Sabotage ouvrier


 

Le sabotage est une pratique qui, par définition, tend vers la clandestinité. Dans l’argot du XIXe siècle, saboter signifie mal travailler, bâcler son travail, travailler « comme un sabot » ou « comme à coups de sabot ». Au-delà de la chaussure en bois, le sabot peut aussi évoquer une pièce pouvant servir à freiner un mécanisme. C’est l’anarchiste Émile Pouget (1860-1931) qui, au milieu des années 1890, reprend ce terme pour forger le concept syndicaliste de sabotage, conçu comme une dégradation volontaire du travail, de la production ou des moyens de production, sans mettre en danger la vie d’autrui (contrairement au terrorisme ; Brown, 1977 : 3-23). Le terme n’est jamais très clairement défini, mais il s’agit, dans tous les cas, d’un écart par rapport à la norme patronale du travail bien fait. Cette tactique est difficile à assumer publiquement dans la mesure où elle peut franchir les limites de la légalité. Elle est aussi susceptible de heurter l’immense majorité de la population, extérieure au monde du syndicalisme révolutionnaire. Le rapport entre sabotage, espace public et opinion publique est donc nécessairement tendu, voire conflictuel, même si les premiers théoriciens de ce moyen d’action ont tenté de dépasser cette contradiction.

 

L’occultation des origines ouvrières du sabotage

À partir de la Première Guerre mondiale, le mot « sabotage » est récupéré par les états et les états-majors pour désigner des actions destinées à déstabiliser une puissance étrangère (Albertelli, 2016 : 129-149). C’est cette conception qui, dans l’entre-deux-guerres, nourrit les peurs et les fantasmes autour de l’espionnage, comme en témoignent les deux films réalisés sur le sujet par Alfred Hitchcock (1899-1980 ; Sabotage en 1936, Saboteur en 1942 – respectivement Agent secret et Cinquième colonne en France). Elle n’a jamais disparu depuis, comme le révèle l’affaire des gazoducs Nord Stream en 2022. Les responsables de l’attentat contre le système de distribution de gaz reliant la Russie à l’Allemagne ont d’abord été cherchés du côté de la Russie, avant que les regards se tournent vers l’Ukraine. Toujours non résolue, l’affaire a rappelé les pratiques de guerre secrète dont les états sont familiers depuis au moins la Seconde Guerre mondiale. À tel point que le sabotage s’est progressivement réduit, dans les imaginaires et les dictionnaires, à une dégradation ou une destruction d’infrastructures (de production, de distribution, de communication, de transport, etc.), commise clandestinement par des agents au service d’un état ou d’une force politique. Cette définition se retrouve dans des contextes extrêmement variés : de la Résistance contre l’occupant allemand jusqu’à la guérilla anti-apartheid en Afrique du Sud au début des années 1960, sans oublier le sabotage écologiste qui trouve un écho dans la culture populaire, en 1975, avec le roman d’Edward Abbey (1927-1989), The Monkey Wrench Gang, traduit en français sous le titre Le Gang de la clé à molette, et remis au goût du jour par l’essai d’Andreas Malm, Comment saboter un pipeline ? (2020).

 

Les conceptions étatiques, (para)militaires et écologistes du sabotage, qui prédominent dans les représentations actuelles, ont largement occulté les origines ouvrières et syndicalistes de cette tactique. Or, pendant une vingtaine d’années, entre la fin du XIXe siècle et la fin de la Première Guerre mondiale, des militants et des organisations syndicalistes révolutionnaires ont tenté de faire du sabotage une tactique aussi légitime que la grève, en espérant même, pour certains, qu’elle pourrait remplacer la grève (Pinsolle, 2024). L’objectif était d’éviter deux écueils : d’une part, la violence terroriste contre les personnes et, d’autre part, la grève ponctuelle, jugée trop peu efficace. Conformément à la doctrine syndicaliste révolutionnaire, il s’agissait d’inventer une nouvelle forme d’action directe, dans une logique de lutte contre le patronat sans médiation parlementaire ou électorale. Ce phénomène a touché l’ensemble de la galaxie syndicaliste révolutionnaire à l’échelle internationale, à partir de deux foyers : la France avec la Confédération générale du travail (CGT, fondée en 1895) et les États-Unis avec l’Industrial Workers of the World (IWW, créé en 1905).

