d’une masse appelée “public” dans un certain environnement technologique, industriel, financier » (ibid. : 16-17). Cela n’attend ni la Seconde Guerre mondiale, ni le 11-Septembre qui en sont la conséquence. Propagande et haine de l’autre, production de croyances et non de jugements, impact de la peur conçue comme mode de manipulation fantasmatique du spectateur, en cela consiste ce détournement : « Transformer la culture en industrie de la communication est le signe d’un effondrement de la vitalité imaginaire puisque la circulation des signes est identifiée à la circulation des choses » (ibid. : 56). Les industries visuelles produisent les conditions techniques et économiques de l’écrasement du spectateur.
La réduction de l’autofondation, du retrait et de l’adresse prend forme autour de trois opérations :
Et l’autrice de conclure : « Quand on se sert des spectacles pour gouverner, le spectateur perd sa souveraineté et sa toute-puissance inaugurale dans le site imaginaire des rencontres avec l’autre » (ibid. : 62). Le spectateur ne consomme même pas, il se consume en public. Il est devenu chose, il est pris dans le champ de l’image, il fait partie de ce dont on parle et l’image devient une chose parmi les choses, rentable.
Néanmoins, ces processus ne sont pas inéluctables. Les arts le soulignent. Là où le public correspond à une place de spectateur terrifié et figé, celle de l’impuissance, les artistes et les œuvres d’art proposent des contre-offensives. Là où « le spectateur n’est plus qu’un infans installé dans le site d’un mutisme antérieur au cri même » (ibid. : 90), les œuvres tentent de reconstruire les distances et les adresses qui sortent les spectateurs de ce champ des flux provocateurs d’effrois et leur offrent la possibilité de reconstruire la distance d’où ils peuvent voir, se voir agissant et d’où ils peuvent juger (ibid. : 92).
N’est-ce pas ce que montrent, en particulier, les quelques artistes cités dans l’ouvrage ? Abbas Kiarostami (1940-2016) lorsqu’il déjoue les servitudes de la dissimulation (ibid. : 47), Jean-Luc Godard (ibid. : 54) ou Roberto Rossellini (1906-1977 ; ibid. : 86), voire Steven Spielberg (ibid. : 87). Ajoutons que les travaux antérieurs et postérieurs de M.-J. Mondzain autour des arts complètent largement ces renvois (voir Le Commerce des regards, etc.) et l’étude qu’on peut en faire (Ruby, 2014). Si les œuvres cinématographiques citées ci-dessus déconnectent le visible de l’image, restaurent l’altérité et la capacité de juger, M.-J. Mondzain repère encore dans le travail d’artistes contemporains des propositions de même type. Ainsi étudie-t-elle constamment des œuvres, celles de ceux qui désirent frustrer la pulsion de voir en sortant du rétinien, résister au spectacle, accentuer le toucher, le sentir, l’écouter, etc. Elle appuie ces travaux sur l’idée selon laquelle les intellectuels, et parmi eux les artistes et les philosophes – et ils sont encore peu de femmes –, au nom de leur savoir, creusent un horizon politique de résistance envers des institutions modernes d’oppression ayant partie liée avec un règne moins des images que de la crainte diffusée grâce aux images de propagande.
Bataille G., 1955, Lascaux, Paris, Skira, 2008.
Kant I., 1795, Projet de paix perpétuelle, prés., commenté et trad. de l’allemand par J.-J. Barrère et C. Roche, Paris, Nathan, 2010.
Leroi-Gourhan A., 1964, Le Geste et la parole, Paris, A. Michel, 1974.
Mondzain M.-J., 2002, L’Image peut-elle tuer ?, Paris, Bayard.
Mondzain M.-J., 2003, Le Commerce des regards, Paris, Éd. Le Seuil.
Mondzain M.-J., 2007, Homo spectator, Paris, Bayard.
Ruby C., 2014, Spectateur et politique. D’une conception crépusculaire à une conception affirmative de la culture, Bruxelles, Éd. La Lettre volée.
Ruby C., 2016, Devenir spectateur. Invention et mutation du public culturel, Toulouse, Éd. L’Attribut.
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