 

Comment rendre publique une tactique clandestine ?

Les efforts déployés pour théoriser et légitimer le sabotage de part et d’autre de l’Atlantique jusqu’à la Grande Guerre révèlent toute la difficulté à rendre public un mode d’action qui, par définition, doit rester le plus possible clandestin. Pour employer les concepts forgés par Michel de Certeau (1925-1986), il s’agit de transformer une « tactique » reposant sur l’exploitation immédiate d’une situation, en une « stratégie » planifiée à partir d’un centre ordonnateur (Certeau, 1980). En considérant que la résistance à l’exploitation est probablement aussi vieille que l’exploitation elle-même, il est également possible de voir dans le sabotage une forme de subversion « infrapolitique » (Scott, 1990) que certaines organisations tentent de faire entrer dans le « répertoire d’action » ouvrier qui, sous la plume de Charles Tilly (1929-2008 ; 1986), ne concerne que la contestation « ouverte, collective et discontinue » (Mathieu, Péchu, 2009). Mais comment appeler publiquement à recourir à une tactique potentiellement illégale, sans tomber sous le coup de la loi ? Et comment convaincre les travailleurs d’appliquer cette méthode si on ne peut rien en dire, ou presque ? La contradiction apparaît dès le IIIe congrès de la CGT, qui se tient à Toulouse en septembre 1897, au cours duquel le sabotage est officiellement adopté par la Confédération. Un des délégués explique alors qu’« il y a des choses qu’on doit faire et qu’on ne doit pas dire » (Confédération générale du travail, 1897 : 149). Jean Jaurès (1859-1914), dès le départ hostile au sabotage, en conclut en 1913 qu’il s’agit d’une tactique « impossible » :

« Ce qu’il y a de curieux, c’est que la méthode du sabotage est celle qui aurait le plus besoin d’être contrôlée pour que la violence contre le patronat ne dégénère pas en destruction inutile et funeste ou en attentat contre les consommateurs. Et c’est précisément la méthode qui, par sa nature même, échappe le plus au contrôle ; elle ne peut être pratiquée qu’obscurément, sournoisement, par une série d’actes individuels qu’aucune force organisée ne surveille et ne règle. » (Jaurès, 1913 : 1)

Le caractère insaisissable de ce moyen d’action suscite la peur et nourrit l’hostilité des grands titres de la presse nationale (Pinsolle, 2015), qui contribue à transformer une transgression (le non-respect de la norme patronale du travail bien fait) en une déviance – un comportement stigmatisé par une partie de la société au terme d’un processus d’étiquetage (Becker, 1985). La thématique inspire même deux pièces de théâtre, en 1910, qui exploitent l’imaginaire inquiétant voire effrayant qui entoure le syndicalisme révolutionnaire. Sabotage, de Charles Hellem (1876-1954), William Valcros et Pol d’Estoc (1878-1848), est ainsi jouée au Grand Guignol, spécialisé dans le genre horrifique. La Barricade, de Paul Bourget (1852-1935), est tout aussi hostile au sabotage et au mouvement ouvrier révolutionnaire en général. Par goût de la provocation, l’électricien Émile Pataud (1870-1935), une des principales figures de l’aile radicale de la CGT, accepte d’être embauché par l’imprésario organisant la tournée de cette pièce à l’été 1910. Avant le dernier acte, il monte sur scène pour défendre le sabotage, savourant son plaisir de scandaliser un public bourgeois (Hervé, 1910 ; Chapelier, 1910)…

 

Diverses stratégies pour surmonter la contradiction

La stigmatisation du sabotage est telle que la CGT prend ses distances avec cette méthode dès la fin des années 1900, préférant dénoncer le « sabotage capitaliste » auquel se livrent les patrons en faisant passer leurs profits avant la qualité du travail fourni. Cette campagne aboutit à l’émergence du « sabotage de la bouche ouverte », consistant à dévoiler au public les mensonges, falsifications et fraudes permettant aux employeurs d’augmenter leurs profits, en sacrifiant la production ou le service rendu. Les serveurs des restaurants, par exemple, sont invités à dire aux clients ce qu’il y a réellement dans leurs plats, tandis que les boulangers font remonter à La Voix du peuple, organe de la CGT, les divers procédés frauduleux imposés par les patrons pour réduire les coûts (comme le fait de couper la farine avec du talc).

Le sabotage patronal vu par Jules Grandjouan (1875-1968) dans L’Assiette au beurre, no 321, 25 mai 1907. On lit au bas de l’illustration : « Le patron boulanger. – Halte-là ! mon garçon. Il y a le bon sabotage, qui me rapporte, et le mauvais qui te fera fiche à la porte. ». Source : gallica.bnf.fr / BnF.

 

Si la CGT renonce rapidement à prôner le sabotage ouvrier et préfère rendre public le sabotage patronal, d’autres groupes plus radicaux espèrent encore populariser la tactique malgré les obstacles légaux (le Code pénal punit la détérioration de tout élément « servant à la fabrication » [article 443], la destruction ou la dégradation d’installations d’utilité publique [article 257], ainsi que les dégâts causés aux propriétés mobilières [article 440]). Parmi les plus fervents partisans du sabotage se distingue l’équipe de La Guerre sociale, hebdomadaire antimilitariste fondé en 1906 par le socialiste insurrectionnel Gustave Hervé (1871-1944), tiré à 60 000 exemplaires. La stratégie adoptée par le journal repose sur l’ambiguïté (Davranche, 2014 : 114-125). Pendant et après la grande grève des cheminots d’octobre 1910, par exemple, l’hebdomadaire prétend publier les communiqués d’une mystérieuse « Organisation », qui revendique des coupures de lignes télégraphiques et téléphoniques. L’année précédente, déjà, le gouvernement avait tenté – en vain – de prouver que G. Hervé et ses acolytes étaient les auteurs d’une circulaire diffusée sous le manteau (signée « L’Organisation de combat »), détaillant les procédés pour saboter le réseau de télécommunications. La Guerre sociale nargue les autorités en appelant à couper les lignes, sans aller jusqu’à revendiquer directement les actes commis (attribués à la mystérieuse « Organisation », probablement au moins en partie composée de l’équipe du journal, sans que cela ait jamais pu être prouvé). C’est une manière habile de prôner publiquement le sabotage, en exploitant prudemment les possibilités offertes par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. En effet, ne peuvent être punies que les provocations suivies d’effet et G. Hervé sait qu’il est impossible de prouver formellement le rapport de cause à effet entre les articles publiés et les actes commis, dont les auteurs ne sont quasiment jamais retrouvés. Quel que soit le degré d’implication de La Guerre sociale, le décalage est grand entre le complot très organisé décrit dans les rapports de police et la réalité d’une opération manifestement coordonnée, mais pas forcément pilotée de manière centralisée. La peur du complot d’extrême gauche, très forte depuis le 1er mai 1906 (Monier, 1998 : 75-86), joue beaucoup dans la manière dont cette affaire est abordée par les services de renseignements, le gouvernement et la presse. L’époque est aussi celle d’une popularisation de la figure du complot (notamment dans les romans policiers), qui cristallise les doutes et les soupçons quant aux forces occultes (par exemple anarchistes) concurrençant le pouvoir de l’état (Boltanski, 2012). La thèse (infondée) d’une organisation de saboteurs aux vastes ramifications résonne avec l’affaire de Tarnac, un siècle plus tard : derrière les dégradations de lignes TGV, le gouvernement français a tenté en vain de trouver le Comité invisible, auteur de L’Insurrection qui vient, en 2007. S’en est suivi un feuilleton judiciaire de dix ans qui, par certains aspects et avec une toute autre ampleur, rappelle la traque (vaine) des responsables des coupures de lignes télégraphiques entre 1909 et 1911.

Aux États-Unis, les Wobblies (surnom donné aux membres de l’IWW), n’adoptent pas la même stratégie que La Guerre sociale pour appeler au sabotage en limitant les risques sur le plan pénal. Leur propagande s’appuie sur des écrits théoriques publiés et publiquement assumés, mais aussi, voire surtout, sur une culture visuelle, musicale et poétique qui se développe rapidement autour du sabotage dans les années 1910 (Kornbluh, 1964 : 233-295). L’omniprésence de symboles incarnant ce moyen d’action (le sabot et le chat noir), qui trouvent un écho dans les chansons et les poèmes de bardes vagabonds (comme Joe Hill ; 1879-1915), est un moyen de prôner le sabotage sans trop en dire ni entrer dans les détails. Cette propagande syndicale provoque aussitôt l’indignation des grands journaux américains, qui, comme leurs homologues français, décrivent le sabotage comme une forme à peine atténuée de terrorisme (Pinsolle, 2021). Mais l’ambiguïté des discours et de la culture visuelle de l’IWW permet, en cas de poursuites judiciaires notamment, d’assurer aux autorités qu’il ne s’agit que d’un inoffensif ralentissement du travail, voire d’un simple « bluff » – comme le soutiendra le dessinateur Ralph Chaplin (1887-1961), père du fameux chat noir aux poils hérissés, qui a par la suite connu un succès international dans la symbolique anarchiste.

Autocollant (« stickerette ») dessiné par R. Chaplin, c. 1900-1930. Source : St. Lawrence University.

 

Retrouver les pratiques derrière le mot

L’historien lui-même se trouve parfois pris au piège de cette stratégie discursive : comment savoir, concrètement, ce que recouvrent ces appels plus ou moins voilés au sabotage ? Le problème est d’autant plus délicat que la presse a tendance à exagérer la menace, tout comme – pour mieux justifier la répression – les rapports de police et les forces politiques hostiles au syndicalisme révolutionnaire. Quant aux travailleurs, ils ont parfois recours à la méthode sans employer le mot. Après l’échec de leur grève d’octobre 1910, par exemple, les cheminots français parviennent à obtenir satisfaction en pratiquant ce qu’on commence à appeler la « grève perlée », soit une désorganisation du trafic ferroviaire des marchandises par la multiplication d’erreurs volontaires, le ralentissement du travail ou encore le respect excessif des consignes. La même tactique est adoptée par les bûcherons du nord-ouest américain qui, eux aussi, sont contraints de reprendre le travail à la fin de l’été 1917 sans avoir gagné la journée de huit heures. Alors que les États-Unis sont en guerre et que la législation fédérale a restreint la liberté d’expression, personne ne parle de sabotage : il n’est question que de « grève dans le travail » (job strike), durant laquelle des milliers de bûcherons perturbent fortement la production de bois (essentielle pour l’effort de guerre), en travaillant volontairement mal, en plantant des clous dans les arbres, en ne respectant pas les commandes, ou encore en introduisant de la poudre d’émeri dans les machines. Tout comme les cheminots français six ans avant eux, ils finissent par obtenir satisfaction (Rowan, 1920 : 48-53 ; Tyler, 1967 : 23-24).

Il est donc très difficile d’évaluer l’ampleur réelle du phénomène, tant le mot « sabotage » est employé à tort et à travers ou, au contraire, passé sous silence. Les sources judiciaires ne sont pas non plus d’une grande utilité, dans la mesure où le nombre d’arrestations et de condamnations est infime par rapport au nombre de militants concernés et d’actes potentiellement commis. Le décalage est tellement important qu’aux États-Unis, la répression finit par s’abattre avant tout sur l’apologie du sabotage (et non les actes eux-mêmes, dont les auteurs ne sont généralement pas retrouvés). Les poursuites menées au nom de l’Espionage Act de juin 1917 aboutissent, en 1918, à la condamnation d’une centaine de Wobblies, principalement pour entrave à l’effort de guerre (Strang, 2019 : 36-63). La sévérité du verdict (jusqu’à 20 ans de prison) finit de dissuader l’IWW de prôner publiquement le sabotage.

Après la guerre, cette méthode, stigmatisée et criminalisée, n’occupera plus qu’une place marginale dans le mouvement ouvrier. Certes, le sabotage a connu un renouveau dans les usines des années 1960-1970, notamment sous l’influence de l’extrême gauche (Negri, 1978 ; Chamayou, 2018). Mais il ne s’agit plus d’un moyen d’action assumé par les organisations syndicales. Par exemple, en 2018, les cheminots français ont pris soin de distinguer leur grève intermittente (deux jours sur cinq) de toute forme de « grève perlée », interdite (comme la « grève du zèle ») en tant que ralentissement ou désorganisation volontaire de l’activité (articles L2511-1 à L2512-5 du Code du travail). Cependant, le sabotage n’a pas pour autant complètement disparu du monde du travail, comme le révèlent les récents débats autour de la « démission silencieuse » (quiet quitting). Quelle que soit l’ampleur réelle du phénomène, grossi à des fins politiques (Roux, 2023), il semble évident que des formes originelles de sabotage perdurent dans les entreprises, comme la réduction des efforts fournis par les salariés au strict minimum. Mais il s’agit surtout d’attitudes informelles et individuelles, malgré leur publicisation sur les réseaux sociaux (El Yacoubi, Rascol-Boutard, 2024).

Hors du monde du travail, le mot est aujourd’hui utilisé à des fins comparatives ou métaphoriques pour désigner des pratiques de diverses natures, particulièrement dans le domaine des réseaux informatiques (de la diffusion de virus au « trollage », en passant par tous les types de piratages [Keucheyan, Tessier, 2008]). Mais le sabotage continue aussi à exister sous des formes explicites et publiquement assumées. Hors des sphères plus ou moins anonymes des mouvements anarcho-autonomes et « anti-tech » (Gardenier, 2016), le mot est rarement employé par les militants eux-mêmes, tant son usage est risqué et associé à des pratiques illégales (le sabotage est entré dans le Code pénal français en 1994 [article 411-9], sous l’angle de l’atteinte aux intérêts de la nation). C’est pourquoi les activistes de l’organisation écologiste « Les Soulèvements de la Terre », fondée en 2021, lui ont aussitôt préféré le terme de « désarmement » (Hayes, Ollitrault, 2012), pour qualifier leurs actions contre des infrastructures jugées nuisibles. Cette précaution n’a pas empêché le gouvernement français de justifier la dissolution de l’organisation en l’accusant, entre autres, de prôner et de pratiquer le sabotage (décret du 21 juin 2023). Même si cette dissolution a été annulée par le Conseil d’État (arrêt n° 476384 du 9 novembre 2023), l’affaire a révélé à quel point l’apologie publique de méthodes pouvant se rapprocher du sabotage est délicate, comme cela était déjà le cas pour les militants ouvriers du début du XXe siècle.

Cependant, il serait excessif de conclure à une incompatibilité absolue entre le sabotage et les normes – notamment légales – régissant l’espace public. En effet, l’évolution récente des législations américaine et européenne en faveur des « lanceurs d’alerte », malgré le flou entourant cette catégorie (Chacornac, 2020), offre une postérité inattendue au « sabotage de la bouche ouverte ». La méthode (consistant à révéler publiquement ce qu’une obligation professionnelle est censée garder secret) est comparable dans les deux cas, même si les saboteurs de la « Belle Époque » se préoccupaient moins de l’intérêt public que du leur, ou du moins de celui de la classe ouvrière, dans le rapport de force qu’ils cherchaient à instaurer avec le patronat.


Bibliographie

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Auteur·e·s

Pinsolle Dominique

Centre d'études des mondes moderne et contemporain Université Bordeaux Montaigne

Citer la notice

Pinsolle Dominique, « Sabotage ouvrier » Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. Mis en ligne le 20 février 2025. Dernière modification le 25 février 2025. Accès : https://publictionnaire.huma-num.fr/notice/sabotage-ouvrier.

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